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IVG et pilule du lendemain : des avancées au fenua


Tahiti, le 4 février 2021 - Pilule du lendemain gratuite, anonyme et sans ordonnance, IVG médicamenteuse pratiquée par les sages-femmes, suppression du délai de réflexion de sept jours… Le conseil des ministres a examiné deux projets de loi visant à sécuriser et simplifier l’accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse pour les mineurs.
 
Sur les 1 000 interruptions volontaires de grossesse (IVG) enregistrées chaque année en Polynésie, 14% concernent des mineures, dont 1% n’ont même pas 15 ans. Des grossesses rarement désirées à cet âge-là et souvent exposées à des complications. Raison pour laquelle la Polynésie cherche à rattraper son retard sur la métropole. C’est l’objet des deux projets de loi examinés mercredi dernier en conseil des ministres. L’un portant sur la pilule du lendemain et l’autre sur les mesures d’application relatives à l'IVG.

"Les mères adolescentes font face à des risques plus élevés de complications de la grossesse ou de l’accouchement (…). Les nourrissons de mères adolescentes sont plus exposés à des naissances prématurées et à des affections néonatales" introduit le conseil des ministres. Il s’appuye notamment sur une enquête de santé des jeunes âgés de 13 à 17 ans et scolarisés en Polynésie française en 2016, où 34,6% des jeunes filles interrogées avaient déjà eu des rapports sexuels et 3,5% déclaraient avoir été enceintes au moins une fois.

Des chiffres relativisés par la responsable du centre de consultations spécialisées en protection maternelle et infantile à la Direction de la santé, Maire Tuheiava, qui met plutôt l’accent sur le "droit fondamental" à disposer de son corps. "Notre travail c’est de donner à la femme un espace où elle peut prendre sa décision. On l’accompagne pour qu’elle ne soit pas victime de pression conjugale, familiale ou autre, insiste la responsable. On n’incite personne à avorter ou non. C’est une décision réservée à la femme, en son âme et conscience. L’IVG n’étant jamais une solution facile, il faut en amont qu’on puisse donner accès à la contraception".  
 
Pilule du lendemain gratuite et sans ordonnance
 
Si certaines dispositions de la loi "Aubry-Guigou" du 4 juillet 2001 - modernisant la loi Veil de 1975 - sont applicables en Polynésie (suppression du caractère obligatoire de la consultation psycho-sociale pour les majeures, possibilité pour les mineurs de pratiquer une IVG sans le consentement des personnes ayant l’autorité parentale, etc.), d’autres se font attendre. À l’instar de la délivrance à titre gracieux, anonyme et sans ordonnance aux mineures d’une pilule du lendemain. Une disposition prévue dans le projet de loi.

"Concrètement, la délivrance gratuite et sans ordonnance du contraceptif d’urgence en pharmacie ou dans les infirmeries scolaires pourra faciliter son recours chez les jeunes" salue Sandrine Maurice, présidente de l’association Naître en Polynésie.
En Polynésie, seules deux marques sont délivrées en pharmacie : EllaOne à 3 000 Fcfp (jusqu’à cinq jours après un rapport non protégé) et Norlevo à 800 Fcfp (jusqu’à trois jours). Si la première est prise en charge à 100% sur ordonnance, la seconde est délivrée sans ordonnance, mais à la charge de la patiente.

Contraception d’urgence dans les collèges et lycées

Le texte prévoit également la possibilité pour les infirmiers exerçant dans les établissements du second degré, d’administrer aux élèves, mineures et majeures, "à titre exceptionnel", une contraception d'urgence selon un protocole défini, "si un médecin ou un centre de planification familiale n’est pas immédiatement accessible."  À ce jour, selon l’association Naître en Polynésie, les infirmiers scolaires doivent toujours avoir une prescription par un médecin ou une sage-femme, "au moins par téléphone". Par ces deux dispositions le gouvernement entend non seulement "réduire toute restriction d’accès aux moyens de contraception fondée sur l’âge", mais aussi "améliorer l’accès" à une "solution de rattrapage" afin de réduire le risque de grossesse non planifiée et limiter "le risque de recours"  à l’IVG chirurgicale.

60 % des IVG par voie médicamenteuse

Car toutes les femmes ne disposent pas des moyens permettant de garantir l’utilisation correcte et régulière d’une méthode de contraception. "Les grossesses répétées et rapprochées présentant davantage de risques pour la mère comme pour l’enfant, indique le communiqué du conseil des ministres. Le risque de pratique d’avortements non sécurisés étant constant, l’accès à l’IVG sécurisée doit être assuré, dans le respect de la réglementation en vigueur."

Chaque année, sur les 1 000 IVG pratiquées en Polynésie (soit 25 IVG pour 100 naissances), 60 % le sont par voie médicamenteuse. Si ces chiffres sont stables depuis une dizaine d’années, il s’agit de diminuer encore les IVG chirurgicales. Notamment lorsqu’elles sont pratiquées au troisième mois de grossesse. À ce stade, elles sont forcément "plus complexes (sous anesthésie) et peuvent être plus difficiles à vivre."

L’accès aux soins et les transports en commun

C’est là que le deuxième projet de loi intervient. Il doit permettre aux sages-femmes de réaliser des IVG médicamenteuses. Une disposition vue d’un bon œil par l’association Naître en Polynésie. "Cela va améliorer l’accès à l’IVG puisque les mineures peuvent souvent aller plus facilement voir une sage-femme en dispensaire, en cabinet libéral, notamment dans les îles où il y a une ou plusieurs sages-femmes et pas de gynécologue comme à Moorea, Huahine, Bora Bora, Tubuai, Rurutu, Nuku-Hiva, Hiva Oa…" précise Sandrine Maurice. Enfin, le texte ambitionne de supprimer le délai de réflexion de sept jours entre les deux consultations médicales obligatoires. "À mon sens cela peut être intéressant dans certain cas limites, mais il faut bien sûr favoriser une période de réflexion" nuance la présidente de l’association.
 
Si les deux textes sont accueillis favorablement, l’association souligne l’importance de l’accès aux soins, dont les problématiques de transport en commun, ou l’importance de la prévention. "Il faut continuer à développer les séances aux collèges sur "la santé affective et sexuelle qui devrait être proposée chaque année en 6ème, 5ème, 4ème et 3ème, énumère Sandrine, en adaptant le contenu de la séance à l'âge des collégiens, pour aborder notamment le consentement, la protection contre les maladies sexuellement transmissibles, le planning familial".
 

Rédigé par Esther Cunéo le Lundi 8 Février 2021 à 18:37 | Lu 2708 fois