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ManaSolar couple agriculture, élevage et photovoltaïque


Crédit photos : Anne-Charlotte Lehartel.
Crédit photos : Anne-Charlotte Lehartel.
Tahiti, le 3 décembre 2024 – Des fruits, des légumes ou encore de la vanille, et des moutons qui cohabitent chacun de leur côté sous 19 000 panneaux photovoltaïques, c’est le modèle de ferme agrisolaire choisi par Albert Moux, et inauguré ce mardi matin, à Mataiea. Sa production permettra de couvrir l’équivalent de la consommation électrique de 5 200 foyers, tout en préservant la double activité agricole du domaine de la famille Bambridge. 

 
L’esprit d’entreprendre d’Albert Moux est au beau fixe. Après ManaGaz à Hitia’a, mi-octobre, c’était au tour de la ferme agrisolaire ManaSolar d’être inaugurée, ce mardi matin, à Mataiea, entre accueil traditionnel, bénédiction et discours des partenaires.
 
Au terme de 20 mois de travaux, un champ de 19 000 panneaux solaires est sorti de terre, avec une puissance de production de 10,7 MWc permettant de couvrir l’équivalent de la consommation électrique de 5 200 foyers. Compte tenu des aléas géotechniques liés à la nature du terrain, la réalisation de ce projet se chiffre à 2,4 milliards de francs, soit un surcoût de l’ordre de 10 à 15 %. ManaSolar, ce sont aussi 2 millions de litres de gasoil économisés par an, soit à la fois un effort et un tournant pour le fondateur de Pacific Energy.
 

10 hectares de production agrisolaire


Au-delà du poste de stockage et de livraison, entre batteries et onduleurs, il faut passer un second portail pour découvrir l’exploitation, où trois types d’installations se complètent sur 10 hectares, dans une démarche agrisolaire : trois serres de 700 m2, des structures hautes pour les arbres fruitiers et des structures basses pour les moutons (lire encadrés ci-dessous).
 
S’agissant de la production photovoltaïque, l’exploitation de la centrale sera supervisée par Ahmed Rahmani. “On a fait tous les essais nécessaires. On a des petites choses à affiner, mais tout fonctionne correctement”, nous a-t-il confié, en marge de la visite. “Tout ce qu’on injectera sur le réseau de transport sera rémunéré par la TEP. Ici, le tarif est de 19 francs par kWh, avec l’avantage d’être fixe pendant 25 ans.” Au volet de l’emploi, une vingtaine d’embauches locales, formation à l’appui, ont été réalisées pour les besoins du chantier. Pour la phase de fonctionnement, toutes activités confondues et prestataires de service inclus – pour la maintenance, par exemple –, l’exploitant envisagerait de “faire travailler 30 à 40 personnes à l’année”.
 

L’espace de stockage et de livraison à la TEP.
L’espace de stockage et de livraison à la TEP.

“Un projet à prendre en exemple”


Entre la capacité de production et la diversité des coactivités, le lancement de ce projet est prometteur, comme l’a souligné le président de la Polynésie française, invité avec le ministre en charge des Énergies à “appuyer sur le bouton” pour officialiser la mise en service. “C’est un projet qu’il faut prendre en exemple, car il réunit toutes les composantes de ce vers quoi on veut évoluer en termes de transition alimentaire et énergétique. (…) On est en phase de finalisation du cahier des charges du deuxième appel à projets solaires, qui sera lancé en janvier. Vous pouvez déjà vous mettre dans les starting-blocks ! C’est ce qui va nous permettre de diminuer la part des énergies fossiles dans notre mix énergétique”, a précisé Moetai Brotherson.
 
Avec la ferme de Mahana O’Hiupe, inaugurée fin octobre, et celles d’Ito Nui, prochainement, la mise en service des quatre premières fermes lauréates permettra d’augmenter de 5 % la part du renouvelable.
 

Albert Moux, président de ManaSolar : “La première ferme, mais pas la dernière”

“La consommation de pétrole va diminuer d’année en année. On doit compenser par d’autres ressources. C’est logique et nécessaire pour la transition énergétique du pays et du groupe. On a commencé à installer des panneaux solaires pour Vodafone, il y a onze ans. C’est la première ferme solaire que je développe, et je suis fier du résultat. Elle est unique, car elle ne se limite pas à la production d’énergie. Et ce n’est pas la dernière : on est prêt pour l’appel d’offres, l’année prochaine !”

Le domaine agricole des Bambridge

“Avec mes sœurs, on tenait à conserver cette première vocation d’agriculture et d’élevage sur le long terme”, remarque Tamatoa Bambridge, représentant de la famille propriétaire du domaine agricole “certifié bio”, auquel est désormais associée une production photovoltaïque. Sous les trois serres de 700 m2 – dont la toiture est une alternance de panneaux solaires et de tôles spécifiques ne filtrant pas les UV –, on retrouve du maraîchage, comme des concombres ou des germes de chia, mais aussi des plants de vanille et de caféiers. “On est dans une phase de tests par rapport aux besoins en luminosité, qui varient selon les plantes”, précise-t-il. Tomates, maïs, herbes aromatiques, tubercules, arbres fruitiers, d’autres essais sont en cours sous les tables hautes dans cette même optique, à travers la SCA Vaihiria. La commune de Teva i Uta a déjà fait part de son intérêt pour ces futures productions, afin de continuer à augmenter la part de produits locaux dans ses cantines scolaires.

“L’aventure” des moutons

L’objectif affiché est d’atteindre un troupeau de 250 à 300 moutons d’ici 2030. Pour l’heure, cinq moutons ont intégré la zone des tables basses, où ils trouvent à la fois de l’ombre et de l’herbe. Ils proviennent de l’élevage de la famille Coppenrath, à Hitia’a. Étoffer le cheptel relève du défi au Fenua, où cela revient à créer une filière. “C’est une aventure qui n’est pas encore terminée”, indique Romain Borie, ingénieur agronome qui a retracé les péripéties de ce projet d’élevage. Initialement, ce sont 20 moutons originaires de la Martinique et adaptés au climat tropical qui étaient attendus, mais une fièvre ovine a stoppé net le processus d’importation. Une alternative hawaiienne a été trouvée, mais elle se heurte à des blocages logistiques et sanitaires, toujours en cours de discussion. En parallèle, une troisième option locale se dessine en direction des Marquises, où une opération de capture de moutons sauvages sur l’île de Eiao se profile au premier trimestre 2025. “L’idée, c’est d’essayer de créer une variété de moutons réellement adaptée à la Polynésie et de développer la filière viande qui va avec (…) pour répondre à nos besoins d’autonomie alimentaire à long terme”, poursuit le conseiller technique, qui compte miser sur des croisements et sur l’importation de gamètes.

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Mardi 3 Décembre 2024 à 17:11 | Lu 5838 fois