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Otahi/A tia i mua : Harcèlement et travail de sape


Tahiti le 02 novembre 2020 - Accusé de n'avoir rien fait pour l'agent harcelé à Uturoa, le syndicat Otahi dément et précise son action pour aider la victime. Le syndicat regrette aussi que l'association que veut mettre en place A tia i mua contre le harcèlement soit dirigée par un homme faisant lui-même l'objet d'un signalement pour des faits de harcèlement auprès de l'inspection du travail. La guerre des syndicats ne fait que commencer. 
 
Suite aux attaques de la confédération A tia i mua le 15 octobre dernier, relatifs à la non-intervention de Otahi, dans l'affaire de harcèlement d'un agent de la Banque de Tahiti à Uturoa par son directeur, la secrétaire générale de Otahi Lucie Tiffenat et ses délégués syndicaux, ont voulu "rétablir la vérité". La déléguée syndicale de Otahi et secrétaire du comité d'entreprise à la Banque de Tahiti, Danièle Bertho indique que le 3 septembre dernier, la victime de harcèlement l'avait saisie et que dès le lendemain un signalement avait été fait et transmis au CHSCT, avec copie au président de cette instance, ainsi qu'à l'agent concerné. "Nous avons agi dans l'heure, nous n'avons pas attendu. L'enquête est toujours en cours, il faut laisser faire l'enquête car il y a la présomption d'innocence et on marche sur des œufs. Il faut faire attention car des vies sont en jeu" assure Danièle Bertho. L'occasion aussi pour elle de rappeler que la victime de Ra'iatea était membre de A tia i mua, et qu'elle n'a d'adhéré à Otahi qu'en mai 2019.

Faire évoluer la loi

Otahi déplore qu'en matière de harcèlement, la loi ne soit pas la même qu'en métropole. En effet, selon Otahi, au fenua, seule la victime doit apporter la preuve du harcèlement alors qu'en France la charge de la preuve existe, pour la victime et pour le présumé harceleur. "Avec la loi actuelle, c'est la présumée harcelée qui doit apporter les preuves du harcèlement et pour cela il faut trouver des témoignages donc il faut que les gens veuillent témoigner et ça c'est difficile car il y a la peur de l'employeur", affirme le DS de Otahi à la Socredo Maco Reid. Il ajoute même que les considérations syndicales doivent être mises de côté "car cette bataille ne fait que commencer". De son côté, l'élue de Otahi à la Banque de Polynésie Moea Parrino assure que : "Il faut qu'on garde à l'esprit que les souffrances au travail, la discrimination, c'est un combat de tout le monde et si on s'unit, si on fait les choses correctement, il n'y a pas de raison qu'on n'avance pas et qu'on n'évolue pas".

"La douleur n'est pas physique"

La secrétaire générale de Otahi invite les décideurs à se pencher sur ce dossier et à faire évoluer les textes de loi. "Quand on souffre de harcèlement, la douleur n'est pas physique, cela ne se voit pas, c'est là toute la difficulté de cette ‘pathologie’. Si on sort les statistiques de la CPS, le nombre de consultations chez les psys, vous allez tomber par terre (...) Ça aussi c'est la CPS qui paie et ce n'est pas normal. Tout le monde a à y gagner dans cette affaire (...). Il faut absolument modifier le code du travail dans ce sens-là”. Pour elle, la souffrance au travail doit cesser et ne doit plus exister : "Il faut que la loi soit répressive".

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"Le chevalier blanc n'est pas tout blanc"

Cinq jours après la conférence de presse de A tia i mua le 15 octobre dernier, le délégué syndical Cyril Boiron a annoncé la création d'une association de lutte contre le harcèlement.
Lucie Tiffenat, comme ses adhérents, ont appris par Tahiti Infos la mise en place de cette association. Lucie Tiffenat regrette que celui qui en tient les rênes, Cyril Boiron, ait fait lui-même l'objet d'un signalement pour harcèlement auprès de la direction de la Banque de Tahiti ainsi qu'à l'inspection du travail. Elle se dit dépitée : "faire du mal et venir faire croire à tout le monde qu'on est le chevalier blanc ? (...). On monte une association via la presse pour dire 'voilà je suis le chevalier blanc venez je vais vous défendre’ et on apprend quoi ? Que le chevalier blanc n'est pas tout blanc". Et pour cause, Lucie Tiffenat et Danièle Bertho accuse cet homme d'avoir harcelé cette dernière. Et pour remédier à toutes les conséquences psychologiques qu'a subi Danièle Bertho suite à ces agissements, "un accompagnement individuel" a été mis en place. Elle est d'ailleurs toujours suivie par une psychologue et psychiatre. Contacté plusieurs fois ce lundi, Cyril Boiron est resté injoignable.

Droit de réponse de Cyril Boiron (septembre 2021)

A la suite des propos tenus par Mme TIFFENAT et Mme BERTHO lors de la conférence de presse retranscrite dans le présent article, M. Cyril BOIRON a engagé une action en diffamation devant le tribunal correctionnel.
 
Par décision du tribunal correctionnel de PAPEETE en date du 8 juin 2021, Mme TIFFENAT et Mme BERTHO ont été condamnées pénalement pour diffamation publique et elles doivent indemniser M. Cyril BOIRON de son préjudice. Elles n'ont pas fait appel.
 
Cette décision est désormais définitive et établit le caractère mensonger des accusations portées à l’encontre de M. BOIRON dans le cadre du présent article

Lucie Tiffenat “C'est important de rétablir la vérité”

Comment avez-vous pris le fait d'avoir été pointé du doigt ?
"C'est important de rétablir la vérité. Quand j'entend le SG de A tia i mua nous dénigrer, nous pointer du doigt car on n'a rien fait, bien sûr que non. On travaille dans l'ombre, on ne le dit pas, on n'invite pas la presse et on ne dépose pas de préavis de grève pour faire avancer les choses".

Est-ce une stratégie pour avoir plus d'adhérents ?  
"L'existence des centrales syndicales est basée sur le nombre de voix obtenues aux élections de délégué du personnel. Ce que je leur reproche c'est de diffamer et de dire des mensonges. Se battre pour obtenir plus de voix c'est de bonne guerre mais pas comme cela. Ce qui est regrettable dans cette affaire, c'est qu'on ait utilisé son cas (NDLR la victime de Uturoa) pour faire de la propagande car le 26 novembre il y a le renouvellement des représentants professionnels à la BT. C'est dommage d'utiliser la souffrance d'une personne pour gagner les élections. Je trouve cette manière de faire d'une bassesse… Cette personne souffre, et on ne doit pas utiliser la souffrance des gens pour gagner. Je crois qu'on n'a pas pensé à sa souffrance c'est dommage qu'on ait exploité son cas à des fins syndicalistes". 

Danièle Bertho "Cette souffrance je ne la souhaite à personne"

Vous avez aussi été victime de harcèlement ?
"J'ai fait un signalement au mois de mai à ma direction, en juin à l'inspection du travail et en juillet on me propose une médiation. La personne présumée harceleur va refuser à deux reprises. Après la conférence de presse du 15 octobre, j'apprend qu'elle l'accepte. Cette souffrance je ne la souhaite à personne, même pas à mon pire ennemi (...). Cette souffrance est dure parce qu'à chaque fois que l'on va devoir parler de ça, on va devoir ré-évoquer cette souffrance, c'est comme si à chaque fois on venait creuser, mais à quel moment on va soigner ? (...) Qu'en-est-il de celles qui sont seules ? C'est pour elles qui faut qu'on se lève".

Comment avez-vous pris le fait qu'une association s'est mise en place ?
"Cela m'a fait mal, une amie et ma belle-sœur m'en ont parlé (...). Je leur ai dit c'est elle qui me fait souffrir. Je ne lui souhaite pas de mal, je veux juste que cela s'arrête et qu'il n'y ait plus aucune autre victime qui fasse l'objet de cela. (...). Au fond de toi tu es seule face à ta souffrance (...). Il faut faire évoluer la loi pour permettre d'avoir la charge de la preuve. Elle souffre déjà et en plus elle doit prouver mais c'est dur. Après on fait quoi ? On arrête, on se tait, on démissionne et certains vont peut-être mettre fin à leur vie. Pour toutes ces personnes on doit dire stop".

Droit de réponse de Gloria Holman

Gloria Holman, la première victime à la Banque de Tahiti à Uturoa a, au travers d'un droit de réponse apporté quelques éléments. Elle se dit "sidérée par les mensonges" du syndicat Otahi et se demande "dans quel camp ils sont". On y apprend aussi qu'elle était bien affiliée à la confédération A tia i mua entre 2013 et 2015 "par affection et solidarité avec la secrétaire du comité d'entreprise, qui l'était également, aujourd'hui déléguée du personnel SEGC BT Otahi (...). Si je l'ai suivie aveuglément jusqu'à présent, c'est parce que je lui faisais confiance ainsi qu'au groupe, visiblement à tort". Gloria Hoffman rappelle aussi dans son droit de réponse, qu'elle a été contactée par la déléguée syndicale de Otahi après que le signalement pour harcèlement a été fait au CHSCT pour lui proposer "un poste inférieur au mien : celui de guichetier dans une autre agence, sur l'île de Tahaa". Elle affirme également que si à ce jour elle est adhérente à A tia i mua "c'est par conviction".


Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Lundi 2 Novembre 2020 à 19:57 | Lu 4449 fois