Tahiti, le 26 avril 2021 – Le premier opus de notre série d’articles consacrés cette semaine à la 6e édition du Dossier d’archéologie polynésienne se penche sur les fouilles menées à Tetiaroa. Celles-ci révèlent qu’à seulement 42 kilomètres de Tahiti, l’atoll attire des communautés polynésiennes exploitant les ressources pour le compte des chefs de Arue. A l’époque pré européenne, l’île basse et ses 600 hectares de sable blanc présentent alors un parfait lieu d’évasion pour l’élite tahitienne qui y a établi son domaine.
Bien avant que Marlon Brando ne tombe sous son charme, Tetiaroa aurait vraisemblablement servi “d’île satellite”, au centre de nombreux échanges. C’est ce qui ressort d’un projet de recherche archéologique conduit par le Cirap (Centre international de recherche archéologique sur la Polynésie), en collaboration avec Tetiaroa Society depuis 2015, afin de mieux documenter l’occupation humaine de l’atoll, la seule île basse des îles du vent dans l’archipel de la société.
Or, à seulement 42 kilomètres au nord de Tahiti, Tetiaroa attire les communautés tahitiennes pour ses “ressources particulières”. Co-auteur d’un article bilan sur ces recherches paru dans la 6e édition du Dossier d’archéologie polynésienne, l’archéologue Guillaume Molle évoque la richesse de l’atoll en tortues. “C’est un lieu de nidification important dans la région d'où les travaux conduits par les biologistes pour les protéger sur place. Il y a aussi certaines espèces d'oiseaux recherchées pour leurs plumes colorées qui pouvaient entrer dans la confection d'objets, notamment de prestige comme les parures de chefs”. Enfin, les récits historiques mentionnent l’abondance des poissons dans le lagon et autour de Tetiaroa. “On peut supposer que les parties de pêche depuis Tahiti y étaient fréquentes”, ajoute celui qui est aussi enseignant-chercheur à l'Australian National University.
Pas étonnant donc que l'île soit tombée dans le domaine royal. “Même s'il ne s'agit pas d'une terre directement attachée au district de Arue sur Tahiti, l'atoll était placé sous le contrôle des familles régnantes qui en faisaient exploiter les ressources” poursuit le chercheur, justifiant ainsi la fonction d’île satellite.
Bien avant que Marlon Brando ne tombe sous son charme, Tetiaroa aurait vraisemblablement servi “d’île satellite”, au centre de nombreux échanges. C’est ce qui ressort d’un projet de recherche archéologique conduit par le Cirap (Centre international de recherche archéologique sur la Polynésie), en collaboration avec Tetiaroa Society depuis 2015, afin de mieux documenter l’occupation humaine de l’atoll, la seule île basse des îles du vent dans l’archipel de la société.
Or, à seulement 42 kilomètres au nord de Tahiti, Tetiaroa attire les communautés tahitiennes pour ses “ressources particulières”. Co-auteur d’un article bilan sur ces recherches paru dans la 6e édition du Dossier d’archéologie polynésienne, l’archéologue Guillaume Molle évoque la richesse de l’atoll en tortues. “C’est un lieu de nidification important dans la région d'où les travaux conduits par les biologistes pour les protéger sur place. Il y a aussi certaines espèces d'oiseaux recherchées pour leurs plumes colorées qui pouvaient entrer dans la confection d'objets, notamment de prestige comme les parures de chefs”. Enfin, les récits historiques mentionnent l’abondance des poissons dans le lagon et autour de Tetiaroa. “On peut supposer que les parties de pêche depuis Tahiti y étaient fréquentes”, ajoute celui qui est aussi enseignant-chercheur à l'Australian National University.
Pas étonnant donc que l'île soit tombée dans le domaine royal. “Même s'il ne s'agit pas d'une terre directement attachée au district de Arue sur Tahiti, l'atoll était placé sous le contrôle des familles régnantes qui en faisaient exploiter les ressources” poursuit le chercheur, justifiant ainsi la fonction d’île satellite.
“Un lieu de villégiature privilégié”
“L’inégale répartition de certaines ressources (…) a poussé de nombreuses sociétés polynésiennes à échanger des matériaux et des produits sur de longues distances”, notamment “entre les populations des îles hautes et celles des atolls coralliens” note l’article. “Il y avait autrefois beaucoup d'échanges de ressources (fruits, poissons, etc.) entre Tetiaroa et Arue avec des pirogues faisant l'aller-retour constamment”, indique Guillaume Molle.
Le déploiement de trois campagnes sur l’atoll permettra d’enregistrer plus d’une centaine de structures, dont une plateforme d’archers, mais aussi des cours ouvertes, des enclos, des fosses de cultures ou des marae plus élaborés. Une “diversité dans l’architecture cérémonielle” qui atteste d’une présence des élites de Tahiti, par ailleurs documentée par les traditions orales.
Ainsi Teuira Henry écrivait que des Pa’umotu habitaient l’atoll et exploitaient ses ressources pour le compte notamment de la famille Pomare. Intégré au domaine royal de Te Porionu’u – probablement au 18e siècle- l’atoll serait alors devenu “un lieu de villégiature privilégié pour la lignée des Pomare. Teti’aroa est ainsi occupé de manière permanente par les communautés en charge de l’exploitation des ressources, mais aussi temporairement par l’élite de Arue”, poursuit le texte. D’où le lien historique et administratif entre les deux sites.
Le déploiement de trois campagnes sur l’atoll permettra d’enregistrer plus d’une centaine de structures, dont une plateforme d’archers, mais aussi des cours ouvertes, des enclos, des fosses de cultures ou des marae plus élaborés. Une “diversité dans l’architecture cérémonielle” qui atteste d’une présence des élites de Tahiti, par ailleurs documentée par les traditions orales.
Ainsi Teuira Henry écrivait que des Pa’umotu habitaient l’atoll et exploitaient ses ressources pour le compte notamment de la famille Pomare. Intégré au domaine royal de Te Porionu’u – probablement au 18e siècle- l’atoll serait alors devenu “un lieu de villégiature privilégié pour la lignée des Pomare. Teti’aroa est ainsi occupé de manière permanente par les communautés en charge de l’exploitation des ressources, mais aussi temporairement par l’élite de Arue”, poursuit le texte. D’où le lien historique et administratif entre les deux sites.
Des Pomare au docteur Walter Williams
Outillage (lames d’herminette), pierres de four, éléments d’architecture… Collectés entre 2013 et 2015, plusieurs vestiges “lithiques”, dont l’analyse de 83 objets, mettent en évidence les traces de nombreuses interactions interinsulaires. Or, 90% de ces objets en pierre viennent probablement de Tahiti. “Les prismes utilisés comme éléments d’architecture dans les marae (…) montrent que les communautés installées à Tetiaroa étaient sans aucun doute liées politiquement et économiquement aux chefferies de Tahiti” et qu’elles étaient même “dépendantes des exportations tahitiennes pour les activités de subsistance les plus basiques”.
Par ailleurs, la composition de plusieurs artefacts indique des provenances plus lointaines, comme les îles Tonga, les Fidji, ou la Nouvelle-Zélande. Les prochains travaux permettront notamment d’identifier les “îles sources“ avec certitude.
Reste un vestige “dans un état de conservation tout à fait remarquable“. Celui du docteur Walter Williams, qui fait l’acquisition en 1904 de l’atoll auprès du prince Hinoi, grand chef de Arue. Sur le motu Rimatu’u, le docteur monte une exploitation de coprah “dont les vestiges sont encore nombreux” et méritent des analyses plus poussées sur les techniques et les matériaux de construction. Celles-ci devraient pouvoir renseigner sur les circuits commerciaux et la vie quotidienne pendant la période coloniale, “dans ce lieu finalement assez isolé des îles de la Société”.
Par ailleurs, la composition de plusieurs artefacts indique des provenances plus lointaines, comme les îles Tonga, les Fidji, ou la Nouvelle-Zélande. Les prochains travaux permettront notamment d’identifier les “îles sources“ avec certitude.
Reste un vestige “dans un état de conservation tout à fait remarquable“. Celui du docteur Walter Williams, qui fait l’acquisition en 1904 de l’atoll auprès du prince Hinoi, grand chef de Arue. Sur le motu Rimatu’u, le docteur monte une exploitation de coprah “dont les vestiges sont encore nombreux” et méritent des analyses plus poussées sur les techniques et les matériaux de construction. Celles-ci devraient pouvoir renseigner sur les circuits commerciaux et la vie quotidienne pendant la période coloniale, “dans ce lieu finalement assez isolé des îles de la Société”.
Des vestiges sauvés d’une destruction certaine
En 1962, Les Révoltés du Bounty (Mutiny on the Bounty) réalisé par Lewis Milestone est à l’affiche du grand écran. Après le tournage, Marlon Brando rachète l’atoll, berceau de sa romance avec Tarita, aux héritiers du Dr Williams en 1965. Il y fait construire une piste d’aviation et un hôtel sur le motu Onetahi. Désireux de préserver les ressources naturelles et culturelles de l’atoll, il finance en parallèle un projet de recherches archéologiques confié à deux chercheurs du Bishop Museum de Hawaii.
Suite au décès de l’icône américaine, SA Frangipani en tant que propriétaire légal de l’atoll loua en 2005 deux motu au groupe Pacific Beachcomber pour y construire un hôtel et agrandir la piste d’atterrissage de l’atoll. Un projet qui menaçait de détruire trois monuments pré-européens situées sur le tracé d’extension de la piste. Dans le même temps, l’ONG Tetiaroa society est créée pour perpétuer les programmes de recherche de Marlon Brando. Il s’agit d’intervenir avant les bulldozers. Avec le feu vert des nouveaux propriétaires, il est convenu “de compléter l’étude de ces vestiges, de les démonter, et de les restaurer afin de pouvoir les sauvegarder”, écrit Maurice Hardy, ingénieur eu CNRS. “Leur restauration à leur nouvel emplacement permettra aux visiteurs de prendre conscience que l’île à une longue histoire (…) et leur donnera peut-être l’envie de mieux connaître (…) la culture polynésienne au-delà des restitutions, parfois approximatives offertes aux touristes.”
Suite au décès de l’icône américaine, SA Frangipani en tant que propriétaire légal de l’atoll loua en 2005 deux motu au groupe Pacific Beachcomber pour y construire un hôtel et agrandir la piste d’atterrissage de l’atoll. Un projet qui menaçait de détruire trois monuments pré-européens situées sur le tracé d’extension de la piste. Dans le même temps, l’ONG Tetiaroa society est créée pour perpétuer les programmes de recherche de Marlon Brando. Il s’agit d’intervenir avant les bulldozers. Avec le feu vert des nouveaux propriétaires, il est convenu “de compléter l’étude de ces vestiges, de les démonter, et de les restaurer afin de pouvoir les sauvegarder”, écrit Maurice Hardy, ingénieur eu CNRS. “Leur restauration à leur nouvel emplacement permettra aux visiteurs de prendre conscience que l’île à une longue histoire (…) et leur donnera peut-être l’envie de mieux connaître (…) la culture polynésienne au-delà des restitutions, parfois approximatives offertes aux touristes.”