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PORTRAIT : Heimiti Buchin, le plus jeune gérant de pension n'a pas peur de déranger


PAPEETE, le 01 février 2017- Heimiti Buchin a 20 ans et il est aujourd'hui le plus jeune gérant de pension de famille de Polynésie. Il a fondé la pension Oa Oa Lodge il y a tout juste un an, une structure haut de gamme où il applique tout ce qu'il a appris pendant sa formation au lycée hôtelier et lors de ses stages en France et en Suisse.

Heimiti Buchin est jeune, mais justement sa jeunesse est sa force. À tout juste 20 ans, il est gérant et gestionnaire de sa propre pension de famille à Bora Bora qu'il a créée il y a tout juste un an. Ce grand brun est un enfant des Raromatai. Il est né et a grandi à Bora Bora mais surtout il était destiné à se lancer dans le tourisme. Avec un grand-père et un père dans le tourisme, la voie était toute tracée. "Je ne le savais pas encore à l'époque, mais ça allait de soi que je reprenne le flambeau. C'est d'ailleurs mon père qui m'a proposé d'ouvrir une pension de famille alors que je voulais repartir en métropole pour travailler. C'est lui qui m'a financé, j'aurais pu avoir recours à une banque, mais ça aurait été plus long", raconte honnêtement le jeune homme.

En troisième, dyslexique, avec de grosses difficultés pour lire et écrire, Heimiti Buchin ne se sent pas capable de se lancer dans une filière générale, il se tourne vers le lycée hôtelier de Tahiti. "J'avais de gros problèmes avec ma dyslexie, je savais à peine lire et écrire, je savais qu'il fallait que j'apprenne un métier rapidement. Comme je suis bon de mes mains, j'étais parti pour faire un BEP cuisine. Au lycée hôtelier, ils ont considéré qu'avec mes notes je m'épanouirais plus dans une seconde générale dans l'hôtellerie, j'ai suivi leurs recommandations. C'est là que j'ai fait mes premiers stages et j'ai adoré."

Après des stages à Bora Bora, deux stages au Maikai Yacht Club et un stage au Hilton, Heimiti Buchin obtient son baccalauréat technologique et se lance dans un BTS."Ça a été difficile, j'ai failli arrêter la première année, mais je suis resté parce que je savais qu'il y avait un stage de quatre mois à la fin. C'était le premier stage où je restais plus d'un mois dans une entreprise et j'avais vraiment envie de le tenter. Je suis allé au bout de ma première année et j'ai choisi de faire mon stage à Évian-les-Bains au Hilton." Il prend son indépendance, et s'épanouit tellement dans cette nouvelle vie qu'au lieu de rester quatre mois à Évian-les-Bains, il en passe six. "En plus de mon stage la journée, je travaillais en tant qu'extra la nuit pour un grand groupe hôtelier en France et en Suisse. J'ai énormément appris et franchement je ne voulais pas rentrer. J'ai visité les alentours, découvert pleins de nouveaux concepts et j'ai dû rentrer pour finir mon BTS, alors même que j'avais des propositions de contrats."

Le retour à Tahiti est très dur, il passe d'une vie professionnelle indépendante dans son appartement aux cahiers de la vie étudiante et l'internat. "Une semaine après la rentrée, je me suis pris une grosse claque. Le retour a été très violent. Je faisais ma deuxième année de BTS et en même temps je travaillais au Pearl Beach mais j'ai démissionné du lycée hôtelier en décembre. Dans ma tête, je voulais retourner en France pour travailler. J'avais monté ce projet, j'ai envoyé mon CV, mais les réponses tardaient à venir."

Il retourne à Bora Bora où il travaille pour le St. Regis. "J'ai découvert le luxe à Bora, très différent du luxe en France et en Suisse. J'avais toujours en tête de repartir, mais mes parents ne voulaient pas trop. Ils étaient inquiets avec les attentats et préféraient que je reste. C'est là que mon père m'a proposé l'idée de monter une pension de famille à Bora Bora."

Il hésite un peu, mais finit par accepter la proposition de son père qui lui apporte le site et les fonds pour monter une pension. Pendant quelques mois, ils travaillent, en famille, à la rénovation et à la création de cette pension Oa Oa Lodge qui voit le jour en avril 2016. "Au début, c'était dur, on a mis un peu de temps à se faire connaître, mais on a fini l'année avec un taux de remplissage moyen de 70 %, ce qui est très bien pour une nouvelle structure sur le marché."

Heimiti Buchin a conscience de la chance qu'il a. "J'ai eu ma famille pour me pousser et me donner la possibilité de monter ce projet. Les objectifs de l'année 2017 seront de rééquilibrer les comptes de la société, d'asseoir notre position sur le marché, comme ça je pourrais rendre la pareille à mon père."

Pour sa pension Heimiti Buchin mise sur le haut de gamme, il s'adresse à une clientèle CSP + (catégories socio-professionnelles favorisées), des classes moyennes supérieures du monde entier. "Je n'ai pas encore pu apporter ma touche personnelle à la pension, y mettre de concepts différents. Pour l'instant, nous nous différencions dans la qualité du service. Nous nous adaptons à notre clientèle. En fonction des périodes et de la nationalité des touristes que nous recevons, nous adaptons les bungalows pour qu'ils répondent aux attentes de nos clients."

Comme l'hôtellerie, la politique coule dans les veines du jeune homme. La fougue et l'insouciance de la jeunesse rendent Heimiti Buchin frondeur, insolent aux yeux des anciens. Il n'a pas peur de dire haut et fort le fond de sa pensée."Les anciens râlent contre le changement, mais ils ne se rendent pas compte qu'il est déjà là. Ils tardent à passer le flambeau et pour beaucoup quand ils le font, c'est déjà trop tard. Tout est à refaire."

Melinda Bodin, présidente de l'Association des hôtels de famille a pris le jeune homme sous son aile, tout comme elle le fait avec les autres jeunes qui se lancent dans ce genre de projets. "J'admire Heimiti, mais il ne faut pas oublier qu'il a eu la chance d'avoir un père qui le soutienne moralement, mais surtout financièrement dans cette entreprise. C'est bien qu'un jeune accepte de rester. La Polynésie appartient aux jeunes. Heimiti a un fort caractère, il sait ce qu'il veut et ce qu'il ne veut pas. Il a plein de projets et a envie de faire bouger les choses à Bora Bora."

Heimiti Buchin a plusieurs projets en tête, d'abord pérenniser sa pension, ensuite l'idée d'ouvrir un restaurant dans les années à venir commence à faire son chemin : "C'est un projet, mais que je ne réaliserai pas avant quatre ou cinq ans", indique le jeune homme. Pour l'instant, il a surtout envie d'œuvrer pour le tourisme de Bora Bora. L'avenir de l'île le préoccupe, quand il en parle il devient sérieux, son visage se ferme. "Arriver à réunir tous les acteurs touristiques de Bora dans une association ce serait déjà très bien. Il faut que nous fassions bouger les choses parce que Bora se repose sur l'image de carte postale. Toutes les îles, Raiatea, Taha'a, Huahine… ont avancé, ont évolué sauf nous qui prenons du retard. Sauf que la carte postale nous sommes en train de la perdre. Nous devons nous réveiller" conclu le jeune homme, le visage fermé, sur un ton décidé.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Mercredi 1 Février 2017 à 16:09 | Lu 16778 fois