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Les pensions en peine face à Airbnb


Pieds dans le sable et cheveux au vent, les sujets abordés étaient néanmoins sérieux (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Pieds dans le sable et cheveux au vent, les sujets abordés étaient néanmoins sérieux (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 3 septembre 2024 – À quelques jours de l’inauguration du salon du tourisme, l’Association du tourisme authentique de Polynésie française a ouvert sa traditionnelle réunion technique, ce mardi, à Papara. Entre développement durable et réglementation, les pensions de famille continuent de subir la concurrence “déloyale” des meublés de tourisme.
 

Héritière de la fédération Haere mai, fondée en 1997, l’Association du tourisme authentique de Polynésie française regroupe des pensions de famille et des prestataires d’activités issus d’une trentaine d’îles. Deux fois par an, avant chaque salon du tourisme, elle réunit ses membres à l’occasion d’une réunion technique d’un ou deux jours, basée sur l’échange et l’information.
 
Ce mardi, rendez-vous avait été donné sous le soleil de Papara, au Manomano Lodge. Pieds dans le sable et cheveux au vent, les sujets abordés étaient néanmoins sérieux. Outre le tourisme durable, “pas nouveau, mais important”, il a aussi été question de réglementation. “Ça nous tient à cœur ! Tout le monde peut vivre du tourisme, mais on se doit d’être professionnel. Zéro tolérance sur les normes de sécurité et d’hygiène. On veut mettre en avant des acteurs de qualité”, martèle la présidente de l’association, Mélinda Bodin, interrogée en marge de la rencontre.
 

“Tout le monde peut vivre du tourisme, mais on se doit d’être professionnel”, insiste Mélinda Bodin, présidente de l’Association du tourisme authentique de Polynésie française.
“Tout le monde peut vivre du tourisme, mais on se doit d’être professionnel”, insiste Mélinda Bodin, présidente de l’Association du tourisme authentique de Polynésie française.

Une gestion à deux vitesses


En matière de normes, un sentiment d’injustice persiste à l’égard des meublés de tourisme, type Airbnb. “Les propriétaires de pensions ont investi et ils voudraient bien, à un moment donné, avoir un retour sur investissement. Certains n’ont que des dépenses et même pas un petit salaire. Ça existe ! Aujourd’hui encore, si la concurrence est ‘déloyale’, c’est parce que la réglementation ne concerne que les pensions de famille. On nous exige une autorisation d’ouverture au public, alors que ce devrait être le cas pour tous ceux qui accueillent des touristes”, déplore Mélinda Bodin, quant à cette gestion à deux vitesses. “On a assez tapé sur la table et on nous a assez entendus. Maintenant, tout le monde peut ouvrir sa maison... Résultat : des membres m’appellent pour savoir comment changer leur patente en Airbnb !”
 
Venus exposer les normes en vigueur pour les établissements recevant du public (ERP), deux représentants d’un bureau de contrôle agréé n’ont pas manqué d’être interrogés sur le sujet par les participants. “Mon avis personnel, c’est que ça prend du temps au niveau des lois pour que ça devienne plus juste, donc je comprends la frustration des professionnels du tourisme”, confie un contrôleur.
 
Parmi les outils à disposition pour essayer d’aller de l’avant, la nouvelle version du site internet de l’association a été présentée. Mise en ligne il y a deux semaines, la plateforme recense toutes les informations pratiques relatives à chacun des membres, à destination des futurs visiteurs.
 

Lovina et Alexis, gérants du Manomano Lodge, à Papara : “Se verser un salaire ou entretenir la pension”

“Ce qui nous préoccupe, c’est l’‘ubérisation’ du tourisme. Les précédents gouvernements ne sont pas trop intervenus sur les Airbnb, parce qu’ils avaient besoin de clés. Le gouvernement actuel voudrait développer le logement chez l’habitant… Mais le gros problème avec Airbnb, c’est que ce sont généralement des gens qui investissent pour avoir un revenu complémentaire, alors que nous, c’est notre seule activité. Ça dilue la clientèle, ça nous oblige à baisser nos tarifs et, en plus, ils n’ont pas autant de contraintes que nous. On survit : on doit choisir entre se verser un salaire ou entretenir la pension. On bosse 200 heures par mois pour se sortir un Smig pour deux, et on ne peut pas embaucher. Il y a un réel problème : on ne pourra pas tenir longtemps.” 

Bianca Urarii, gérante de Chez Bianca et Benoît, à Mangareva : “Que tout le monde soit logé à la même enseigne”

“Je suis présidente de l’association Toa Pere, qui regroupe les six pensions de famille des Gambier. Nous sommes situés à 1 680 km de Tahiti. Le prix des billets d’avion a beaucoup augmenté, comme le fret. On est pénalisé, car pour venir, chaque passager doit débourser 73 500 francs aller-retour. Les gens préfèrent souvent aller à Hawaii ou en Amérique. (…) On est aussi confrontés à la concurrence des Airbnb jusqu’à chez nous. On reste majoritaires, mais ils n’ont pas les mêmes compétences, ni les mêmes formations. Ils cassent les prix : c’est un marché déloyal ! Et quand ça se passe mal, c’est l’image de tout l’archipel qui est pénalisée. Il faut que tout le monde soit logé à la même enseigne pour pouvoir développer le tourisme en Polynésie.”

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Mardi 3 Septembre 2024 à 18:40 | Lu 4714 fois