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La ferme Mahana O’Hiupe ouvre la voie


Proches et partenaires ont visité l’exploitation photovoltaïque et agricole (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Proches et partenaires ont visité l’exploitation photovoltaïque et agricole (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 30 octobre 2024 – Inaugurée ce mercredi, à Taravao, la ferme agrisolaire Mahana O’Hiupe du groupe Siu achève sa période d’essais. La démarche est “exemplaire”, avec l’élevage d’une centaine de bovins couplé à plus de 24 000 panneaux solaires surélevés. Tandis que la mise en service de trois autres centrales est imminente, le deuxième appel à projets du Pays devrait être relancé en fin d’année pour continuer à augmenter la part du photovoltaïque dans le mix énergétique.  

 
Malgré une saison des pluies déjà bien marquée, la météo était au beau fixe, mercredi, à Taravao, pour l’inauguration de la ferme agrisolaire Mahana O’Hiupe du groupe Siu, en famille et en présence de nombreux partenaires. Au terme de 21 mois de travaux, plus de 24 000 panneaux solaires ont été installés sur 12 hectares de pâturages, pour une capacité de production de 10 MWc, soit l’alimentation de plus de 5 000 foyers.
 

L’hyperviseur permet de suivre l’ensemble des paramètres de production.
L’hyperviseur permet de suivre l’ensemble des paramètres de production.

Période d’essais


À l’entrée du site, l’aire de stockage et de livraison ne passe pas inaperçue. D’importants moyens ont été déployés, dont trois containers réfrigérés autour de 20°C pour le bon fonctionnement des 1 428 batteries. Toutes les données sont collectées à travers un hyperviseur, scruté de près dans le cadre des derniers essais en cours. “On va augmenter progressivement la puissance. D’ici mi-novembre, on aura les conformités nécessaires pour injecter sur le réseau dans le cadre d’une production normale”, prévoit Steven Le Dref, chef de projet photovoltaïque chez Sunzil, en charge de la construction et de l’exploitation. 
 
L’enjeu est de taille pour “ne pas perturber le réseau”, comme nous l’a expliqué Alain Chane, directeur général délégué de la TEP : “Un arrêté impose une planification journalière de production. Grâce aux batteries, le producteur doit coller au maximum aux courbes annoncées à 6 heures du matin, avec la possibilité de réactualiser deux fois ses prévisions. Si jamais les écarts sont trop importants, le producteur prend le risque d’être déconnecté pour la journée, ce qui le pousse à être performant sur sa gestion.” L’objectif de ce régime d’essai est précisément d’essayer d’anticiper les phénomènes indésirables.
 

Les bovins ont déjà adopté les installations.
Les bovins ont déjà adopté les installations.

Georges Maau-Raoulx espère inspirer d’autres propriétaires et éleveurs.
Georges Maau-Raoulx espère inspirer d’autres propriétaires et éleveurs.

Ombre et herbe à volonté


Outre ces enjeux liés à la production électrique, le confort des animaux constitue un autre paramètre essentiel. Quatre-vingt-cinq actuellement, les bovins devraient être une centaine à terme, comme avant. De retour sur site depuis deux mois, les vaches et l’unique taureau reproducteur se sont visiblement réapproprié les lieux, de même que les éleveurs, comme Bruno, membre de la coopérative Fa’a’apu Manahune. “C’est une évolution forte dans notre métier. Avec cette méthode, on associe deux productions sans perdre de terrain agricole. C’est un peu comme l’ancienne méthode qui associait des cocotiers et des bovins”, a-t-il souligné, en marge de la visite.
 
L’émotion était palpable pour Georges Maau-Raoulx, 71 ans, éleveur de père en fils et propriétaire du terrain : “C’est un projet de longue haleine. Les vaches s’habituent très bien. J’espère que ça va inspirer d’autres éleveurs.” L’exploitation a été divisée en deux parcelles afin d’établir des cycles de pâturage d’une semaine. Sous les panneaux surélevés entre 3 et 4 mètres de hauteur, les bovins trouvent de l’ombre, mais aussi de l’herbe. Pour favoriser la pousse, l’espacement entre les structures a été étudié, et la société a opté pour des panneaux solaires bifaciaux, qui présentent aussi l’avantage de capter 7% d’énergie supplémentaire. L’ancien ministre de l’Agriculture et président de la communauté de communes Terehēamanu, Tearii Alpha, a salué “un parfait exemple, avec une double ambition de transition énergétique et de maintien de l’élevage”.
 

L’un des trois containers réfrigérés, pour un total de 1 428 batteries.
L’un des trois containers réfrigérés, pour un total de 1 428 batteries.

Préparer la suite


Sur le plan financier, cette opération se chiffre à 2,2 milliards de francs, soit une rallonge de 200 millions du fait de l’inflation. Et il faudra attendre au moins dix ans avant d’atteindre le seuil de rentabilité. Néanmoins, le tarif affiché de 17,50 francs/kWh est inférieur au plafond fixé par l’appel à projets de 2021. Fort de cette première expérience, Gérard Siu, président de Mahana O’Hiupe, est convaincu par la démarche, tout en considérant qu’il y a “des leçons à tirer”, entre le surcoût “énorme” occasionné par les batteries (malgré la défiscalisation) et la nécessité de tripler la capacité du réseau au sud de Tahiti.
 
Un message en lien avec la révision du cahier des charges bien reçu par le président du Pays, qui avait fait le déplacement depuis Huahine, à l’issue du coup d’envoi de la Hawaiki Nui Va’a. “On attend les derniers résultats d’une étude (…). Une question technique se posait entre un stockage centralisé et décentralisé. On devrait pouvoir lancer la deuxième tranche de l’appel d’offres avant la fin de l’année”, espère Moetai Brotherson, en précisant que la coactivité devrait être rendue obligatoire. Avec Ito Nui et Mana Solar, prochainement, la mise en service des quatre premières fermes lauréates permettra d’augmenter de 5% la part du renouvelable dans le mix énergétique.
 

Gérard Siu, président de Mahana O’Hiupe : “La coactivité, c’est possible et nécessaire”

“Il faut faire de la coactivité. Nous avons choisi une coactivité à 100% pour ne pas immobiliser le foncier pendant 25 ans. C’est un vrai modèle : nous voulons montrer que c’est possible et nécessaire, et nous avons besoin de l’accompagnement du Pays en ce sens, car surélever des panneaux solaires, ça coûte plus cher. On souhaite apporter à la Polynésie et aux générations futures un héritage en énergie propre. La famille a été très longtemps pionnière dans les énergies fossiles, et on veut aller vers la transition énergétique.”

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Mercredi 30 Octobre 2024 à 17:43 | Lu 2563 fois