Tahiti Infos

Visite de Hollande : "On n’attend pas du président de la République qu’il soit un secours" (Médef)


PAPEETE, 15 février 2016 - Le président du Médef-Polynésie, Olivier Kressmann, expose les préoccupations de son syndicat patronal à quelques jours de la visite officielle du président François Hollande en Polynésie française.

Qu’attendez-vous des déclarations de François Hollande, lundi prochain lors de son allocution officielle ?

Olivier Kressmann : Nous ne l’attendons pas particulièrement là. Les déclarations qu’il sera amené à faire seront très probablement politiques et au sujet du nucléaire. Est-ce que sera sur une évolution de la loi Morin ? Sur une contribution financière au titre de l’occupation des terres… ? Ce ne sont pas des sujets qui rentrent pour nous dans un cadre de réflexion au sens du développement économique. C’est le développement économique de ce pays qui nous intéresse au sein du Médef.

Qu'attendez-vous comme secours de la part du chef de l'Etat dans ce cadre ?

Olivier Kressmann : On n’attend pas du président de la République qu’il soit un secours. La Polynésie française a fait le choix de l’autonomie. Cela veut dire qu’elle a toute latitude et la responsabilité d'adopter des choix de stratégie de développement de son économie, dans les domaines qu’elle juge les plus porteurs. En nous, acteurs économiques, de l’accompagner dans cette démarche. Nous sommes dans une région autonome, assumons cette autonomie. La France, j’en suis convaincu, saura nous accompagner dans cet effort-là. Que ce soit pour aider dans le financement des infrastructures nécessaires, aujourd’hui vieillissantes et non adaptées à nos ambitions touristiques – je pense notamment à la plateforme aéroportuaire – ; en ce qui concerne, par exemple, l’économie bleue ; ou pour faciliter des éléments qui relèvent sans doute de la sécurité nationale, par rapport à tout cela… Mais je rappelle quand même qu’il y a un statut d’autonomie ici qui donne des pouvoirs et des devoirs au gouvernement et aux élus.

Votre message, est-ce en conséquence « aidons-nous et l’Etat nous aidera » ?

Olivier Kressmann : C’est exactement ça. Pas « aidons-nous » mais prenons-nous en charge avec une véritable stratégie de développement économique de ce pays – certainement pas par le biais d’une approche empirique – : où veut-on que le Polynésie soit dans dix ans en matière d’économie bleue, d'économie numérique, en matière de tourisme… ? C’est cela que l’on doit identifier et à quoi on doit travailler ! C’est à cela que le Médef a largement réfléchi et travaillé début 2015, dans le cadre de la mission stratégique de développement économique et du tourisme, conduite par le cabinet Kahn. Nous n’avons toujours pas de retour, pour ce qui est du volet économique ! Et je compte bien en avoir à un moment donné. Ca c’est important et ce sont des éléments qui relèvent de notre responsabilité à nous, Polynésiens.

Maintenant, puisque le président de la République vient en Polynésie, c’est l’occasion pour nous au Médef, si nous le rencontrons, de lui passer deux messages.
Le premier, afin de le remercier pour le soutien et la compréhension de l’Etat au sujet de l’importance de la prorogation à 2025 du dispositif de défiscalisation ; mais aussi pour lui dire que malgré cela, la défiscalisation reste sujette au bon vouloir de Bercy dans son application. On constate déjà à ce titre que des dossiers présentés au bureau des agréments à Bercy obtiennent des réponses plutôt étonnantes parfois : les règles semblent varier d’un dossier à l’autre, ce qui fait que l’on a aujourd’hui des dossiers qui n’aboutissent pas pour des motifs difficilement explicables. Nous avons un cadre législatif pour la défiscalisation jusqu’en 2025 ; mais si l’entité qui gère les agréments ne joue pas le jeu, nous n’aurons pas beaucoup avancé. (…) La défiscalisation est un outil fondamental pour notre collectivité : nous sommes dans un environnement îlien où les entreprises disposent souvent de fonds propres relativement faibles et pour qui les banques ne peuvent pas s’engager au-delà d’une certaine mesure. La défiscalisation intervient comme un appui de l’Etat qui vient garantir un financement aux banques. (…)
Le deuxième point, ce serait de dire au président de la République l'importance de rouvrir le dossier de la CSPE, la Contribution du service public à l’électricité. Ce dispositif a été pensé en 1970 pour les DOM. Son objet était d’offrir aux français ultra-marins une relative équité par rapport aux métropolitains sur les prix de l’électricité, au moyen d’une forme de péréquation. Cette péréquation et son application est gérée par la CRE (Commission de régulation de l’énergie). Au titre de la République française on peut se demander pourquoi une collectivité d’outre-mer comme la Polynésie, confrontée à des coûts importants pour la production d’énergie, n’aurait-elle pas aussi droit à cette CSPE ? (…) Baisser le coût de l’électricité, c’est augmenter le pouvoir d’achat des Polynésiens. Pour les entreprises, avoir un coût de l’énergie moins cher, c’est favoriser la compétitivité.
Le troisième point, qui n’est pas des moindres dans cet après-COP21, c’est de mettre en place un fonds de financement pour le développement des énergies renouvelables.

En synthèse de tout cela, je rappelle qui si la métropole a aujourd’hui un coût de l’électricité parmi les moins chers d’Europe, c’est grâce au choix de l’énergie nucléaire. Cette énergie, où a-t-elle été affinée technologiquement ? En Polynésie française ! Il est plus que légitime que le peuple polynésien ait un retour de cette contribution au développement du nucléaire et se retrouve lui aussi à profiter des bénéfices d'une technologie qu'il a largement contribué à mettre au point
.

Finalement, vos attentes sont très pragmatiques.

Olivier Kressmann : Depuis je crois quelques années, le Médef se montre pragmatique. Nous ne sommes pas dans une dimension politique. Nous cherchons simplement à avoir un pays qui se développe et à contribuer par tous les moyens au mieux-être et au mieux vivre. Ce n’est pas facile. Notre économie est très petite. Nous avons évidemment besoin de l’Etat. (…) Et aujourd’hui le Médef n’a pour ambition que de contribuer, amender et soutenir les actions qui favorisent le développement de ce pays pour lui redonner l’élan qu’il doit avoir à hauteur de ce qu’on peut être. Ce qui était autrefois ne peut plus être. Il y a autre chose à imaginer. Nous avons tous les éléments pour le faire. Il faut juste le mettre en musique.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 15 Février 2016 à 15:19 | Lu 1444 fois