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Visite de Hollande : "L'important, c’est que l’Etat reconnaisse sa dette envers la Polynésie française"


Edouard Fritch nous a reçu jeudi matin à la présidence pour évoquer son actualité politique à quelques jours de la visite officielle de François Hollande en Polynésie française.
Edouard Fritch nous a reçu jeudi matin à la présidence pour évoquer son actualité politique à quelques jours de la visite officielle de François Hollande en Polynésie française.
PAPEETE, 18 février 2016 - Le président Edouard Fritch nous accorde un entretien, à la veille de présider le congrès fondateur de son nouveau parti politique, samedi à la salle Aorai Tini Hau, et quelques jours avant la visite officielle du chef de l'Etat en Polynésie française.

Lundi, le chef de l’Etat devrait faire des annonces au sujet d’une évolution de la loi Morin, de la sanctuarisation de la DGA. Croyez-vous qu’il sera à la hauteur des attentes des Polynésiens ?

Edouard Fritch : Je sais, parce que je me suis entretenu longuement, et à deux reprises, avec son conseiller outre-mer, M. Vizy, que le président de la République est soucieux de faire une annonce sur le problème du nucléaire en Polynésie française. François Hollande est comme nous, je crois, irrité par les solutions qui sont apportées au travers de la loi Morin et qui touchent les vétérans. Des évolutions ont déjà été réalisées. C’est le signe qu’au plus haut niveau de l’Etat on a le souci de faciliter les choses. Marisol Touraine, ministre de la santé, à qui ce dossier est dorénavant confié, a exprimé dernièrement son inquiétude devant le nombre d’indemnisations (19 sur près de 900 je crois). Elle a exprimé sa volonté de faire avancer les choses. Au plus haut niveau de l’Etat, on a conscience aujourd’hui que la loi Morin n’exprime pas toute la reconnaissance de la France envers des personnes qui ont servi le centre d’expérimentation du Pacifique. Je m’attends à ce que le président de la République fasse une déclaration forte dans ce sens-là.
Pour la DGA, j’ai été clair, lorsqu’on m’a demandé ce qu’attendent les Polynésiens. J’ai rappelé qu’un président de la République s’est engagé pour dire qu’il s’agit, ni plus ni moins, de la dette de la France envers la Polynésie. A partir de là, il n’est pas question, derrière, de venir rogner d’une façon ou d’une autre sur ce qui est dû. Je pense que non seulement François Hollande est sensible à cela mais qu’il va nous proposer des solutions pour sanctuariser cette dette de l’Etat. Nous réfléchissons à des propositions. L’idéal pour nous protéger, de même que le gouvernement central, serait que ce principe d’une dette morale et financière soit figé dans le statut, voire dans la constitution. Mais vous comprenez bien que pour arriver à ce niveau-là, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir, pour que chacun comprenne bien qu’un engagement de l’Etat, même à 20 000 km, reste un engagement de l’Etat
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Le Tahoera’a avait proposé, en novembre 2014, une résolution pour quantifier cette dette par le biais des conséquences environnementales des essais nucléaires. Vous étiez contre. N’était-ce pas une solution ?

Edouard Fritch : Je ne suis pas pour la spéculation sur cette dette. Le Tahoera’a, c’est-à-dire nous-mêmes, dans les années 2000, avions estimé que cette dette est de 18 milliards de francs (par an). Nous avions alors estimé que nous avions besoin de l’Etat pour une partie du fonctionnement du Pays, et de sa participation pour la remise à niveau de nos infrastructures. Cette somme n’est pas tombée du ciel. Nous avions fait cette estimation sérieusement. Aujourd’hui, on vient nous dire « ce n’est pas 18 milliards. C’est 90 milliards ». Attendez… On pourra nous rétorquer qu’il ne s’agit pas de la même chose : les 18 milliards c’est une dette ; mais il y a aussi Moruroa et Fangataufa ; il y a la CPS, il y a beaucoup de choses, effectivement. Dans ces conditions-là, j’ai presque envie de vous dire : que l’Etat revienne et nous aide à faire vivre ce pays. Non. Ce n’est pas mon état d’esprit ! Je pense que nous devons avancer pas à pas en nous comprenant bien les uns les autres sans tomber dans le marchandage ou le chantage.

François Hollande est également attendu au sujet de la participation de l’Etat au financement des grands chantiers structurants (nouvel aéroport ; route de désenclavement de la Presqu’île).

Edouard Fritch : Pour cette visite, nous avons focalisé nos vœux sur deux orientations : le nucléaire ; et le développement du pays. Concernant ce second point, nous estimons que le pays aura des difficultés à porter seul le projet de développement de l’aéroport de Faa’a. Tahiti-Faa’a ne pourra pas supporter l’accroissement de son activité consécutif à l’ouverture de Mahana Beach. La deuxième orientation proposée est effectivement le désenclavement du Sud de Tahiti. Pour développer le Sud, nous avons besoin d’une seconde route de ceinture. Sans cela nous ne pourrons jamais ni développer Atimaono, ni développer Faratea. Nous appelons donc l’Etat à nous soutenir pour réaliser ces chantiers lourds : plusieurs dizaines de milliards de francs. Et puis, en troisième lieu il y a effectivement la question des communications avec un second câble pour boucler Honotua.

"CE CAILLOU QUI TRAINE DANS NOS CHAUSSURES"

Croyez-vous qu’à travers ses quelques déclarations François Hollande sera à la hauteur des attentes polynésiennes ?

Edouard Fritch : Je ne m’attends pas à ce que François Hollande résolve tous les problèmes. L'important, c’est que l’Etat reconnaisse sa dette envers la Polynésie française ; qu’il reconnaisse que cette collectivité a contribué à donner à la France de la dignité au plan international, un rayonnement et du respect ; n’oublions pas que ces essais nucléaires sont arrivés pendant la guerre froide. C’est le terrain sur lequel il faut que l’on s’accorde avec l’Etat. J’espère beaucoup que François Hollande pourra donner des objectifs pour rassurer les Polynésiens et sortir ce caillou qui traîne dans nos chaussures. Il ne faut pas que le nucléaire soit la raison utilisée en permanence par les détracteurs de l’Etat pour nous parler de l’indépendance et diaboliser le comportement des Français à l’égard des Polynésiens. Il faut résoudre ce problème. Je l’ai exposé comme une priorité lorsque nous en avons parlé à l’Elysée : le développement certes ; mais d’abord la résolution du problème du nucléaire pour que nos relations soient assainies.
Vous savez, on peut toujours demander plus ; mais il faudrait que les Polynésiens apprennent à dire "merci". On a demandé 3 milliards pour le RST, on nous a donné 1,5 milliard : on dit merci. Parce qu'aujourd'hui, le geste de donner, pour l'Etat ce n'est pas facile
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Politiquement, quelle analyse faites-vous du signal qu’envoie François Hollande en accordant, lundi, son seul entretien privé à la figure indépendantiste historique qu’est Oscar Temaru ?

Edouard Fritch : Quel type de signal ? Sur le plan institutionnel, pensez-vous qu’il s’agit de signifier au Polynésiens qu’en fin de comptes il se rallie à la démarche engagée par le Tavini à l’ONU pour faire accéder ce pays à l’indépendance ? Je ne le crois pas. Comme je ne crois pas non plus qu’il aille vers Temaru à la recherche d’un référent pour les présidentielles de 2017. Je crois plus aux relations d’amitié entre Oscar Temaru et François Hollande.

François Hollande ne peut pas ignorer l’image que cela est susceptible de renvoyer au-delà des limites de la collectivité.

Edouard Fritch : François Hollande s’expliquera probablement sur ce signal.

"NOS PROBLEMES NE SERONT PAS RESOLUS A NEW YORK"

Ne pensez-vous pas qu’il est question de la procédure à l’œuvre aux Nations-Unies, suite à la réinscription de la Polynésie française sur la liste des pays à décoloniser ?

Edouard Fritch : Je ne sais pas si tout cela prospère à New York. Je sais en revanche qu’aux dernières élections, le Tavini n’a pas progressé électoralement. Les Polynésiens savent bien que nos problèmes ne seront pas résolus à New York. Pour le moment, notre partenaire privilégié reste l’Etat français.

Quand irez-vous le dire à New York ?

Edouard Fritch : Cette année j’irai à New York. Certainement au mois d’octobre, au moment de la séance plénière.

François Hollande viens lundi et vous organisez samedi le congrès fondateur de votre parti politique. Coïncidence ou concordance ?

Edouard Fritch : Nous avons fixé la date de ce congrès en décembre dernier avant d’avoir la confirmation de la date de la visite officielle du président de la République. Mais je suis content que l’on puisse se réunir peu avant la venue du chef de l’Etat, ne serait-ce que pour montrer que les Polynésiens, aujourd’hui, soutiennent ma politique. La politique de ce groupe de femmes et d’hommes qui constitue une majorité et qui a besoin de s’unir au sein d’une famille politique.

Cela vous offre l'opportunité d’affirmer votre assise politique à deux jours de la venue de François Hollande ?

Edouard Fritch : Non. Je pense que je n’ai pas besoin d’apporter la preuve de quoi que ce soit avec le président Hollande. Nous travaillons depuis fin 2014, après notre entrevue à Nouméa et en Australie, à nous accorder sur une démarche commune au niveau du Pacifique, dans un premier temps, sur un planning de travail avec le groupe des leaders polynésiens. Ensuite, nous avons mis un programme de travail lors de notre rencontre à l’Elysée. Notre objectif commun c’est de servir la Polynésie.

Ce parti politique, c’est le tremplin que vous souhaitez pour les prochains rendez-vous électoraux ?

Edouard Fritch : Ce qui compte aujourd’hui, c’est de renforcer ma majorité à l’assemblée. C’est mon seul souci. Sinon nous ne ferons rien de bon. Nous avons perdu pratiquement un an à nous battre pour faire passer des textes à l’assemblée qui soient conformes à la conception du gouvernement. Nous sommes maintenant 29 et mon souci est de consolider cette majorité. Effectivement, ces élus doivent pouvoir s’identifier à une famille, par-delà leur famille politique d’origine : ex-Tahoera’a, ATP, Tavini… Il faut que l’on se retrouve, que l’on se renforce. Car cette année sera une année de réformes. Je me suis engagé sur la PSG (le système de Protection sociale généralisée), envers et contre tout – je sais qu’il y aura des problèmes – donc il me faut derrière une belle majorité pour me soutenir. De même pour la réforme de la fiscalité communale. Elle doit prendre forme aujourd’hui. J’ai demandé au conseil des ministres, tout dernièrement, que ces réformes soient engagées. Nous irons jusqu’au bout.

"BAPTISES SAMEDI AVEC LE MEME ESPRIT ET DANS LE MEME NOM"

On vous reproche de constituer une plateforme, plus qu’un parti politique.

Edouard Fritch : Ce ne sera pas un agglomérat, ni une famille reconstituée. Ce sera une vraie famille. A Ti’a Porinetia a pris la décision de disparaître ce mercredi soir : nous serons tous baptisés samedi avec le même esprit et dans le même nom.

N’auriez-vous pas préféré prendre la succession de Gaston Flosse au Tahoera’a ?

Edouard Fritch : Pensez-vous qu’il puisse y avoir une succession à Gaston Flosse, au Tahoera’a ? Ce sera compliqué. Le conseil politique remanié pour que la majorité reste du bon côté, de même que le grand conseil… Il ne faut pas se faire d’illusions. Non, il faut le laisser avec son Tahoera’a Huiraatira et faire quelque chose de neuf, avec des idées nouvelles, une gouvernance nouvelle et des objectifs nouveaux.

Les méthodes politiques sont-elles nouvelles aussi ? On vous reproche le contraire avec ces histoires de sucettes politiques.

Edouard Fritch : De quelle sucette vous parlez ? Au Marquises ?

Aux Marquises, aux Australes… Et les tournées gouvernementales qui servent un message partisan.

Edouard Fritch : Quand on parle de sucette en politique, il faut faire attention. Le Tahoera’a prend un mauvais exemple pour dénoncer ce que le Tahoera’a a inventé il y a quelques années. Lorsqu’on donne une « sucette » à quelqu’un c’est parce qu’on a besoin de cette personne, parce que l’on veut la corrompre pour l'utiliser. Je ne pratique pas ce genre de méthodes. Si embaucher quelqu’un devient une sucette parce que cette personne porte le nom de quelqu’un qui fait de la politique, où va-t-on ? S’il se trouve qu’au terme d’une consultation pour les Marquises, un jeune Frébault se distingue avec son master II, pour assumer la fonction de secrétaire général… Je crois qu’il faut arrêter : parce qu’un jeune a le mauvais nom je ne pourrais pas lui donner sa chance de s’épanouir dans la société polynésienne ?
On m’a fait ce reproche pour Charles Fong Loi. Idem pour Mme Sachet… Attendez ! On m’a même fait des reproches pour des marchés passés sous l’égide de l’ancien gouvernement. C'est du n’importe quoi ! Il faut arrêter de diffamer. Je l’ai dit : je ne veux pas vivre de ces mêmes méthodes ; ceux qui nous rejoindront le feront parce qu’ils sont persuadés que c’est ici que l’on trouvera le bon développement pour notre pays. Point barre. Pour le reste, je ne discute pas
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Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 19 Février 2016 à 03:00 | Lu 3377 fois