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Une thèse sur ceux qui ont "envie d'îles"


L’équipe de recherches composée de Juliette Languille, Laura Corsi, Sarah Bernard, Nathalie Bernardie-Tahir et Frédéric Richard.
L’équipe de recherches composée de Juliette Languille, Laura Corsi, Sarah Bernard, Nathalie Bernardie-Tahir et Frédéric Richard.
Raiatea, le 24 mars 2022 – Les nouveaux arrivants à Raiatea et Rurutu, qui viennent ou y reviennent, ont fait l’objet d’une thèse de doctorat à l’université de Limoges. L’influence de la nature dans l’envie de revenir ou de s’installer dans ces îles y est notamment étudiée, ainsi que les nouveaux modèles de mobilités. Les résultats ont été présentés par l’auteure mercredi soir à Uturoa.
 
Sarah Bernard, 31 ans, a étudié l’agronomie et l’anthropologie avant de se tourner vers la géographie. En 2016, elle a commencé sa thèse à l’université de Limoges : S’installer et vivre en Polynésie Française, mobilités et recompositions territoriales. L’exemple de Raiatea et Rurutu. Elle s’y intéresse aux gens qui reviennent ou qui viennent s’installer dans ces îles. Mercredi soir à Uturoa, elle a présenté ses travaux, notamment ceux qui ont participé à l’étude. Sarah explique qu’au départ, l’intention était de réaliser cette étude sur une île de chaque archipel, mais ce n’était pas possible pour cause de financement. Elle a alors choisi Rurutu, suite au recensement de 2012, qui montrait que l’île gagnait plus d’habitants qu’elle n’en perdait. Raiatea a également été choisie pour sa grande diversité de profils d’habitants.
 
Pour l’étude, Sarah a réalisé un premier voyage en Polynésie en 2017, puis un second en 2018, durant lesquels elle a passé des mois à Tubuai, Rurutu et Raiatea pour réaliser des entretiens avec des personnes qui sont arrivées ou revenues sur ces îles, qu’elles soient de Tahiti ou de l’extérieur du territoire. C'est suite à sa soutenance de thèse, en fin novembre, qu'elle a tenu à réaliser un dernier déplacement afin de présenter les principaux résultats de son étude. Sa thèse se centre sur deux grands axes. Tout d’abord le parcours de vie des personnes étudiées. D’où viennent-elles ? Quel est leur parcours de mobilité ? Pourquoi ont-elles décidé de revenir ou de s’installer ? Et pourquoi le choix de cette île ? Puis dans un deuxième point, elle a analysé leurs vies sur l’île, une fois arrivés. Qu’est-ce qu’ils font ? Comment s’installe-t-on dans ces îles ? Comment on y crée du lien ? Comment on y travaille ? Qu’est-ce qu’on fait dans ces îles pour y vivre ? Quelles sont les aides ? Enfin, elle observe les circulations des personnes. "On constate qu’on s’ancre dans une île mais on reste très mobile, on bouge sur l’île, on continue à aller à Tahiti."
 
Pour ce dernier voyage, Sarah a aussi pour objectif de réaliser une synthèse à travers un documentaire grand public. Ce déplacement servira donc aussi à filmer des plans. Elle a déjà promis de revenir ici pour le diffuser.
 
Projet ENVId’îles

Cette thèse s’inscrit dans le projet Environnement et nouveaux arrivants dans les îles périphériques de la Polynésie française (ENVId’îles). Le financement a été octroyé en 2017 par la fondation de France. La cheffe de projet est Nathalie Bernardie-Tahir, professeure de géographie à l’université de Limoges et l’équipe de recherche est composée de plusieurs chercheurs de métropole, de l’Université de la Polynésie française, du Criobe et de l’institut de statistique de la Polynésie française. Ici, ils se sont focalisés sur les étrangers qui viennent s’installer et sur des Polynésiens qui reviennent s’installer à Raiatea et Rurutu, et leur relation à l’environnement.
 
L’influence de la nature dans l’envie de revenir ou de s’installer dans ces îles est notamment étudiée. avec des questionnements tels que : "Y-a-t-il une envie de retrouver le calme et la connexion à la nature, qui peut être perdue dans les grandes villes, et quelles sont les pratiques en lien avec la nature de ces personnes qui ont eu une expérience à l’extérieur ? Est-ce qu’ils s’investissent dans des associations environnementales ? Quelle est leur mobilisation face à la nature ?"
L’un des chercheurs a par exemple travaillé sur l’agriculture. Nathalie Bernardie-Tahir déclare : "On a le sentiment qu’il se passe quelque chose depuis deux ans à Raiatea. Il y a une volonté de développer l’agriculture, les filières bio, qu’il y a des possibilités pour ça."

La thèse en résumé

La Polynésie française est depuis toujours un espace de mobilités. La circulation est même consubstantielle de l’identité polynésienne fondée sur une territorialité réticulaire. Depuis plusieurs décennies, la Polynésie française dans son ensemble connaît un solde migratoire positif, mais c’est principalement l’île de Tahiti qui a absorbé la plus grande partie de cette immigration liée à l’arrivée de Polynésiens venus des autres archipels et des Métropolitains ou étrangers.
 
Les résultats des recensements de population de 2012 et 2017 semblent révéler un changement dans les dynamiques de mobilités du Territoire : Tahiti enregistre désormais plus de départs que d’arrivées contrairement à certains autres archipels qui deviennent légèrement excédentaires. Serait-ce l’illustration d’une renaissance des marges et de l’émergence d’un nouveau modèle mobilitaire tels qu’observés dans certains territoires occidentaux, ou bien faut-il saisir cette évolution à l’aune de référentiels océaniens différents ?
 
À partir d’entretiens qualitatifs et d’observations réalisées dans deux îles, à Raiatea et à Rurutu, cette thèse interroge la nature et les ressorts des mobilités contemporaines en Polynésie française, questionne l’existence d’un nouveau modèle de mobilités et analyse les modes d’habiter insulaires aujourd’hui.


Rédigé par V.Leroi le Jeudi 24 Mars 2022 à 15:17 | Lu 3524 fois