Avant que l’assemblée de la Polynésie française ne renvoie ses dossiers vers la commission permanente pour les vacances, la représentante Hinamoeura Morgant Cross défend aujourd’hui en commission des institutions une proposition de résolution “demandant à l’État français de modifier l’article 6-1, Section 2 - De la reconnaissance de la Nation de la Loi organique N° 2004-192 du 27 février 2004 régissant le statut d’autonomie de la Polynésie française”. Un passage lors d’une date forte puisque le 2 juillet reste la date d’un triste anniversaire en Polynésie française, celui du premier essai nucléaire d’une série de 193 tirs sur les atolls de Moruroa et Fangataufa.
En plus clair, la résolution défendue par la représentante consiste à obtenir une “reconnaissance globale et entière des conséquences de la mise à contribution de la Polynésie française pour la construction de la capacité de la dissuasion nucléaire et de la défense
de la nation”.
Si la reconnaissance par l’État est effectivement actée dans la loi organique depuis juillet 2019, la proposition de Hinamoeura Morgant Cross consiste à venir préciser deux notions.
“Plus qu'une mise à contribution”
La seconde, c’est de changer la sémantique de l’article 6 de la loi organique afin de faire disparaître la notion “d’essais nucléaires” et de les remplacer par l’expression “bombes nucléaires à des fins expérimentales” : “Alors qu’un essai nucléaire désigne l’explosion d’une bombe atomique à des fins expérimentales, l’utilisation récurrente du terme ‘essai nucléaire’ minimise et masque la réalité. Il est temps d’appeler les choses par leur nom”, plaide la représentante dans l’exposé des motifs de sa proposition de résolution.
Hinamoeura Morgans-Cross
Représentante Tavini à l’assemblée
“On a pris 193 vraies bombes, pas juste des essais”
La présentation de ce texte ce mardi matin en séance est quelque chose d’important pour toi ?
“C’était symbolique et je suis très contente que ce texte soit examiné en commission ce mardi. C’est quand même la date commémorative du premier tir. C’est justement important dans le prolongement de ce texte qui vient demander à l’État de reconnaître le fait nucléaire dans sa globalité. Depuis 2019, l’État reconnait une “mise à contribution” de la Polynésie, mais cela reste une reconnaissance assez faible. Par ce texte on aimerait avoir une reconnaissance de tous les impacts, de toutes les conséquences, qu’elles soient environnementales, sociales, culturelles et sanitaires. J’espère de tout cœur que cette démarche sera bien accueillie par l’État français. La volonté n’est pas d’aller à leur encontre avec colère. C’est au contraire un signe d’apaisement et une volonté de réconciliation.”
Lors des deux dernières venues des présidents François Hollande en 2016 et Emmanuel Macron en 2021, la population attendait une demande de pardon de l’État pour ces essais. Cette proposition de résolution est-elle un pas vers ce pardon ?
“C’est le souhait en tout cas. La Polynésie souhaite avoir le pardon de l’État français sur le sujet. Ce texte pourrait être un pas de plus vers cette demande. Ce qui peut changer par rapport aux années passées, c’est que nous avons une assemblée qui est unie sur le sujet. Le combat du nucléaire n’est plus qu’un combat d’indépendantistes puisque l’an dernier nous avons voté à l’unanimité un texte venant en soutien au traité d’interdiction de prolifération des armes nucléaires. Les autonomistes, comme les indépendantistes, souhaitent avancer sur le sujet.”
Il y a une demande majeure, c’est la demande de disparition des termes ‘essais nucléaires’ au profit de ‘bombes nucléaires à des fins expérimentales’…
“Je m’en suis rendu compte il y a quelques années. Dans le livre “La vielle dame d’Hiroshima”, on parle d’une vraie bombe, et pas juste d’essais. C’est terrible ce qui est arrivé à Hiroshima et Nagasaki, mais ici, on ne peut pas dire que ce qu’il s’est passé à Moruroa et Fangataufa, ce sont juste des essais. Non, ce sont des bombes qui ont été larguées. Dans la conscience des gens, ici, on a “juste” eu des essais. Mais c’est faux, nous avons eu des bombes nucléaires à des fins expérimentales. Il faut arrêter de masquer la réalité et arrêter de minimiser les choses. Il faut une prise de conscience de la population sur ce qui est arrivé. Ne parler que des “essais” et non pas des bombes, masque l’ampleur des conséquences radio-induites. On n’a pas eu juste “des essais”, on a eu 193 vraies bombes.”