Tahiti Infos

“Une menace croissante pour l'environnement”


Tahiti, le 21 février 2024 - Dans un entretien accordé à Tahiti Infos, le colonel Grégoire Demézon, commandant de la gendarmerie pour la Polynésie française, revient sur l'opération Place nette et rappelle que la délinquance environnementale contribue à entretenir des tensions au sein de la société et est souvent liée à d’autres formes de criminalité qu’elle alimente par le financement d’activités criminelles, la corruption ou le blanchiment d’argent notamment.
 
Dans quel contexte cette opération a-t-elle été initiée et comment a-t-elle été organisée ?

“Cette opération s'inscrit dans le cadre du plan “Zéro délinquance pour les JO” décidé par le ministre de l'Intérieur et des Outre-mer et décliné par la gendarmerie nationale à travers les opérations “Place nette” conduites sur tout le territoire national. En décembre dernier, une première opération avait ciblé les infractions à la législation sur les stupéfiants. J'avais dit que cette opération n'avait pas vocation à rester sans lendemain. C'est chose faite avec cette deuxième opération qui, pendant une semaine, a porté sur la répression des infractions constitutives d'atteintes à l'environnement et à la santé publique.”
 
Quels étaient les buts de cette opération ?

“Cette opération a mobilisé entre le 10 et le 17 février entre 60 et 90 gendarmes par jour, dont six enquêteurs de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique et 30 enquêteurs environnement de proximité, sur quatre axes : la gestion des déchets ; la pollution des eaux ; le trafic d’espèce protégée ; et la répression des agressions sonores.”
 
La thématique de la protection de l'environnement est désormais l'une de vos priorités ?

“La lutte contre la délinquance environnementale est une priorité de la gendarmerie en Polynésie. Avec la prise en compte des violences intra-familiales, la répression des infractions contre les stupéfiants et la sécurité routière, c’est l’une des quatre priorités opérationnelles du ComGend. En effet, en Polynésie comme ailleurs, la délinquance environnementale constitue une menace croissante pour l’environnement, la biodiversité et la santé publique. Elle contribue à entretenir des tensions au sein de la société et est souvent liée à d’autres formes de criminalités qu’elle alimente par le financement d’activités criminelles, la corruption ou le blanchiment d’argent notamment. Mais au-delà de la gendarmerie, la lutte contre cette forme de délinquance est une priorité de politique pénale, clairement exprimée comme telle lors de l’audience solennelle de rentrée du parquet, en janvier dernier. La gendarmerie nationale y prend donc toute sa part, la plupart du temps, comme ce fut le cas cette semaine d’ailleurs, aux côtés de nombreux autres acteurs, et notamment des administrations du Pays qui traitent de cette thématique et qui sont des partenaires au quotidien.”
 
Quelles sont les principales atteintes à l'environnement constatées en Polynésie ?

“Les atteintes les plus prégnantes à l’environnement en Polynésie ne sont pas très différentes de celles que l’on constate ailleurs. Les principales problématiques portent sur le traitement des déchets, la pollution des eaux, les infractions à la réglementation sur les produits phytosanitaires, la maltraitance animale et le trafic de produits de santé.”
 
De quels outils disposez-vous pour lutter dans ce domaine ?

“La gendarmerie nationale se restructure depuis plusieurs années pour mieux prendre en compte ce contentieux et a connu une vraie montée en puissance de ses capacités. C’est vrai au niveau national avec la création de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, en 2004, qui a pour mission de traiter des questions liées aux pollutions des milieux physiques, à la protection de la faune et de la flore ainsi qu’aux trafics illicites de déchets. Sur le plan de la santé publique, l'Office s’intéresse aux déviances médicales et paramédicales – exercice illégal des professions de santé, infractions concernant le corps humain et ses éléments, trafics de produits de santé –, à la sécurité sanitaire et/ou alimentaire – marchandises falsifiées, consommations humaine et animale, bioterrorisme – ainsi qu’à la lutte contre les trafics de produits dopants. En Polynésie, une antenne de cet office central a été créée à l’été 2022 avec six enquêteurs, cinq gendarmes et un policier, qui disposent d’un haut niveau d’expertise et sont spécialisés dans le traitement de ce contentieux. Au quotidien, ils sont renforcés par un réseau de 30 officiers de police judiciaire, qui ont suivi localement un module de formation complémentaire à leur formation initiale d’officier de police judiciaire et qui leur donne la qualification d’enquêteur environnement de premier niveau.”
 

Rédigé par Garance Colbert le Mercredi 21 Février 2024 à 07:41 | Lu 1926 fois