Tahiti Infos

Une marée humaine honore le 55e anniversaire du 1er essai nucléaire


Tahiti, le 2 juillet 2021 – Plus de 2 300 personnes ont défilé dans les rues de Papeete pour commémorer le 55e anniversaire du premier essai nucléaire, Aldébaran. Organisée par l'Eglise protestante maohi et Moruroa e tatou, la marche a vu ses rangs gonflés par l'association 193, des sympathisants venus des îles éloignées, ou des outsiders à la lutte anti-nucléaire, à l'instar de Gaston Flosse.
 
Ils avaient promis de faire du bruit dans les rues de Papeete. Promesse tenue. Plus de 2 300 personnes selon les renseignements généraux, - 3 000 selon les organisateurs -, ont répondu présent à la marche organisée ce matin par l'Eglise protestante maohi et Moruroa e tatou. A la tête du cortège venue commémorer le 55e anniversaire du premier essai nucléaire en Polynésie, Aldébaran, le 2 juillet 1966, on note les figures de proue de la lutte anti-nucléaire : Hiro Tefaarere, François Pihaatae ou encore Père Auguste Uebe-Carlson, président de l'association 193.

Rejointe par une délégation de 400 personnes descendues de Moorea, une marée humaine s'est ainsi déversée dans le centre-ville avant de s'engouffrer dans l'avenue Pouvana'a Oopa, au son des to'ere et d'un orchestre ambulant de ukulele. La présence en nombre de jeunes venus de l'île sœur est selon Hiro Tefaarere "le fruit des réunions de sensibilisation qu'on a tenu sur le terrain depuis maintenant cinq mois une fois par semaine. Cette prise de conscience, c'est notre grande satisfaction". De quoi conforter la démarche du leader de Moruroa e Tatou qui continuera à "partager ce combat sur le terrain" et notamment ce week-end à Papenoo.

"Négationnisme"

Alors que la table ronde sur le nucléaire s'achève à Paris, il souligne le message du mouvement : "vous nous avez menti toute notre vie, le livre Toxique est là pour le rappeler". L'occasion pour le président de l'association d'inviter le président Macron en personne au synode de l'église protestante Maohi, prévu le 25 juillet à Mahina. "On lui dit : viens discuter avec nous, tu entendras autre chose que ce que les missionnaires (la délégation Reko Tika, Ndlr) t'ont apporté à Paris. Ensuite on essayera de cheminer ensemble, mais on sait qu'il a une échéance en 2022, alors que nous non", glisse Hiro Tefaarere, avant de disparaître dans la foule.

Au-dessus des têtes, des banderoles s'élèvent, flanquées de slogans chocs : "Votre nucléaire tuera toujours le peuple maohi", "l'ADN du peuple maohi est contaminé". Dans les rangs des marcheurs on fustige en boucle "le secret défense", le "mensonge", la "négligence", le "négationnisme" de l'Etat. "On a entendu le bilan des ministres ce matin : circulez, il n'y a rien à voir" résume ainsi Père Auguste Uebe-Carlson. "La délégation est partie avec une feuille de route, elle reviendra avec une pilule à nous faire avaler, oui c'est du négationnisme".

Reçue par le haut-commissaire justement, la délégation du mouvement conduite par le président de l'église protestante, François Pihaatea, a encore signifié au représentant de l'Etat l'importance de mener le débat à domicile. "C'est notre souhait, le problème il est ici, pas en France, pourquoi on irait chez eux ? S'il ne vient pas, ça veut dire qu'il s'en fou du peuple Maohi". François Hollande, Sébastien Lecornu et Emmanuelle Macron fin juillet. Listant ainsi les responsables politiques, le leader de l'Eglise protestante rappelle que "c'est toujours la même chanson, c'est juste le chanteur qu'on a changé. La santé et la dignité du peuple maohi meurtri par les essais, ce n'est pas négociable à une table ronde. Il ne sortira rien de cette table ronde".

Appel au jeûne

Entouré de Bruno Sandras et de Tauhiti Nena, Gaston Flosse compte lui aussi demander un rendez-vous au président de la République. "J'espère qu'il nous recevra, on lui présentera notre projet de souveraineté". S'il est de notoriété publique que le leader du parti orange a soutenu l'Etat lors de la reprise des essais nucléaires en 1996, celui s'époumone encore à dire qu'il "ne savait pas", dressant dès lors, sans surprise, un constat sévère des discussions à Paris avec la délégation Reko Tika. "Il ne s'est rien passé, j'ai regardé toutes les chaînes françaises, personne n'a parlé d'une table ronde de haut niveau, (…) c'est toujours le même refrain, il n'y a rien de nouveau".

Dans les jardins de Paofai, les prises de parole se sont succédé, ponctuées par des chants et des danses au rythme des pahu. Dans l'assistance posée sur le gazon devant la stèle de l'autonomie, les sympathisants sont venus de loin. Taha'a, Huahine, Raiatea, Maio, Raivavae, ou Ua Pou. A leur attention et à celle des jeunes générations, les organisateurs ont appelé ce dimanche au jeûne en hommage aux "oubliés des maladies radio-induites".
 


Rédigé par Esther Cuneo et Vaite Urarii-Pambrun le Vendredi 2 Juillet 2021 à 16:23 | Lu 4098 fois