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Une charte pour les handicapés


La fraternité chrétienne a accueilli la charte Romain Jacob, jeudi 1 aout. Crédit : TL
La fraternité chrétienne a accueilli la charte Romain Jacob, jeudi 1 aout. Crédit : TL
Tahiti, le 3 août 2024 - Fervente défenseuse des droits des handicapés et première militante pour de meilleurs soins dispensés, Frédérique Jacob est venue en personne à Tahiti pour présenter la charte qu’elle élabore depuis 2014, date du décès de son fils polyhandicapé. La charte “Romain Jacob”, qui porte le nom de son fils, vise à améliorer l’offre de soins des personnes vivant avec un handicap.
 
Journée chargée en émotions, ce jeudi à la Fraternité chrétienne. Les larmes se sont mêlées aux rires, alors que Frédérique Jacob, enseignante en arts plastiques et mère de deux enfants polyhandicapés, racontait l’histoire tumultueuse de cette charte, initiée en 2014. Une histoire qui parle à beaucoup de parents et de pensionnaires présents à la Fraternité ce jour-là, car ce sont les premiers confrontés aux difficultés de prise en charge d’un handicap à Tahiti. Ensemble, ils ont découvert la charte qui porte le nom du fils de Frédérique, “Romain Jacob”. Une somme de règles “écrite par et pour les handicapés” qui vise à améliorer l’accompagnement et la prise en charge de ces derniers.
 
Le handicap, ça a ce côté très routinier, et parfois très violent”, constate Frédérique Jacob. “Les hôpitaux, les examens médicaux… C’est parfois des difficultés et de la peur, pour être soigné. On s’est dit, avec mon mari, qu’il fallait qu’on fonde une structure pour faciliter les soins.” Ainsi est née cette charte, qui a récolté près de 7000 signatures de plusieurs centres médicaux, d’acteurs politiques, administratifs et financiers, et qui s’exporte aujourd’hui dans le monde entier pour améliorer l’offre de soins à l’international.
 
Un texte “à la sauce polynésienne”
 
Timothée de Saint Denis, neurochirurgien pédiatre et cousin de Romain Jacob, insiste sur un point : “Cette charte n’est pas faite pour dire aux gens ce qu’il faut faire. Elle est là pour aider les gens à faire ce qu’il faut faire. C’est un moteur.” Un moteur qui vise à améliorer la qualité des soins prodigués, de manière locale. D’où la nécessité de l’adapter aux spécificités du Fenua, “de la remixer à la sauce polynésienne”, détaille le pédiatre. “Le handicap est universel, et c’est donc important de l’adapter à tous les endroits où il est présent, à leur problématique unique. Comme ici avec l’éloignement des îles.”
 
La charte, présentée à la Fraternité chrétienne, a conquis plus d’un cœur. Mais Pauline Moua, présidente de cette association reconnue d’intérêt général, reste prudente, consciente de ses responsabilités. “Je ne veux pas signer n’importe quoi : je vais bien prendre le temps de lire”, justifie celle qui sacrifierait tout pour ses pensionnaires. Et ça, Frédérique l’entend, et admire même le dévouement. Y a-t-il l’espoir que la Fraternité chrétienne finisse par adhérer à cette charte ? “Je n’ai pas espoir qu’elle finisse par la signer ; j’ai espoir qu’elle ait envie de la signer”, répond Timothée de Saint Denis. Une nuance qui fait toute la différence. “Je ne suis pas venu ici pour récolter des signatures, mais avant tout pour en parler”, explique le neurochirurgien. Pour Pauline, c’est surtout le Pays qui devrait envisager une signature, pour permettre à cet outil une réelle efficacité.
 
Éviter les dérives
 
Pour éviter que cette charte ne devienne qu’un simple trophée pour des structures peu scrupuleuses, qui la signeraient dans le but de l’afficher dans un beau cadre, les instigateurs ont mis en place le dispositif Handifaction : “Handifaction, c’est une part de la charte Romain Jacob. C’est un questionnaire en ligne qui permet d’évaluer l’offre de soins et la satisfaction des usagers qui vivent avec un handicap. Il comporte quatre questions piliers : Est-ce que le soin a pu être apporté ? Est-ce que l’accompagnement a été à la hauteur ? Est-ce que l’information a été donnée ? Est-ce que la douleur a été prise en charge ?” La charte, tout juste débarquée à Tahiti, a été présentée à divers acteurs qui ont le pouvoir d’influer sur l’offre de soins. Reste à voir qui y adhèrera.

Rédigé par Tom Larcher le Samedi 3 Août 2024 à 18:02 | Lu 887 fois