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Un monocoque s’échoue à Mahina


Le naufrage aurait eu lieu dans la nuit du 29 au 30 juillet 2024.  Crédit : TL
Le naufrage aurait eu lieu dans la nuit du 29 au 30 juillet 2024. Crédit : TL
Tahiti, le 30 juillet 2024 - Sur la plage de la célèbre baie de Matavai à Mahina, un voilier a été retrouvé échoué ce mardi matin, l’annexe encore attachée. Abandon de navire ou accident mortel ; l’imaginaire des riverains s’est enflammé à la vue de ce spectacle. Le propriétaire s’est finalement manifesté afin de procéder à son déséchouage. Ce simple fait divers, lui, soulève un mal bien plus profond entre plaisanciers et habitants.
 
Très tôt mardi matin, une habitante de Mahina a découvert un spectacle médusant sur la plage en face de sa maison. Café encore chaud en main, elle découvre un voilier penché, balloté par les vagues, qui repose sur le sable. Un fier monocoque – plus si fier que ça – allongé sur son flanc. Mais un détail la chagrine : l’annexe, embarcation qui sert à rejoindre la terre ferme quand le bateau est au mouillage, est encore attachée au voilier. “Ça fait plusieurs semaines que je le vois au mouillage dans la baie, et avec le mauvais temps ces derniers jours, on les a vus (le monocoque et les quelques catamarans au mouillage dans la baie de Matavai, NDLR) se déplacer petit à petit. J’ai découvert le bateau ce matin et j’ai appelé les pompiers, j’avais peur qu’il y ait quelqu’un coincé dedans.”
 
Le spectacle rameute les foules, et d’autres riverains penchent pour l’abandon de navire qui aurait résulté en un naufrage. Une problématique au cœur de l’actualité, alors que le ministère de Jordy Chan, en charge des transports maritimes, a annoncé la chasse à l’épave et au navire abandonné pour préserver les lagons le 29 mai dernier, avec 14 premières épaves démantelées.
 
Un simple accident
 
Mais finalement, le jeune propriétaire se porte bien. Prévenu, il s’est dépêché sur les lieux pour constater les dégâts, le regard désabusé. “C’est que de la casse matérielle”, relativise l’homme, qui peine encore à réaliser. Au mouillage dans la baie depuis une quinzaine de jours, le bateau souffrait d’une panne-moteur qui l’obligeait à rester ancré, malgré l’arrivée du mauvais temps. “J’ai eu un souci moteur, je n’ai pas pu le déplacer. Et le mauvais temps s’est levé, la houle et le vent aussi.” Apparemment, l’ancre aurait cédé sous la force des éléments. Le propriétaire espère que ce n’est pas un naufrage (perte d'un navire par un accident de navigation, NDLR) mais plutôt un échouage.
 
Encore heureux, c’est du sable, ce ne sont pas des cailloux. Un sol rocheux aurait fait un trou dans la coque et là, c’est mort… Là, il a peut-être une chance de le récupérer”, témoigne un navigateur solidaire, venu épauler le cadet en détresse. Pour ce cador de la navigation, le propriétaire du bateau n’est pas à blâmer “Ça peut arriver à tout le monde, ce n’est pas de chance. S’il est là, c’est sûrement qu’il n’y avait plus de place ailleurs.” Reste encore deux risques, avant qu’une équipe s’occupe de le déséchouer : les vols, le bateau étant à portée de visiteurs indésirables, et les frottements occasionnés par les flots des vagues (nombreuses ce mardi) qui pourraient entraîner davantage de dégâts. Une fois l’annexe mise à l’abri et le bateau attaché, le propriétaire a pu entamer les démarches de déséchouage.

L'incident serait dû à une rupture de l'ancrage.  Crédit : TL
L'incident serait dû à une rupture de l'ancrage. Crédit : TL
Mouillage dans la baie de Matavai
 
C’est dans cette célèbre baie qu’a eu lieu l’accident : la baie de Matavai au nord de l’île. Célèbre, car ce serait la porte d’entrée des premiers galions étrangers, avec Samuel Wallis en 1767. La baie aurait également connu les proues de plusieurs bateaux renommés, comme celui du HMB Endeavour, navire de James Cook.
 
Mais dans cette baie où la houle peut être intense, le mouillage est déconseillé (et peut-être bientôt interdit). Un arrêté municipal est en cours de rédaction pour légiférer le mouillage dans la zone, explique un mūto’i de Mahina. “Normalement, le mouillage est interdit, mais comme l’arrêté n’est pas rédigé, les gens peuvent mouiller pour une durée de 48 heures. Mais d’après l’info que nous avons reçue, le voilier échoué avait une panne-moteur, donc il pouvait rester un peu plus longtemps.”
 
En septembre 2020, la police municipale de Mahina avait déjà dû intervenir pour inviter neuf voiliers qui étaient ancrés dans la baie (un record de fréquentation à ce moment-là, selon La Dépêche de Tahiti) à quitter les lieux sous 24 heures. Un événement qui avait provoqué l’exaspération des riverains, craignant de voir leur baie entachée par une surfréquentation ou des incivilités de plaisanciers. De l’autre côté, les plaisanciers exprimaient également leur regret de voir qu’ils n’étaient pas les bienvenus dans la plupart des zones potentielles de mouillage.
 
Un problème plus profond
 
L’accident effleure un problème plus profond en Polynésie : “Le manque d’infrastructures criant pour amarrer les voiliers”, s’exprime l’association des voiliers en Polynésie dans un entretien téléphonique. Mais aussi la stigmatisation de ces derniers par des riverains les voyant pulluler devant leur front de mer, ayant peur de la négligence des plaisanciers. Ne pas mouiller dans cette baie de Matavai, l’association l’entend, mais se pose la question : “Où met-on les voiliers, s’il n’y plus de place ailleurs ?

Rédigé par Tom Larcher le Mardi 30 Juillet 2024 à 16:55 | Lu 2861 fois