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Un couple toxique agace le tribunal


Tahiti, le 25 juin 2024 - Ce mardi, un jeune homme comparaissait devant le tribunal correctionnel pour violences conjugales. Une affaire singulière où la responsabilité de la victime était également mise en cause. Rivalisant d’immaturité durant la séance, les deux ex-compagnons ont même réussi à agacer le procureur de la République.
 
L’affaire qui était audiencée ce mardi par le tribunal correctionnel aurait pu être vite décidée à en croire les charges retenues contre le prévenu : harcèlement et violences entraînant une incapacité de travail envers une ex-conjointe. Un cas, à première vue classique, qui a finalement demandé au tribunal de creuser un peu plus l’affaire. En cause, les circonstances ambivalentes de ces violences et surtout une victime peu convaincante, embourbée dans ses propres contradictions.
 
Convoqué en premier à la barre, le prévenu s’est pourtant très vite retrouvé dos au mur, accablé par les témoignages de la victime : “On se disputait, je disais que j'allais le quitter pour l'énerver car je savais qu'il n'arrivait pas à gérer ses émotions. Du coup, il m’a attrapée, m'a plaquée contre le lit et a mis ses doigts dans mon vagin à deux reprises. Pendant qu'il bougeait ses doigts, il me regardait en souriant. C'est là que je lui ai dit que c'était grave et que j'allais porter plainte pour agression sexuelle”, avait expliqué la victime lors de sa première déposition à la police. Interpellées, les forces de l'ordre lui ont donc demandé si c'était la première fois et la victime confiait déjà à l'époque que ce genre de violence était récurent dans leur couple. “Une fois, dans la salle de bain, il m'a mise par terre et m'a donné des coups de pied dans le dos, tandis qu'une autre fois, il m'a immobilisée contre un mur et m'a donné des coups de tête pour m'empêcher de parler.”
 
Interrogé par le tribunal sur de possibles explications, le prévenu a préféré botter en touche : “Je ne me souviens pas vraiment de tout ça”, a-t-il répondu. “Ça ne s'est pas passé comme ça”, semblait-il dire aussi. Est ensuite venu le témoignage de la sœur de la victime : “C'est un homme jaloux et je savais qu'il était violent. Je le voyais dans les yeux de ma sœur lorsqu'elle venait à la maison. Une fois, je suis rentrée sans prévenir et ma sœur a eu vraiment peur, elle a sursauté. C'est là que j'ai vu qu'elle était traumatisée par lui.” Pour autant, l'anecdote semblait mardi faire sourire le prévenu, d'ailleurs rappelé à l'ordre par le président du tribunal pour son attitude, sa nonchalance.
 
Une victime pas si innocente
 
Si le prévenu a plus ou moins reconnu les faits de violences, ce dernier a toutefois insisté sur la notion de violence mutuelle. “J'étais obligé d'utiliser la force avec elle. Lorsqu'elle dit que je la plaquais contre un mur, au sol ou sur le lit, c'était parce qu'elle voulait me crever les yeux avec ses ongles. J'immobilisais ses mains car sinon, elle voulait s'attaquer à mes testicules”, s'est défendu le prévenu. Des anecdotes qui ont à leur tour fait sourire la victime, mais pas le tribunal. Appelée à la barre pour se justifier, la victime a d'ailleurs vite déchanté, reconnaissant avoir été également “violente mais pas plus que de raison”. Une version qui, toutefois, ne colle pas avec bon nombre de détails dans cette affaire. À l'exemple de l'agression sexuelle décrite précédemment où, au final, il s'agissait de la victime qui s'était rendue chez le jeune homme à 4 heures du matin, bien décidée à retourner son appartement, pensant que ce dernier la trompait. Et concernant l'agression sexuelle, le prévenu est catégorique : “Elle est venue chez moi, s'est déshabillée et a mis son vagin au-dessus de ma tête. (…) C'est son jeu à elle de venir sur moi.” Une déclaration qui a, une fois de plus, fait sourire l'intéressée. Une fois de trop pour le procureur de la République.
 
“Il y a quelque chose qui me dérange dans cette affaire. Le prévenu a passé un bon moment à sourire aux questions qui lui ont été posées par le tribunal, et moi, à plusieurs reprises, j'ai vu la victime sourire dans la salle d'audience… comme si finalement, tout ça n'était qu'un jeu”, s'est exclamé le procureur de la République, agacé au point de demander à la victime : “Est-ce que vous vous considérez comme une victime ?” Une immaturité constatée chez les deux ex-compagnons et un quasi faux procès que le tribunal a préféré clore rapidement : le prévenu a été relaxé pour ce qui est du harcèlement, au vu des circonstances ambivalentes, et condamné à neuf mois d'emprisonnement assortis d'un sursis probatoire d'une durée de 18 mois avec obligation de soins et d'indemnisation de la victime à hauteur de 200 000 francs pour des frais de carrosserie.

Rédigé par Wendy Cowan le Mardi 25 Juin 2024 à 19:05 | Lu 4161 fois