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Un convoi pour dire non au New Tahara’a


Le collectif Mou’a-‘ura-nui-i-te-ra’i-ātea, mené par Doris Maruoi, organisera la manifestation pacifique de samedi, entre le stade de Arue et le site du Tahara’a.
Le collectif Mou’a-‘ura-nui-i-te-ra’i-ātea, mené par Doris Maruoi, organisera la manifestation pacifique de samedi, entre le stade de Arue et le site du Tahara’a.
Tahiti, le 13 juillet 2022 – Samedi matin, le collectif nouvellement créé Mou’a-‘ura-nui-i-te-ra’i-ātea organise une manifestation pacifique à Arue pour inviter la population à s’opposer au projet immobilier du New Tahara’a. Un convoi de véhicules se mettra en route à 8 heures, pour dénoncer l’impact négatif qu’aura le complexe hôtelier sur le trafic routier. Au-delà de l’aspect environnemental, le collectif souhaite également souligner le caractère culturel et sacré du site convoité.
 
Les contestataires au projet immobilier du Groupe City, sur le site du Tahara’a, ont décidé de passer à la vitesse supérieure en organisant, ce samedi, une manifestation pacifique, en voitures, entre Arue et Mahina. Pour la mener à bien, un collectif a vu le jour, composé de huit associations diverses, d’habitants et de personnalités, mais surtout soutenu par la commune de Arue, qui ne cache pas son opposition à ce complexe hôtelier, résidentiel et commercial depuis le début.
 
À la tête de ce collectif nommé Mou’a-‘ura-nui-i-te-ra’i-ātea, Doris Maruoi, agent du service de la culture et du patrimoine et fine connaisseuse des toponymes de Tahiti, a mené plusieurs réunions publiques cette semaine afin de sensibiliser les ressortissants de Arue aux enjeux environnementaux mais surtout culturels de ce site considéré comme sacré.
 
“On parle du projet Tahara’a mais il faut savoir que ce mot, en tahitien, désigne simplement la déclivité des pentes routières”, explique Doris. “Le nom originel de ce promontoire en haut des falaises, c’est Mou’a-‘ura-nui-i-te-ra’i-ātea. C’est un nom très fort car si l’on regarde une carte de Tahiti, on voit qu’il s’agit d’un contrefort du mont Aora’i, qui avait une fonction pour nos tupuna. D’après les récits légendaires, c’est là que l’ogresse Nona pêchait aux flambeaux pour rassembler les âmes. Son rôle était de les amener sur le seuil du sentier qui les mènerait ensuite sur la cime de l’Aora’i et, de là, vers la pointe Tāta’a, où se trouve le point d’envol des âmes.”
 
C’est en axant sa communication sur cet aspect culturel, mais aussi par le biais de nombreuses références à l’environnement naturel, que le collectif a souhaité mobiliser les habitants, parmi lesquels beaucoup de pêcheurs et leurs familles. C’est pourquoi il invite aujourd’hui “les mamans et les papas soucieux de la vie future de leurs enfants” à se retrouver samedi matin au complexe sportif Boris-Léontieff, avec leurs voitures ou en bateau. Le convoi quittera les lieux à 8 heures afin de rejoindre le col du Tahara’a, après un passage par le rond-point de Mahina. Il se séparera en deux délégations, l’une prenant place au niveau du belvédère, l’autre à la plage en-dessous. Deux cérémonies culturelles sont prévues, avec chants, percussions et vivo, mais également un petit atelier de fabrication de tītīrāina, ce petit jouet en forme de pirogue qu’enfants et parents laisseront ensuite voguer au milieu des pêcheurs et des piroguiers. Les participants sont invités à se vêtir en blanc, avec une couronne de ‘auti.
 
“Un projet en contradiction avec la politique environnementale du Pays”
 
Hormis l’enjeu culturel fort, le collectif souhaite également mettre l’accent sur l’impact environnemental du projet, notamment au niveau de l’engorgement routier annoncé en haut du col. “Nous voulons faire une démonstration de ce que peut représenter le trafic routier, même si on organise notre convoi le samedi et pas un jour de la semaine”, explique Jacky Bryant, troisième adjoint à la mairie de Arue et leader de Heiura-Les Verts. “On est d’accord que ce n’est pas une manifestation écologique mais quand le projet nous donne une augmentation de 25% du trafic, sur une base annoncée de 20 000 véhicules passant là chaque jour, cela représente 5 000 véhicules supplémentaires quotidiennement sur la route. Et selon nos calculs, le chiffre de base se situe même davantage autour de 30 000 à 35 000 voitures. On ne va pas exproprier encore 3 m de chaque côté de la route pour pouvoir continuer à circuler, cela n’est pas possible.”
 
Autres nuisances environnementales évoquées par le collectif : les ressources en eau nécessaires, puis leur rejet en mer. “Le projet demande à ce que nous fournissions 900 m3 d’eau par jour. Cela représente l’équivalent de 90 camions-citernes de 10 000 litres par jour”, poursuit Jacky Bryant. “Sachant que dans un document réalisé par l’ancien tāvana et son équipe en 2012, on apprend qu’en 30 ans, la commune de Arue avait déjà épuisé 40% de ses ressources en eau. Notre consommation quotidienne a explosé alors ajouter à cela 900 m3 quotidien, c’est inquiétant. D’autant plus que cette eau ne sera ensuite traitée qu’à hauteur de 400 m3. Le reste va être rejeté tel quel dans la mer, juste en face de ce site exceptionnel de Maoti, où les clubs de plongée se rendent également car il est très riche au niveau de ses récifs et de sa biodiversité.”
 
L’ancien ministre de l’Écologie pointe également la problématique de la consommation énergétique alors que son successeur, récemment revenu de la conférence de l’ONU sur les océans, affirmait il y a peu que les Polynésiens, avec une production annuelle de 11 tonnes de gaz à effet de serre par personne, sont “autant victimes qu’acteurs du réchauffement climatique”. Il soulève ainsi la contradiction entre les efforts demandés à la population et les besoins futurs du projet New Tahara’a, et compare cela aux économies d’énergie rendues possible par la mise en place du Swac à l’hôpital : “À l’hôpital, on parle de 560 chambres et 1 600 climatiseurs. Le passage au Swac va permettre de faire baisser leur production de gaz à effet de serre de 2% par rapport à ce qui est produit sur l’ensemble de Tahiti. Au Tahara’a, le projet prévoit 800 chambres, donc au moins 2 000 climatiseurs. Les besoins vont être supérieurs à ce qu’on est parvenu à réaliser pour l’hôpital. Le Pays ne peut pas autoriser ça, sauf à revenir sur ses propres déclarations en politique environnementale.”
 
C’est pourquoi la maire de Arue, Teura Iriti, sollicite aujourd’hui l’aide du Pays pour racheter la partie du promontoire concernée par le projet de construction immobilière. Ceci afin de la transformer en un lieu culturel dédié à l’apprentissage et à la transmission des savoirs et savoir-faire des anciens. Le bras de fer spirituel ne fait que commencer…
 

Rédigé par Lucie Ceccarelli le Mercredi 13 Juillet 2022 à 17:23 | Lu 1802 fois