Tahiti Infos

Un collectif pour être dans les clous


crédit photo APF
crédit photo APF
Tahiti, le 15 juillet 2024 - Le gouvernement a transmis son collectif budgétaire à l'assemblée pour répondre à l'obligation de sincérité du budget mise à mal par l'annulation de l'article 25 de la loi fiscale. Une annulation estimée à 767 millions de francs dans ce collectif qui ne propose pas encore de mesures phares, mais se contente de saupoudrer par ci par là en redistribuant la totalité du solde de 13 milliards de francs de résultat de fonctionnement.

 
C'est ce mardi que les élus de la commission de l'Économie et des Finances étaient convoqués à l'assemblée pour examiner quatre textes. Enfin jusqu'à ce lundi après-midi puisque cette commission, qui devait déjà se tenir vendredi, a une nouvelle fois été reportée à la demande du ministère de Tevaiti Pomare. Des reports qui se font au dernier moment et sans explication, ce qui a le don d'agacer les élus de Tarahoi, qu'ils soient de l'opposition ou de la majorité d'ailleurs. Ceci étant dit, parmi les textes prévus, le fameux collectif budgétaire du Pays tant attendu par le monde économique sera enfin examiné ce vendredi donc, sauf changement de dernière minute.
 
Après une première annulation par le Conseil d'État sur la forme, la loi fiscale “nouvelle version” du gouvernement a finalement de nouveau été adoptée à Tarahoi. Mais là encore, rappelez-vous, le Conseil d'État est passé par là. Car la tentative du ministre des Finances Tevaiti Pomare d'effacer les effets de la première annulation en amendant son texte (article 25) pour rendre ces dispositions rétroactives n'a pas fonctionné. Autrement dit, il faut aujourd'hui modifier le budget du Pays pour se mettre dans les clous et répondre à l'obligation de sincérité budgétaire.
 
Dans le collectif budgétaire qu'il propose, le gouvernement estime l'impact de l'annulation de l'article 25 de la loi fiscale à 600 millions de francs de recettes prévisionnelles en moins. 280 millions au titre de la contribution supplémentaire à l'impôt sur le bénéfice des sociétés (CSIS), 150 millions pour les droits de douane, 53 millions pour la taxe pour l'environnement, l'agriculture et la pêche, 67 millions pour les droits d'enregistrement et enfin, 50 millions pour la taxe de mise en circulation. À ces 600 millions, il faut rajouter 167 millions de francs affectés directement au fonds pour la protection sociale universelle, le FPSU (que l'on trouve dans le budget modificatif des comptes spéciaux) correspondant au surplus de droits et taxes d'entrée perçu sur le tabac et qui doit être restitué aux importateurs.
 
1,5 milliard pour soutenir les étudiants et l'emploi
 
Ce 3e collectif budgétaire mobilise la totalité du résultat de fonctionnement, à savoir 13,355 milliards de francs, sachant que le Pays avait déjà anticipé une reprise de résultat de l'excédent de fonctionnement à hauteur de 20 milliards de francs lors du premier collectif budgétaire.
 
Pas vraiment de mesures phare cette fois-ci, mais du saupoudrage puisque le gouvernement a choisi de n'en répartir qu'un milliard et demi afin de “soutenir et accompagner les Polynésiens les plus vulnérables, à savoir les demandeurs d'emploi, les étudiants et les entreprises”. C'est ainsi que 750 millions de francs sont fléchés pour financer la fameuse bourse intermédiaire-bourse complémentaire (BIBC) annoncée par le président Brotherson lors de son bilan d'une année de gouvernance. Un dispositif évalué en année pleine à plus de deux milliards de francs.
 
Ce collectif budgétaire prévoit également 658 millions pour les aides à l'emploi revues et corrigées par le ministère de Vannina Crolas, et 48 millions pour la formation professionnelle et notamment les apprentis. 73 millions sont inscrits pour la participation du Pays au 4e programme d'investissement d'avenir (PIA 4) auquel l'État participe à parts égales. Et enfin, 15 millions de francs pour soutenir l'application de covoiturage Wigo. 
 

La “LP milliardaire”

Le 3e collectif budgétaire du Pays est accompagné d'un projet de loi fiscale “portant diverses mesures fiscales en faveur de l'activité économique”. On retiendra surtout que ce texte vient modifier le code des investissements et abroge le régime dédié aux grands investissements – projets dont le montant est supérieur à 10 milliards de francs – pour en créer un nouveau. Sur le montant, rien de changé. L'investisseur pourra également bénéficier des mêmes exonérations fiscales que dans le précédent régime (patente, impôt sur les bénéfices des sociétés, CSIS, impôt foncier, impôt sur le revenu des capitaux immobiliers et l'impôt minimum forfaitaire) mais pendant plus longtemps (10 ans au lieu de 5). En revanche, le gouvernement a décidé de supprimer la formalité de procédure d'appel à manifestation d'intérêt (AMI) requise initialement pour ce type d'investissement. Une façon d'“alléger la procédure d'agrément”, justifie le gouvernement. Alors certes, cela fera moins de paperasse, c'est sûr. Mais on peut s'interroger sur le pouvoir discrétionnaire que s'octroie ainsi le gouvernement – pour ne pas dire le président du Pays. Car faut-il rappeler que Moetai Brotherson détient plusieurs portefeuilles clés comme le tourisme, le logement ou l'économie numérique qui sont des secteurs répondant parfaitement à ce type de projets d'investissement de grande ampleur. Grâce à ce texte, il pourra donc décider d'octroyer ou de refuser un agrément à la défiscalisation sans être obligé de motiver sa décision. En clair, il dira oui ou non selon la tête du client. En termes de transparence et d'objectivité, on repassera. Quant aux autres mesures proposées dans ce texte, elles ne traduisent pas clairement – ou alors de façon très marginale – le soutien à l'activité économique pourtant prôné par le gouvernement. 

Rédigé par Stéphanie Delorme le Lundi 15 Juillet 2024 à 15:34 | Lu 2912 fois