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Un collectif fait appel à la recherche contre les violences intrafamiliales


Tahiti, le 19 novembre 2020 - La crise sanitaire ne doit pas occulter les violences intrafamiliales met en garde le collectif nouvellement créé « Non à la violence, oui au respect ». Composée des forces associatives en faveur de la condition féminine, l'organisation demande à « intensifier le maillage des interventions sur le terrain » et fait appel à la « recherche sociologique » pour s'attaquer aux racines du mal.  
 
Les années passent, les chiffres restent, avec une tendance « à la hausse ». Alors que les turbulences économiques et sociales menacent de faire basculer de nombreuses familles dans la précarité, la courbe n’est pas prête de s’inverser. En 2018, 3,7 Polynésiennes pour 1 000 habitants essuient coups et blessures, contre 1,5 en métropole. « On peut s’étonner qu’une société dite ouverte, accueillante, pacifique, héberge autant de violence » introduit Armelle Merceron, membre du collectif « Non à la violence, oui au respect - IA Ora te Fa'atura ».

Créé en perspective de la journée internationale des droits de l’enfant le 20 novembre et de la journée mondiale de lutte contre les violences à l’égard des femmes le 25 novembre, le collectif regroupe sept associations de la condition féminine (APAJ, CTIDFF, Emauta, Soroptimist, Solidarité des femmes de Tahiti, Vahine Orama et l’UFFO). Mais toutes les bonnes volontés et les forces vives sont priées de rejoindre un collectif « amené à grandir » pour « mettre en place des actions » et « intensifier le maillage des interventions quotidiennes sur le terrain » face à des constats persistants.

« Lorsque l’on violente une femme, on violente une famille » 

Comme celui très récurrent de la jalousie. « Associé à des difficultés de communication dans le couple, ça génère des débordements violents, dont les femmes sont les premières victimes » poursuit Armelle. Selon les données du haussariat, 65% des 2 549 victimes de violences se situent dans la sphère familiale, dont 80 % de femmes. « Lorsque l’on violente une femme, on violente une famille » résume le slogan du collectif, inquiet notamment de l’impact désastreux sur les enfants. « Quand il y a violence dans un couple, les enfants sont exposés durablement, ce qui affecte leur construction d’adulte, avec un risque de reproduction sociale » développe Armelle Merceron. D’où l’urgence « d’appréhender les choses dans leur ensemble ».

Une question de société qui appelle aussi une réponse transversale, alors que la violence s’incruste en milieu scolaire ou professionnel, toujours à l’abri des regards. « Celle qui font l’actualité ne sont que la partie émergée de l’iceberg » note le collectif, faisant allusion à l’affaire de viol à l'Intercontinental Moorea, ou au suicide en septembre dernier d’une jeune stagiaire du Régiment du service militaire adapté (RSMA) après avoir porté plainte.

Mieux vaut avoir les reins solides pour encaisser les éventuelles ripostes. Assignée par les quatre ex-employés de l'intercontinental Moorea pour diffamation, puis relaxée, Irmine Tehei est bien placée pour en parler. Néanmoins, la présidente de l'Union des Femmes Francophones d'Océanie refuse d’opposer les genres. « Il ne s’agit pas de revendiquer quoi que ce soit, nous sommes condamnés à travailler ensemble avec les hommes contre la violence. »

Centre d'appel et permanence téléphonique

Les propositions se veulent donc « à la fois préventives et curatives ». Dans la catégorie « applicable rapidement », le collectif propose la mise en place d’un centre d’appel pour écouter, informer et orienter les victimes, ou une permanence téléphonique à la DSFE (direction des solidarités, de la famille et de l’égalité) à l’instar des astreintes médicales. Une autre piste consiste à identifier « à chaque échelon local » des « personnes ressources » capables d’intervenir dans « la prise en charge des situations urgentes ».   

Et pour donner plus de « visibilité » à l’action de lutte, le collectif suggère un « éclairage sociologique et psychologique » qui passe par la recherche universitaire. « Force est de constater qu’une frange importante de la société polynésienne a du mal à trouver son équilibre et qu’on manque de recul sur l’origine des violences, argumente Armelle. La société polynésienne a été soumise à des accélérations économiques et culturelles majeures, il ne faut pas l’oublier. » La création d’un observatoire permanent, ou l’évaluation du coût des violences doivent également permettre d'en décortiquer les mécanismes.

Lutter contre les stéréotypes des genres

Mais le collectif le sait, la hausse des indicateurs traduit également une hausse des signalements. Preuve que la parole se libère. Pas question donc de nier les progrès obtenus jusque là. Téléphone grave danger, recours à l’ordonnance de protection des victimes, stages de prévention de la récidive, convention relative au traitement des mains courantes et des procès-verbaux de renseignement judiciaire… « Les moyens existent, mais on peut sans doute renforcer leur efficacité afin d’avoir une meilleure coordination et avoir des personnes susceptibles d’intervenir lorsqu’il y a des violences, » souligne Armelle Merceron. « On a l’impression que les décisions restent dans les hautes sphères, qu’elles ont du mal à se décliner d’avantage sur le terrain » renchérit Sandra Lévy-Agamy,  fondatrice de l'association Vahine Orama.

Enfin, de l’avis général un gros travail s’impose sur les stéréotypes des genres. Un chantier qui s’annonce colossal, vu l’ancrage de la supériorité masculine dans l’imagerie contemporaine. Le parcours des filles et des garçons à l’école notamment souffre encore de représentations sexistes. « C’est pour ça qu’il faut introduire dès l’enfance un travail sur les représentations de l’égalité homme femme, de la vie de couple et de la vie de famille, insiste Armelle Merceron. Quand on voit des adolescentes qui se mettent en couple et dont l’essentiel du projet consiste à faire un bébé, on se dit qu’il y a quelque chose à faire. »
 

Rédigé par Esther Cunéo le Vendredi 20 Novembre 2020 à 09:36 | Lu 1991 fois