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“Un centre de rééducation fonctionnel pour nos enfants malades”


Adelaïde (la maman à droite) et Annabella (la soeur à gauche) de Julia
Adelaïde (la maman à droite) et Annabella (la soeur à gauche) de Julia
Tahiti le 22 mai 2023 – Julia, bientôt âgée de quatorze ans, a subi plusieurs opérations depuis qu’elle a quatre ans. Une sonde gastrique lui a d’abord été installée. Elle a également été opérée pour sa scoliose paralytique, puis à la hanche. Et comme si cela ne suffisait pas, elle a aussi été victime d’une encéphalopathie convulsive. Depuis qu’elle est née, Julia est constamment allongée ou dans son fauteuil roulant. Sa famille demande au gouvernement la mise en place d’un centre de rééducation spécialisé pour les enfants du fenua.
 
En septembre prochain, Julia et sa sœur jumelle Julie auront quatorze ans. À leur naissance, Adelaïde, la maman, se souvient que Julia était plus grande et beaucoup moins malade que sa sœur, mais au bout de quelques semaines, les interrogations et inquiétudes hantent Adelaïde.
En effet, à quelques semaines seulement de la naissance des jumelles, Julia, contrairement à sa sœur, n’arrête pas de pleurer.
Et pourtant, lors des différentes visites obligatoires chez le médecin ou le pédiatre, elle a toujours la même réponse : “C’est normal, maman, ton enfant est normal. Mais je savais que ce n’était pas normal.” Finalement, les questionnements d’Adelaïde se confirment lorsque Julia a six mois. On lui fait faire des radios et une IRM et le diagnostic tombe. Julia a une scoliose paralytique, des problèmes à la hanche et également une encéphalopathie convulsive. “Une partie de son cerveau est endommagé.” “Cela a été un choc, je n’ai pas vite accepté sa maladie, cela a été dur et avec le temps, on a fait avec.”

“Ici, ils n’ont rien vu”

Au début, Julia va à la Fraternité chrétienne, mais Adelaïde doit ensuite arrêter car les déplacements de Papeno’o à Punaauia fatiguent sa fille et la font souffrir. C’est d’ailleurs par la Fraternité chrétienne que la famille rencontre un professeur, qui vient une fois par an à Tahiti pour suivre, entre autres, les enfants du centre. Ce dernier ne perd pas de temps et décide d’évasaner la petite fille en métropole pour sa hanche et finalement, “là-bas, ils ont vu qu’elle faisait aussi une fausse route, le ma’a allait dans ses poumons. Ici, ils n’ont rien vu, et c’est cela que j’ai du mal à comprendre”, se souvient encore la maman.
Ne sachant pas que Julia faisait des fausses routes, Adelaïde lui a donné à manger normalement pendant ses quatre premières années. “Quand tu la voyais, on aurait dit qu’elle s’étouffait.” La pose gastrique sera la toute première opération de Julia, puis s’en suivront plusieurs autres, comme celle pour ses hanches ou encore pour sa scoliose. “Si on n’opérait pas, elle pouvait décéder car elle était compressée sur ses poumons”, se souvient la maman. Aujourd’hui, Adelaïde a pris conscience que sans ces opérations, “Julia ne serait plus de ce monde”.

Des évasans… une épreuve pas toujours facile

Partir en France pour que la vie de Julia soit plus facile, ce n’est pas toujours évident pour la famille. “Tu laisses tout derrière toi, tu retournes à zéro, tu ne connais pas la France. Heureusement, mama Nini est là pour nous soutenir moralement, car dès fois tu es KO aussi. Sur place, je rencontre aussi d’autres familles qui sont dans le même cas que nous et on se soutient entre nous. Ce n’est pas facile”, raconte Adelaïde. À cela s’ajoutent également les problèmes administratifs. “Quand le professeur veut voir Julia, les médecins d’ici me disent que ce n’est pas la peine, alors que ce sont eux qui se sont occupés d’elle.” D’autant plus que “le cas de Julia est plus lourd que celui des autres enfants”.Tu es obligée de la porter.” Adelaïde se rappelle d’ailleurs avoir demandé une ordonnance au professeur pour avoir un lève-personne. Quelle ne fût pas sa surprise lorsqu’elle est revenue au fenua : “Mon ordonnance n’était pas valable ici. On s’est disputé avec la CPS et la pharmacie car je ne comprenais pas. Ici, on est bien en Polynésie française. Je ne dis pas que nos médecins sont incompétents, mais parfois, ils ne sont pas à l’écoute des parents.” Pour calmer les douleurs au dos de la maman, son médecin traitant lui a prescrit du Spasfon “et parfois même, mon mari me masse”, dit-elle.
 
Autre mésaventure vécue par Adelaïde et Julia lors d’une de leurs évasans, le logement dans lequel elles ont été placées n’était pas du tout adapté à Julia. “Ma maman pleurait, et cette situation nous inquiétait, nous qui étions ici”, lâche une de ses filles, Annabella. Pour la famille, toutes ces difficultés ne facilitent pas la vie des malades et accompagnateurs en France.

“Un centre de rééducation spécialisé pour nos enfants malades”

Lorsqu’Adelaïde et Julia sont évasanées en métropole, elles ne sont pas seules, plusieurs familles s’envolent avec elles, certaines pour y subir également des opérations. Puis elles se retrouvent toutes au centre de rééducation. “Tous les matins, chacun partage son témoignage avec les familles.” Au centre des discussions, la mise en place d’un centre spécialisé au fenua tout comme en métropole. “Il y a bien sûr la Fraternité chrétienne, mais elle n’est pas adaptée à nos enfants malades. Il faut qu’on ait un centre de rééducation fonctionnel pour nos enfants malades. Il en est de même pour les enfants atteints de trisomie, car j’ai un mo’otua qui est trisomique.” Adelaïde se souvient même que l’ancien président du Pays Édouard Fritch allait leur rendre visite à l’hôpital et que les familles ont abordé avec lui ce sujet. “Il nous écoutait et nous disait simplement ‘on verra’, mais cela n’a jamais abouti”, regrette-t-elle.
Alors lors de la présentation du gouvernement Brotherson, une lueur d’espoir renaît dans la famille de Julia avec notamment la nomination de Nathalie Salmon-Hudry en tant que déléguée interministérielle au handicap et aux personnes en perte d’autonomie. “Je me suis dit que peut-être là, le centre allaite voir le jour.”

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Lundi 22 Mai 2023 à 17:49 | Lu 1309 fois