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Un DOB en mode électoral


Tahiti, le 31 octobre 2022 - Figure imposée du fonctionnement démocratique en Polynésie française, le débat d’orientations budgétaires (DOB) s’est résumé, ce lundi à l’assemblée, à une matinée d’échanges stériles avec un gouvernement satisfait de son bilan. Majorité et opposition se sont accusées mutuellement de considérations purement électoralistes à sept mois des élections territoriales.
 
Comme le rappelait le président Édouard Fritch en introduction de son discours d’une quarantaine de minutes, il s’agissait de débattre, ce lundi à Tarahoi, sur les grandes orientations budgétaires et financières du Pays pour 2023 en faisant le point sur la situation économique locale et internationale. Un rappel qui, après trois heures de séance, a été vain. Si le discours du chef du gouvernement a bien usé à de multiples reprises du mot “crise”, le budget 2023 ne semblait pas vraiment être au cœur des préoccupations immédiates des représentants à l'assemblée. L’échéance des élections territoriales en mai prochain et quelques règlements de compte personnels ont ainsi usé plus de salive que les futurs comptes du Pays.
 
Les élections dans toutes les têtes
 
Comme sentant le vent de la critique venir, Édouard Fritch n’a eu de cesse, avant même les interventions de l’opposition, de dénoncer ceux qui ont choisi de “donner des leçons par opportunité électoraliste et politique”, ceux qui veulent “avant les élections, (…) faire porter au gouvernement la responsabilité de tout ce qui ne va pas” ou encore ceux “empreints d’intentions électoralistes”. Des allusions, nombreuses et récurrentes, au prochain scrutin visant à convaincre que l’action du gouvernement n’était en rien guidée par le calendrier électoral. La rhétorique présidentielle sera reprise de façon quasi obsessionnelle par les intervenants du Tapura. Ainsi pour Luc Faatau, “il ne s’agit pas d’arroser les électeurs à quelques mois des élections”. En ce jour d’Halloween, pas question d’évoquer des distributions de bonbons en échange de voix mais bien de diaboliser les contestataires. Pour l’opposition, les intentions du gouvernement sont bien déguisées et seul le fantôme d’une nouvelle défaite électorale après celle des législatives motive l’exécutif. Le représentant Tavini Antony Géros a ainsi évoqué la “stratégie électoraliste” du Tapura alors que Nicole Sanquer du groupe A Here ia Porinetia a relevé d’entrée la concordance entre le calendrier électoral et les actions gouvernementales. Des interventions, à défaut d’échanges, qui, de part et d'autre, se sont souvent largement éloignées du sujet du débat, à savoir le futur budget 2023 du Pays. “Attendons que la période électorale soit lancée, mais pas aujourd’hui”, conclura la sénatrice Lana Tetuanui qui en a profité pour exprimer longuement son mécontentement sur l’augmentation du prix des bonbons à l’approche d’Halloween.
 
Échanges Fritch-Rohfritsch tendus
 
Dans ce positionnement pré-électoral évident, les représentants ont joué chacun leur partition, parfois à l’excès, au point d’avoir la tête comme une citrouille. Le président Fritch a, dans son discours, alterné la dénonciation des apprentis sorciers, adeptes du “Y’a qu’à, faut qu’on”, et les exercices d’autocongratulation. “Indiscutablement, notre collectivité dispose d’une santé financière saine et stable, du fait d’une gestion optimisée et rigoureuse des deniers publics”. Une affirmation qui ferait passer les rapports de la Chambre territoriale des comptes pour des albums à colorier, d’autant qu’elle n’était pas isolée. Pour Édouard Fritch, “la Polynésie française figure parmi les collectivités d’outre-mer les mieux gérées, ce n’est pas de l’autosatisfaction, c’est tout simplement la réalité” et “la majorité peut être fière du chemin parcouru”.
 
Une satisfaction présidentielle largement contestée par une opposition impatiente de voir les choix faits par le gouvernement dans le projet de budget 2023. Nuihau Laurey a ainsi moqué ceux qui annonçaient la fin du monde d’avant tout en proposant “les mêmes recettes qu’avant”. Selon lui, les orientations budgétaires témoignent de “tous les manquements d’un gouvernement, (…) le pire gouvernement autonomiste” qui oscille entre “autosatisfaction permanente et déni de réalité”. “Cette mandature est un échec”.
 
Des propos relativement contenus par rapport à ceux formulés par Teva Rohfritsch. L’ancien ministre de l’Économie et des Finances d’Édouard Fritch a ainsi dénoncé une “stratégie du flou” avec “des pansements ici et là” et peu de réformes structurelles. Dénonçant un rapport d’orientations budgétaires vide, avec “beaucoup de remplissage et de verbiage”, le sénateur a conclu sur une touche de circonstances. “Comme à Halloween, le maquillage est de mise”. Une métaphore et quelques pics sur les trois petites minutes dévolues au représentant désormais non-inscrit qui ont rapidement donné lieu à des attaques personnelles d’Édouard Fritch. Si dans son discours, le président avait tancé, sans les citer, “ceux qui ont quitté la majorité pour des raisons obscures viennent aujourd’hui nous faire la leçon, parfois avec une grande arrogance”, il prendra moins de pincette en fin de séance pour répondre à celui qui a été élu sénateur sous la bannière de la majorité en septembre 2020 et devenu épouvantail depuis sa démission du parti. “Si nous n’avions pas défendu votre candidature, vous ne seriez même pas sénateur Tapura. Il a fallu qu’on vous tire de la boue par les cheveux parce qu’après votre échec cinglant à Punaauia, vous ne pesiez pas grand-chose sinon que par le poids que vous représentez”. Une énième considération électorale lors d’une séance où l’évocation des orientations budgétaires a été anecdotique. Le projet de budget 2023 du Pays sera examiné courant décembre par l’assemblée de la Polynésie. Le gouvernement devra trouver l’équilibre au risque de tirer le diable par la queue.
 
Sébastien Petit

Rédigé par Sébastien Petit le Lundi 31 Octobre 2022 à 18:08 | Lu 1300 fois