Paris, France | AFP | vendredi 02/12/2022 - La suspension vendredi du compte Twitter de Kanye West "pour incitation à la violence" révèle les limites de la vision absolue de la liberté d'expression prônée par Elon Musk depuis sa prise de contrôle du réseau social, selon les experts interrogés par l'AFP.
"Désolé, mais tu es allé trop loin, ce n'est pas de l'amour": après la publication d'une image représentant une croix gammée entrelacée avec une étoile de David, ainsi que de propos admiratifs pour Hitler, le patron de Twitter a recadré le célèbre rappeur américain dans un message privé.
"Qui a fait de vous le juge"?, a répondu celui qui se fait désormais appeler "Ye" sur un air de défi, dans cet échange que l'artiste a rendu public.
Quelques heures plus tard, Elon Musk annonçait sa suspension du réseau social "pour incitation à la violence", en réponse à l'image associant les symboles du régime nazi et du judaïsme postée par Kanye West, de plus en plus isolé après ses récentes remarques antisémites.
Un brusque retour à la réalité pour la politique de modération du milliardaire, qui prônait depuis son arrivée à la tête de la plateforme en octobre une vision absolue de la liberté d'expression, estimant que cette dernière ne devait connaître quasi aucune limite.
Il était même allé jusqu'à envisager, fin novembre, une "amnistie générale" pour les comptes suspendus, après avoir déjà réhabilité celui de l'ancien président américain Donald Trump, banni du réseau de microblogs après l'assaut du Capitole à Washington en janvier 2021.
"Le problème, c'est qu'Elon Musk a une philosophie de la liberté d'expression en demi-teinte. D'un côté, il parle de liberté d'expression totale, de l'autre de respect de la loi", estime auprès de l'AFP Jacob Mchangama, avocat danois spécialiste des questions liées à la liberté d'expression et auteur de "Free Speech: A History From Socrates to Social Media".
"La meilleure façon de progresser est de donner aux utilisateurs les moyens de filtrer davantage ce qu'ils n'aiment pas, plutôt que de laisser les gouvernements ou les grandes entreprises technologiques prendre ces décisions à un niveau centralisé", complète-t-il.
"L'arbre qui cache la forêt"
Car, dès "les premières semaines" après la prise de pouvoir d'Elon Musk, "on a vu une augmentation de 25% à 30% des contenus haineux" sur Twitter avec le retour des gens qui avaient été bannis, constate auprès de l'AFP Charles Cohen, cofondateur de Bodyguard, une entreprise spécialisée dans la protection des individus contre les attaques sur les réseaux sociaux et la modération contre les propos haineux.
Malgré "un léger retour à la normale" ces derniers jours, "on est à +10% ou +15% de contenus haineux", relève-t-il, ajoutant que la vision idéale de la modération sur Twitter de Musk "n'est pas viable techniquement, économiquement, éthiquement".
A l'origine de licenciements massifs au sein de Twitter, celui qui est aussi le patron de Tesla et SpaceX va être obligé de reculer, "car il va se rendre compte qu'il n'a pas les outils technologiques pour faire ce qu'il veut", estime encore le dirigeant de Bobyguard
"L'arbre qui cache la forêt", la suspension du compte de Kanye West met en lumière le risque d'une modération "à double vitesse", en défaveur des personnes "lambda", prévient Asma Mhalla, enseignante à Sciences Po et Polytechnique, spécialiste des enjeux politiques du numérique.
"Parce que Kanye West est très influent, vous avez une réactivité par Elon Musk +himself+. Mais cela ne résout pas le problème de fond: la modération à l'échelle industrielle du réseau qui est parfaitement insuffisante aujourd'hui", ajoute-t-elle.
La Commission européenne a déjà lancé mercredi un avertissement à Musk, rappelant que l'entreprise devait "significativement augmenter ses efforts" si elle voulait se conformer aux règles européennes, en matière de modération ou de lutte contre la désinformation.
Au niveau commercial, son approche a aussi refroidi de nombreuses marques, de General Motors à Pfizer, qui ont suspendu leurs publicités sur la plateforme. Or, son chiffre d'affaires dépend à 90% des recettes publicitaires.
"Désolé, mais tu es allé trop loin, ce n'est pas de l'amour": après la publication d'une image représentant une croix gammée entrelacée avec une étoile de David, ainsi que de propos admiratifs pour Hitler, le patron de Twitter a recadré le célèbre rappeur américain dans un message privé.
"Qui a fait de vous le juge"?, a répondu celui qui se fait désormais appeler "Ye" sur un air de défi, dans cet échange que l'artiste a rendu public.
Quelques heures plus tard, Elon Musk annonçait sa suspension du réseau social "pour incitation à la violence", en réponse à l'image associant les symboles du régime nazi et du judaïsme postée par Kanye West, de plus en plus isolé après ses récentes remarques antisémites.
Un brusque retour à la réalité pour la politique de modération du milliardaire, qui prônait depuis son arrivée à la tête de la plateforme en octobre une vision absolue de la liberté d'expression, estimant que cette dernière ne devait connaître quasi aucune limite.
Il était même allé jusqu'à envisager, fin novembre, une "amnistie générale" pour les comptes suspendus, après avoir déjà réhabilité celui de l'ancien président américain Donald Trump, banni du réseau de microblogs après l'assaut du Capitole à Washington en janvier 2021.
"Le problème, c'est qu'Elon Musk a une philosophie de la liberté d'expression en demi-teinte. D'un côté, il parle de liberté d'expression totale, de l'autre de respect de la loi", estime auprès de l'AFP Jacob Mchangama, avocat danois spécialiste des questions liées à la liberté d'expression et auteur de "Free Speech: A History From Socrates to Social Media".
"La meilleure façon de progresser est de donner aux utilisateurs les moyens de filtrer davantage ce qu'ils n'aiment pas, plutôt que de laisser les gouvernements ou les grandes entreprises technologiques prendre ces décisions à un niveau centralisé", complète-t-il.
"L'arbre qui cache la forêt"
Car, dès "les premières semaines" après la prise de pouvoir d'Elon Musk, "on a vu une augmentation de 25% à 30% des contenus haineux" sur Twitter avec le retour des gens qui avaient été bannis, constate auprès de l'AFP Charles Cohen, cofondateur de Bodyguard, une entreprise spécialisée dans la protection des individus contre les attaques sur les réseaux sociaux et la modération contre les propos haineux.
Malgré "un léger retour à la normale" ces derniers jours, "on est à +10% ou +15% de contenus haineux", relève-t-il, ajoutant que la vision idéale de la modération sur Twitter de Musk "n'est pas viable techniquement, économiquement, éthiquement".
A l'origine de licenciements massifs au sein de Twitter, celui qui est aussi le patron de Tesla et SpaceX va être obligé de reculer, "car il va se rendre compte qu'il n'a pas les outils technologiques pour faire ce qu'il veut", estime encore le dirigeant de Bobyguard
"L'arbre qui cache la forêt", la suspension du compte de Kanye West met en lumière le risque d'une modération "à double vitesse", en défaveur des personnes "lambda", prévient Asma Mhalla, enseignante à Sciences Po et Polytechnique, spécialiste des enjeux politiques du numérique.
"Parce que Kanye West est très influent, vous avez une réactivité par Elon Musk +himself+. Mais cela ne résout pas le problème de fond: la modération à l'échelle industrielle du réseau qui est parfaitement insuffisante aujourd'hui", ajoute-t-elle.
La Commission européenne a déjà lancé mercredi un avertissement à Musk, rappelant que l'entreprise devait "significativement augmenter ses efforts" si elle voulait se conformer aux règles européennes, en matière de modération ou de lutte contre la désinformation.
Au niveau commercial, son approche a aussi refroidi de nombreuses marques, de General Motors à Pfizer, qui ont suspendu leurs publicités sur la plateforme. Or, son chiffre d'affaires dépend à 90% des recettes publicitaires.