Tahiti, le 13 septembre 2022 - Une étude a permis la découverte de 23 nouvelles espèces d'algues en Polynésie française. Certaines ont été baptisées en hommage à la navigation traditionnelle polynésienne. Cette première étude du genre s'est appuyée sur des analyses génétiques et préfigure une nouvelle ère pour la connaissance de la biodiversité marine du territoire.
Vingt-trois nouvelles espèces d'algues ont été découvertes en Polynésie française et 18 sont présentées dans un article du très spécialisé European Journal of Phycology. Treize d'entre elles –c'est une première– ont reçu des noms scientifiques issus des langues polynésiennes. L'article de phycologie, branche de la biologie qui étudie les algues, se penche sur le genre Lobophora à travers l'ensemble des archipels de Polynésie française. Ces petites algues brunes, en forme d’éventail s'accrochent aux cailloux, coraux et bénitiers. Les auteurs en proposent une description et précisent leur répartition géographique. Cette première étude du genre sur le territoire constitue un apport important pour la connaissance de la flore marine et sa taxonomie scientifique.
La taxonomie vise à décrire les espèces vivantes et à les classer sur l'arbre du vivant. L'usage veut que le “découvreur” choisisse les noms scientifiques des espèces. Il est libre de son choix, même s'il ne peut donner son propre nom. Ces appellations seront ensuite reprises dans toute la littérature scientifique. En général, les espèces sont nommées selon des traits saillants de leur caractéristique physique, selon leur habitat, le lieu de leur découverte, ou en hommage à un autre chercheur.
Il y a bien, pour ces algues nouvellement découvertes, des appellations basées sur des caractéristiques géographiques, comme la Lobophora polynesiansis, qu'on retrouve dans tous les archipels à l'exception des Marquises, ou la Lobophora socientensis, endémique aux îles de la Société. Mais de manière plus originale, dans l'article, une Lobophora des Tuamotu est nommée puhoroae, en hommage à Puhoro, légendaire navigateur de Makatea. On y trouve ainsi plusieurs dénominations issues de noms polynésiens, pour des espèces endémiques des différents archipels : Lobophora ruamataiae, d'après rua mata'i, la rose des vents traditionnelles ; Lobophora tauruae, inspiré de ta'urua, l'étoile-guide ; Lobophora tupaiae, en hommage à Tupaia, 'arioi de Raiatea qui a accompagné Cook lors de son premier voyage à Aotearoa ; Lobophora wakae, du māori waka, pirogue ; Lobophora moanae... On perçoit aisément le thème qui se dégage de ces noms de baptêmes.
Hommage à la navigation traditionnelle
Les nouvelles espèces ont ainsi été nommées pour rendre hommage à la navigation traditionnelle polynésienne par Christophe Vieira, leur découvreur. Ce spécialiste du genre Lobophora s'est inspiré des travaux de Jean-Claude Teriierooiterai, linguiste, anthropologue et membre de l'académie tahitienne, décédé en 2020. “J'ai moi-même beaucoup d'admiration pour la navigation traditionnelle polynésienne, et je pensais que lui rendre hommage d'une façon un peu originale vaudrait la peine. Donner un nom à une espèce immortalise en quelque sorte ce nom dans l'histoire”, explique le phycologue de l'université de Jeju, en Corée du Sud, qui voit un parallèle entre les grands voyages des navigateurs polynésiens et l'installation des Lobophora dans les îles de Polynésie française.
Comme les navigateurs polynésiens, les algues ont, en effet, voyagé depuis l'Ouest du Pacifique Sud pour s'établir en Polynésie orientale. Elles ont suivi les courants marins qui propagent leurs organes reproducteurs, les propagules. Ces mêmes courants expliquent également pourquoi il n'y a pas d'espèces de Lobophora communes entre les Marquises et les autres archipels de la Polynésie française ; et pourquoi ces espèces endémiques des Marquises ont plus de points communs avec celles d'îles mélanésiennes. Une fois arrivées dans leur nouvel environnement, les algues évoluent et s'adaptent, deviennent des nouvelles espèces. C'est la spéciation. “Les spéciations sont en partie liées à l'habitat, ce qui donne des spéciations très différentes entre les atolls des Tuamotu et les îles hautes sans lagon”, explique Mayalen Zubia, de l'Université de la Polynésie française, co-auteure de l'article et coordinatrice du programme de recherche.
Une biodiversité marine à dévoiler
C'est la première étude de cette envergure sur la diversité de la flore marine de Polynésie française. S'inscrivant dans le cadre du programme ALGALREEF financé par le Laboratoire d'excellence Labex CORAIL, l’Université de Polynésie française et l’Université de Ghent (Belgique), elle s'est appuyée sur des récoltes effectuées entre 1997 et 2019 dans l'ensemble des archipels du fenua. Les chercheurs se sont servis des progrès en recherche génétique pour guider leur découverte de la biodiversité endémique des petites algues brunes. “Jusqu'à peu, en Polynésie, tout était appelé Lobophora variegata, alors que c'est une espèce des Caraïbes”, explique Mayalen Zubia. “Sur le terrain, il est parfois difficile de voir la différence. C'est seulement en laboratoire que le travail d'analyse du génome va nous permettre de les différencier, de les comparer et de les classer”, ajoute-t-elle. L'analyse génétique a permis de faire progresser à grande vitesse les connaissances scientifiques, particulièrement sur le genre Lobophora, où, à l'échelle mondiale, on est passé en dix ans de quelques dizaines d'espèces à plus de 100 décrites aujourd’hui.
À l'échelle de la Polynésie française, 37 espèces de Lobophora ont été identifiées, dont 21 espèces endémiques. Toutes n'ont pas pu être décrites pour le moment. Et, selon Mayalen Zubia, ce n'est que le début. L'ambition à terme est de poursuivre le travail au-delà du genre Lobophora et de décrire de manière précise l'ensemble des espèces d'algues présentes dans les eaux territoriales. “L'intégration de l'outil génétique qui nous permet d'identifier plus d'espèces est relativement récent. On va probablement passer de 300 espèces d'algues répertoriées pour le moment à plus du double”. Nos connaissances sur la biodiversité marine qui nous entoure sont donc appelées à s'enrichir très rapidement.
Vingt-trois nouvelles espèces d'algues ont été découvertes en Polynésie française et 18 sont présentées dans un article du très spécialisé European Journal of Phycology. Treize d'entre elles –c'est une première– ont reçu des noms scientifiques issus des langues polynésiennes. L'article de phycologie, branche de la biologie qui étudie les algues, se penche sur le genre Lobophora à travers l'ensemble des archipels de Polynésie française. Ces petites algues brunes, en forme d’éventail s'accrochent aux cailloux, coraux et bénitiers. Les auteurs en proposent une description et précisent leur répartition géographique. Cette première étude du genre sur le territoire constitue un apport important pour la connaissance de la flore marine et sa taxonomie scientifique.
La taxonomie vise à décrire les espèces vivantes et à les classer sur l'arbre du vivant. L'usage veut que le “découvreur” choisisse les noms scientifiques des espèces. Il est libre de son choix, même s'il ne peut donner son propre nom. Ces appellations seront ensuite reprises dans toute la littérature scientifique. En général, les espèces sont nommées selon des traits saillants de leur caractéristique physique, selon leur habitat, le lieu de leur découverte, ou en hommage à un autre chercheur.
Il y a bien, pour ces algues nouvellement découvertes, des appellations basées sur des caractéristiques géographiques, comme la Lobophora polynesiansis, qu'on retrouve dans tous les archipels à l'exception des Marquises, ou la Lobophora socientensis, endémique aux îles de la Société. Mais de manière plus originale, dans l'article, une Lobophora des Tuamotu est nommée puhoroae, en hommage à Puhoro, légendaire navigateur de Makatea. On y trouve ainsi plusieurs dénominations issues de noms polynésiens, pour des espèces endémiques des différents archipels : Lobophora ruamataiae, d'après rua mata'i, la rose des vents traditionnelles ; Lobophora tauruae, inspiré de ta'urua, l'étoile-guide ; Lobophora tupaiae, en hommage à Tupaia, 'arioi de Raiatea qui a accompagné Cook lors de son premier voyage à Aotearoa ; Lobophora wakae, du māori waka, pirogue ; Lobophora moanae... On perçoit aisément le thème qui se dégage de ces noms de baptêmes.
Hommage à la navigation traditionnelle
Les nouvelles espèces ont ainsi été nommées pour rendre hommage à la navigation traditionnelle polynésienne par Christophe Vieira, leur découvreur. Ce spécialiste du genre Lobophora s'est inspiré des travaux de Jean-Claude Teriierooiterai, linguiste, anthropologue et membre de l'académie tahitienne, décédé en 2020. “J'ai moi-même beaucoup d'admiration pour la navigation traditionnelle polynésienne, et je pensais que lui rendre hommage d'une façon un peu originale vaudrait la peine. Donner un nom à une espèce immortalise en quelque sorte ce nom dans l'histoire”, explique le phycologue de l'université de Jeju, en Corée du Sud, qui voit un parallèle entre les grands voyages des navigateurs polynésiens et l'installation des Lobophora dans les îles de Polynésie française.
Comme les navigateurs polynésiens, les algues ont, en effet, voyagé depuis l'Ouest du Pacifique Sud pour s'établir en Polynésie orientale. Elles ont suivi les courants marins qui propagent leurs organes reproducteurs, les propagules. Ces mêmes courants expliquent également pourquoi il n'y a pas d'espèces de Lobophora communes entre les Marquises et les autres archipels de la Polynésie française ; et pourquoi ces espèces endémiques des Marquises ont plus de points communs avec celles d'îles mélanésiennes. Une fois arrivées dans leur nouvel environnement, les algues évoluent et s'adaptent, deviennent des nouvelles espèces. C'est la spéciation. “Les spéciations sont en partie liées à l'habitat, ce qui donne des spéciations très différentes entre les atolls des Tuamotu et les îles hautes sans lagon”, explique Mayalen Zubia, de l'Université de la Polynésie française, co-auteure de l'article et coordinatrice du programme de recherche.
Une biodiversité marine à dévoiler
C'est la première étude de cette envergure sur la diversité de la flore marine de Polynésie française. S'inscrivant dans le cadre du programme ALGALREEF financé par le Laboratoire d'excellence Labex CORAIL, l’Université de Polynésie française et l’Université de Ghent (Belgique), elle s'est appuyée sur des récoltes effectuées entre 1997 et 2019 dans l'ensemble des archipels du fenua. Les chercheurs se sont servis des progrès en recherche génétique pour guider leur découverte de la biodiversité endémique des petites algues brunes. “Jusqu'à peu, en Polynésie, tout était appelé Lobophora variegata, alors que c'est une espèce des Caraïbes”, explique Mayalen Zubia. “Sur le terrain, il est parfois difficile de voir la différence. C'est seulement en laboratoire que le travail d'analyse du génome va nous permettre de les différencier, de les comparer et de les classer”, ajoute-t-elle. L'analyse génétique a permis de faire progresser à grande vitesse les connaissances scientifiques, particulièrement sur le genre Lobophora, où, à l'échelle mondiale, on est passé en dix ans de quelques dizaines d'espèces à plus de 100 décrites aujourd’hui.
À l'échelle de la Polynésie française, 37 espèces de Lobophora ont été identifiées, dont 21 espèces endémiques. Toutes n'ont pas pu être décrites pour le moment. Et, selon Mayalen Zubia, ce n'est que le début. L'ambition à terme est de poursuivre le travail au-delà du genre Lobophora et de décrire de manière précise l'ensemble des espèces d'algues présentes dans les eaux territoriales. “L'intégration de l'outil génétique qui nous permet d'identifier plus d'espèces est relativement récent. On va probablement passer de 300 espèces d'algues répertoriées pour le moment à plus du double”. Nos connaissances sur la biodiversité marine qui nous entoure sont donc appelées à s'enrichir très rapidement.