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Trois ans de prison ferme pour avoir escroqué 23 millions à la CPS


Crédit photo : Thibault Segalard.
Crédit photo : Thibault Segalard.
Tahiti, le 16 mai 2023 – Ce mardi, onze personnes ont comparu devant le tribunal correctionnel pour escroquerie en bande organisée au préjudice de la CPS. Au centre de l'affaire : le “cerveau” de l'arnaque et son épouse qui incitaient les employés de leurs trois sociétés à se mettre fréquemment en arrêt maladie, empochant par la suite les indemnités journalières versées. Au total, 23 millions de Fcfp ont été détournés.
 
Ils étaient onze hommes et femmes, ce mardi, à être jugés par le tribunal correctionnel de Papeete pour une escroquerie en bande organisée commise en 2017 et 2018, au préjudice de la Caisse de prévoyance sociale (CPS). Grâce à un système bien huilé et reposant sur deux fondements – des contrats d'emploi mensongers et des déclarations d'arrêt maladies à outrance – ils ont pu escroquer la Caisse d’assurance maladie d’un total de près 23 millions de Fcfp en indemnités journalières.
 
À la tête de l'escroquerie en question, un homme âgé de 42 ans, qui connait comme sa poche les rouages du système des indemnités journalières de la CPS. En effet, l’individu a travaillé treize ans dans le service en question. “Il avait de solides connaissances dans ce domaine” a même reconnu le tribunal. C'est lui qui a créé les trois sociétés à l'origine des fraudes. Pour faire tourner ces entités, ils avaient embauché du personnel, dont la plupart étaient des amis ou de la famille, en leur proposant des salaires mirobolants pour les postes en question, allant jusqu'à 1,5 million Fcfp pour sa compagne, nommée “directrice marketing” de l'une des sociétés. À noter que son épouse est également mise en examen dans une autre affaire d'escroquerie.
 
Fausses déclarations salariales
 
L'arnaque se base sur un système simple, mais terriblement efficace. Après signature des contrats de travail, que le couple n'a jamais réellement payés en intégralité, les salariés se mettaient rapidement et fréquemment en arrêt maladie. À titre d'exemple, l'un d'eux a déclaré 331 jours d'arrêt sur 730 travaillés. La plupart, ont assuré à la barre avoir rencontré des réels soucis de santé en expliquant avoir “mal au dos” ou avoir fait “une fausse couche”, d'autres, au contraire ont affirmé le contraire, en incriminant directement leur ancien patron : “Il m'a dit [le principal prévenu, NDLR] que je devais aller voir le docteur pour des arrêts maladie. Je retirais ensuite l'argent et je lui remettais. C'étaient de vrais arrêts maladie mais je n'étais pas malade”. Le “cerveau” de l'affaire à, part la suite, incité trois de ses employés à créer leurs propres microentreprises, dont il prenait les rênes, afin d'embaucher de nouveaux employés et faire fructifier le système. “Un vrai système de poupées russes” a commenté la procureure de la République.
 
Si la véracité des arrêts maladies distribués n’a jamais réellement été mise en cause, c'est la question des faux salaires qui s’est rapidement trouvée au cœur de l'enquête, ouverte fin 2018. En effet, les trois entreprises n'avaient quasiment pas, ou très peu de rentrées d'argent. À titre d'exemple, le bénéfice annuel l'une des sociétés était de 14 millions de Fcfp, alors que la masse salariale était, elle, estimée à 31 millions. “Ce qui vous rapporte le plus dans vos sociétés, c'est la CPS”, a d'ailleurs ironisé le président.
 
“Il ne suffit pas d'affirmer pour faire une vérité”
 
À la barre, l'homme de 42 ans a bien sûr nié en bloc les accusations malgré les nombreuses invectives du président et de la procureure. Le prévenu affirmant à de nombreuses reprises qu'il faisait bien des ventes et qu'il “arrivait à payer tout le monde”, mais le plus souvent en liquide. Le président, n'ayant aucune preuve établisssant ces prétendus virements de salaires, lui a alors rétorqué : “Il ne suffit pas d'affirmer pour faire une vérité.”
 
 Le tribunal a également révélé le prodigieux train de vie du couple. En effet, les enquêteurs ont recensé pas moins de 16 millions de dépenses dans des luxueux hôtels de Tahiti et de Moorea. En dépit de tout cela, les avocats de la défense ont plaidé la relaxe estimant que “rien ne démontre” les fraudes. Ils ont également ajouté que puisque “les médecins qui ont délivré les arrêts maladies” aux prévenus n'avaient pas été entendus, rien n'attestait “qu'ils n'étaient pas malades ces jours-là”.
 
3 ans de prison ferme
 
“Leur projet c'est de gruger la CPS”, a simplement résumé la procureure dans son réquisitoire, craignant également qu'ils ne recommencent. En effet en 2019, lors d'une perquisition menée au domicile du “cerveau” et de sa femme, les enquêteurs sont tombés sur plusieurs projets d'escroqueries. Sur l'ordinateur de l'époux, ils ont découvert plusieurs simulateurs de rentabilité d'arnaques, posant un prévisionnel de gains en fonction des indemnités journalières. L'un d’eux était nommé “Projet Sdiraf retraites” et prévoyait d'utiliser des retraités, “non grabataire” et possiblement “en détresse financièrement”.
 
Les craintes de la procureures ont bien été entendues, puisque le quadragénaire a écopé de 3 ans de prison ferme, avec une interdiction définitive de gérer une société. Sa femme, elle, a été condamnée à deux ans de prison ferme avec la même interdiction que son mari. Pour les autres prévenus, le tribunal a prononcé des peines allant de 6 à 18 mois de sursis. Deux d'entre eux ont tout de même été relaxés.

 

Rédigé par Thibault Segalard le Mardi 16 Mai 2023 à 21:49 | Lu 6440 fois