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Tourisme : le moteur économique du Pays encore poussif, les propositions politiques pas assez concrètes


A l'arrivée de l'avion d'Air France sur le tarmac de Faa'a.
A l'arrivée de l'avion d'Air France sur le tarmac de Faa'a.
PAPEETE, mercredi 24 avril 2013. Dans sa note expresse sur l’économie en 2012, pour la Polynésie française l’IEOM (Institut d’émission outre-mer) notait une «légère progression de l’activité touristique». En dépit d’un nombre de touristes en progression de 3,8% sur l’année 2012 et un total de 168 978 touristes enregistrés au cours de l’année dernière, «le regain observé dans ce secteur ne permet pas encore de retrouver les niveaux d’activité antérieurs à 2008». Quant au coefficient moyen de remplissage des hôtels, il s’est amélioré en 2012 pour atteindre 56,8% (contre 53,7% un an auparavant), «à la faveur de l’effet conjugué d’un accroissement du nombre de chambres vendues (+3,6%) mais aussi de la diminution du nombre de chambres disponibles (-2,1%),à la suite de la fermeture d’hôtels en cours d’année». Pour autant, le secteur du tourisme continue de peser lourd dans les résultats économiques du Pays. L’ISPF établit le cumul du chiffre d’affaires des entreprises du tourisme (tous secteurs confondus : agences de voyages, hôtels et autres services d’hébergement, restauration, activités de loisirs, locations de véhicules) à 76 milliards de Fcfp en 2012, soit 3,7% de mieux qu’en 2011. C’est d’ailleurs l’un des secteurs de l’économie polynésienne qui ne cesse de progresser depuis deux ans, alors que le chiffre d’affaires de tous les secteurs est en baisse de 1% dans le même temps.

Pour ce qui est de la fréquentation touristique, le mois de janvier 2013 redonnait des couleurs plus vives au secteur du tourisme. Avec 11 174 touristes internationaux sur notre territoire pour le premier mois de l’année, la progression de 9,1% par rapport à janvier 2012 s’approchait enfin d’une évolution à deux chiffres. Patatras, l’enquête de l’ISPF pour le mois de février a un goût bien plus amer. «En février 2013, la fréquentation touristique diminue de 3 % par rapport à février 2012. Cette baisse s’explique par le recul des principaux marchés émetteurs. Seules l’Asie et l’Europe (hors France) conservent une bonne tenue de leurs effectifs touristiques». Petite consolation, «sur les deux premiers mois de l’année 2013, la fréquentation touristique reste en hausse de 2,7 % par rapport à l’année 2012».

Le tourisme étant une activité soumise à de fortes variations saisonnières ce jeu de yoyo à la hausse ou à la baisse risque de se reproduire sur les 10 mois qui suivent. On le voit d’ailleurs apparaître dans l’enquête sur la fréquentation hôtelière où en février 2013 «la fréquentation des hôtels de Polynésie française est en baisse de 1,5 % par rapport à février 2012. La forte augmentation du nombre de nuitées vendues à la clientèle japonaise, américaine et aux autres marchés étrangers ne compense pas la diminution des ventes vers la clientèle locale, européenne et française. Le nombre de chambres offertes diminue de 9 % par rapport à février 2012, suite à la fermeture de deux hôtels, ce qui conduit à une augmentation du taux de remplissage pour atteindre 50 %». Avec moins de chambres sur le territoire, une offre de liaisons aériennes qui évolue peu, le paradis touristique polynésien situé à des milliers voire des dizaines de milliers de kilomètres de ses éventuels clients a bien du mal à se faire une place au soleil. D’autant que les propositions des trois partis qui restent en lice pour le 2e tour des élections territoriales restent vagues et mal évaluées pour ce secteur-clé.


Ce que les trois partis en course proposent en faveur du tourisme

A Ti’a Porinetia

Le tourisme n’est pas l’un des 10 points essentiels présentés dans le programme de campagne du parti A Ti’a Porinetia. Il apparaît toutefois de façon transversale dans certains de ses dix engagements. Ainsi ATP indique vouloir atteindre les 300 000 touristes en 2018 et 60 milliards de Fcfp de recettes. Le parti de Teva Rohfritsch l’évoque encore dans sa loi cadre de reconversion économique sur 10 ans et les contrats d’avenir Polynésie 2030 (Etat-Pays-Europe) : «impulsion d’actions structurantes en faveur, notamment, du tourisme» sans plus de précision. De même lorsque ATP parle de la rénovation de l’aéroport de Faa’a et de la mise aux normes internationales de Bora Bora pour accueillir les jets privés, il est aussi question de tourisme : pourtant ces plateformes aéroportuaires sont gérées depuis deux ans par un groupe privé dans le cadre d’une concession de service public. En l’occurrence, le Pays n’a pas la main sur les investissements à réaliser sur place. Dans le programme d’A Ti’a Porinetia il est encore question de tourisme avec le projet de zone touristique et de loisirs à Punaauia ou d’un village touristique à Vaitape. Dans le point sur la libération du foncier, il est indiqué une mise à disposition des terres détenues par le Pays pour l’exploitation du tourisme, entre autres. Aucune des propositions n’est chiffrée.

Tahoeraa Huiraatira

Une page complète est consacrée au tourisme par le parti orange. «Nous devrons apprendre à intégrer la dimension touristique dans toutes nos décisions publiques, qu’il s’agisse d’économie, d’énergie, de fiscalité́, d’environnement, de culture ou d’aménagement du territoire (…)Des mesures concrètes seront impérativement prises pour agir sur nos faiblesses : notre image internationale qui n’a pas évolué́ depuis plusieurs décennies sera redéfinie (…) Notre desserte aérienne internationale et locale fera l’objet d’une politique concertée de réduction des coûts et d’élargissement de l’offre et enfin la qualité́ de nos prestations sera améliorée pour faire de nos visiteurs nos meilleurs ambassadeurs et leur donner envie de revenir en Polynésie». Le Tahoeraa liste des infrastructures à réaliser : centre culturel, centre de congrès, nautisme, musée, aquarium et propose de lisser la fréquentation touristique «par des actions promotionnelles ciblées sur certains marchés offrant des potentiels en basse saison». Idée originale : «transformer la ville de Papeete en véritable capitale touristique et culturelle en conjuguant espaces verts, rues piétonnes, aménagements touristiques, culturels et zones commerciales». Aucune des propositions n’est chiffrée.


UPLD

Faute de véritable programme publié par l’UPLD, qui n’est pas non plus disponible sur le site Internet du parti, les seules propositions sur le tourisme accessibles pour le citoyen lambda ne peuvent se lire que sur la profession de foi du parti en course pour sa réélection. Il faut donc s’en tenir aux annonces très généralistes et sans propositions concrètes de la profession de foi. «Depuis 2011, la fréquentation touristique remonte enfin. Le plan de redressement d’ATN donne ses résultats, et l’équilibre est enfin atteint. Il nous reste encore beaucoup à faire» écrit Oscar Temaru. C’est également dans la profession de foi de l’UPLD que l’objectif ambitieux de 600 000 touristes est avancé. «600 000 touristes, c’est l’équivalent des actuels transferts de l’État. Qui peut prétendre que le plus beau Pays du Monde ne pourrait pas accueillir 600 000 touristes alors que la Bretagne en reçoit 6 millions ? Ce Pays si beau, c’est le tien, c’est le nôtre». Rien n’est détaillé dans la profession de foi sur les moyens qui pourraient être engagés par le Pays pour atteindre cet objectif de 600 000 touristes alors que l’offre d’hébergement reste limitée et incapable d’absorber cet afflux et que le gouvernement Temaru n’a pas su attirer d’investisseur privé pour son projet de développement hôtelier à Atimaono.

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 24 Avril 2013 à 17:50 | Lu 1900 fois