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Tortue marine : la DIREN envisage toujours d'autoriser la chasse


Tortue marine : la DIREN envisage toujours d'autoriser la chasse
La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre parmi les défenseurs des tortues marines : la direction de l’environnement (DIREN) aurait toujours l’intention d’autoriser partiellement la chasse et la consommation de la tortue. Une rumeur attestée par des documents internes de la DIREN, dont Tahiti Infos a eu connaissance.

La direction de l’environnement avait déjà évoqué cette idée lors du symposium des tortues marines, en octobre 2010. Le démenti ferme de la vice-présidence, en novembre, avait fait taire la polémique. Mais ce projet n’a pas été abandonné, comme en témoignent des comptes-rendus de séances de travail avec les associations, en date des 8 février, 23 février et 8 mars 2011. Ces documents, « internes et destinés aux membres des groupes de travail », ont été rendus publics par ceux qui considèrent le retour de la pêche à la tortue comme un acte scandaleux.

« J’ai été destinataire de ces documents, et je tiens à les diffuser le plus largement possible », explique Quito Braun-Ortega, qui les a lui-même publiés sur sa page Facebook. Celui qui a fait de la défense des tortues marines son cheval de bataille est indigné par le compte-rendu de ces réunions d’associations. Y participent plus ou moins régulièrement l’association To’u Fenua, le Collectif Te Hotu Moana a Hiva, l’association Tamarii Scilly, Mopelia, Bellinghausen, l’association Pae no Te Ora, l’association Tamarii pointe des Pêcheurs, l’association Te mana o te moana, et bien sûr des membres de la direction de l’environnement, Miri Tatarata, Claude Serra, ou encore Christophe Giraud. Précisons que certains participants à ces réunions ont émis les plus grandes réserves quant à la réouverture de la chasse à la tortue.


"ENVISAGER A TERME UNE CONSOMMATION DE TYPE COMMUNAUTAIRE"

Toutefois un consensus se détache très nettement en faveur d’un assouplissement de la législation existante. Une législation appliquée d’ailleurs avec beaucoup de tolérance, à en croire ces compte-rendus. « R.T. propose d’élever des tortues sur Scilly, de relâcher 50% du cheptel et d’en distribuer 50%. Il a fait circuler des photos attestant de son élevage actuel de 5.000 bébés tortues sur l’île de Scilly », peut-on ainsi lire dans le compte-rendu du 8 février 2011. Dans celui du 8 mars, on apprend que « son action est tolérée mais il va falloir régulariser cette situation inconfortable. Le groupe se propose de rédiger un document contenant des propositions qu’il transmettra au gouvernement ».

Le même compte-rendu stipule que « la plupart des associations présentes proposent d’envisager à terme une consommation de type communautaire ». Une assertion qui suscite d’ailleurs l’étonnement d’un autre participant à la réunion suivante du 23 février.

« A. D. souhaite savoir si le point 4 est réellement une proposition émanant du groupe « association ». M. C. confirme qu’il s’agit d’une proposition qui relève d’une majorité des associations. C’est même l’objet principal des réunions » est-il relaté.

Ce compte-rendu consacre d’ailleurs une large place à « la procédure de modification de réglementation». Après avoir rappelé que la réglementation relative à la protection des tortues marines est intégrée dans le code de l’environnement, et que toute modification prend du temps (au mois 9 mois d’instruction), le groupe de travail propose d’associer les communes à la gestion des tortues marines par une loi de Pays. Mais surtout, la plupart des associations présentes demandent un assouplissement de la législation, jugée trop sévère.

« Depuis la mise en prison des pêcheurs, M. A. a entamé des démarches pour envisager de modifier les textes réglementaires en vigueur », précise le compte-rendu. « Il lui a été conseillé d’émettre des propositions de changement de texte par un collectif et de trouver un porteur de projet à l’APF. Le texte en soi est solide, il suffit de rajouter des avenants pour le compléter. Il n’empêche que ce projet devra passer par les mêmes filtres administratifs pour être recevable. Le texte d’appréciation résulte d’une convention internationale et ne doit pas aller à l’encontre des traités internationaux. »


UNE "HISTOIRE DE GROS SOUS"

Pour les défenseurs des tortues marines, la lecture de ces documents est la preuve que la direction de l’environnement envisage la levée partielle de l’interdiction de la chasse à la tortue marine, pourtant en voie d’extinction. Pour Quito Braun-Ortega, désabusé, mais pas découragé, tout se résume à une histoire de « gros sous » : « la tortue, c’est de l’argent facile », rappelle-t-il. Un kilo de viande de tortue se vend entre 5 000 et 10 000 F au marché noir. Une tortue pèse entre 60 et 150 kilos. A vos calculettes...

Rappelons que la délibération du 13 juillet 1990 interdit toute l’année le transport, la détention, la collecte des œufs, la capture, l’importation et l’exportation de tortues vertes, imbriquées, et luth. Tout contrevenant s’expose à de lourdes peines : de 3 mois à un an d’emprisonnement, amende de 100 000 à 980 000 F, et la saisie de ses engins de pêche.

Rédigé par Florence O'kelly le Lundi 4 Avril 2011 à 16:39 | Lu 111372 fois