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Titaua Huck, à l’aube d’une nouvelle vie


Titaua Huck, gérante de Vital California, a pris la décision de fermer sa salle qui avait ouvert ses portes en 1983, il y a tout juste 40 ans.
Titaua Huck, gérante de Vital California, a pris la décision de fermer sa salle qui avait ouvert ses portes en 1983, il y a tout juste 40 ans.
TAHITI, le 12 juillet 2023 - La salle Vital California va fermer ses portes après 40 ans d’exercice. Les derniers cours sont donnés ce jeudi 13 juillet. Pour la gérante, Titaua Huck, c’est une étape difficile. Elle se sépare d’une équipe de coachs fidèles mais aussi de sa clientèle sans qui rien n’aurait été possible. Elle n’a pas de projets arrêtés pour la suite, si ce n’est profiter de la vie et de sa famille.

À la question : “Que vas-tu faire maintenant ?”. Titaua Huck répond en souriant : “Vivre”. Elle est la gérante de la salle de sport Vital California, laquelle ferme ses portes ce jeudi 13 juillet. Plus qu’une salle, c’est une aventure, la passion d’une vie. C’est un cocon dans lequel clients et coachs se sont croisés pendant 40 ans. “Mon frère l’a ouverte en 1983. À l’époque c’était un pari fou auquel personne ne croyait.” Aujourd’hui c’est une institution que beaucoup regrettent déjà. Titaua Huck elle-même reconnaît que la salle et ses équipes, lui ont permis de surmonter bien des épreuves. “Il m’est arrivée de pouvoir remonter à bord grâce à eux !

Au jour le jour


Titaua Huck a 67 ans et considère l’anniversaire de la salle comme un déclic. Elle assume sa décision et les conséquences de son choix. Pour autant, elle ne s’attendait pas à un tel impact. “Je ne pensais pas recevoir un tel élan d’amour et de tendresse, j’avoue que c’est difficile à gérer”, rapporte-t-elle visiblement émue. Le cœur lourd, mais l’esprit libre, elle prépare les derniers rendez-vous organisés pour se dire au revoir. “J’avance au jour le jour, comme je l’ai toujours fait. Je crois que c’est en partie grâce à cela que la salle a tenu 40 ans.”

“Je suis entrée par un trou de souris”

La salle Vital California a été fondée par le frère de Titaua Huck, Christophe, et un associé. Lors de l’ouverture il n’y avait sur le territoire qu’une salle de musculation. Vital California proposait des cours de danse (jazz et ‘ori Tahiti) ainsi que du fitness. Comme une école de danse, elle organisait tous les ans un spectacle. Le fitness a pris de plus en plus de place. Le dernier spectacle a été donné en 2009. “Tout au long de l’histoire, nous avons gardé le même concept : nous n’avons eu ni matériel, ni plateau, ni équipement high tech. On ne pouvait pas venir y travailler seul, il n’y avait que des cours collectifs.” En 1983, l’aérobic était tendance aux États-Unis. “Nous avons surfé sur cette vague”, se rappelle Titaua Huck.

Titaua (à gauche), Caroline (au centre) et Tiffany.
Titaua (à gauche), Caroline (au centre) et Tiffany.
En 1993 Christophe a posé un ultimatum. “En gros, il m’a dit, soit tu rachètes, soit tu travailles pour le nouveau propriétaire. J’ai racheté la salle, de manière assez naturelle et sans pouvoir imaginer tout ce que cela allait impliquer. Je n’ai pas réalisé. C’était une passion, comme cela avait été pour mon frère.” Professeur de sport, il ne cherchait pas à monter un business mais à innover, à faire quelque chose de différent pour le public. Titaua Huck a été à différents postes : accueil, cours, ménage, gestion… “Je suis entrée par un trou de souris.”

Lorsqu’elle porte son regard sur l’histoire de Vital California, elle retient surtout l’engagement, la fidélité de ses membres. Elle parle de ses équipes, de ses prestataires, des “professeurs exceptionnels”. Elle cite notamment Brigitte Barreau avec qui elle a passé son brevet d’État, Caroline et Tiffany. Elle n’hésite pas à parler de “dream team” et promet d’accompagner chaque membre vers leurs nouveaux objectifs. Ils sont quatre prestataires avec autant de projet. “J’ai l’impression de quitter un navire”, résume Titaua Huck.

Avec Lucette, sa mère.
Avec Lucette, sa mère.
Une histoire d’amour au chevet de l’horreur

Les grands-parents maternels de Titaua Huck vécurent en Indochine. L’Indochine est un territoire de l’ancien empire colonial française qui disparut en 1954. Il était composé de l’actuel Vietnam, du Laos et du Cambodge ainsi que d’une portion de territoire chinois. “Mon grand-père travaillait aux services secrets. Sa vie avait été mise à prix. Il a dû fuir avec sa famille.” Les grands-parents et leurs trois enfants dont la mère de Titaua Huck ont pris la route, quittant la péninsule où ils étaient installés, marchant puis empruntant trains et pousses-pousses. Une fois en sécurité dans le nord de la Chine, ils ont été rapatriés au Liban. Le grand-père finit par être muté en Polynésie française comme ingénieur des travaux publics.

La mère de Titaua Huck, Lucette, tout juste âgée de 20 ans en 1943, répondit cette année-là à l’appel du général de Gaulle. Il avait eu lieu en 1940, mais l’âge légal de la majorité était alors de 21 ans. Elle s’engagea comme infirmière. Son père, Charles, jeune médecin ayant grandi en Algérie, s’engagea lui aussi. “Ils se sont rencontrés dans une voiture, à la guerre. Ils ont vécu l’horreur ensemble, dont la libération des camps.”

Après l’horreur, le couple s’installa un temps au Vietnam. Mais dans le pays, le conflit à venir commençait à bruisser. Lucette et Charles embarquèrent avec leurs deux fils pour l’Algérie via l’Australie, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française. À Papeete, la famille retrouva le grand-père maternel qui leur dit : “Restez un peu. Vous prendrez le prochain bateau !” Les navires passaient alors une fois par mois. Le couple et ses enfants s’installa finalement au fenua. Titaua Huck naquit en 1956, à Tahiti. “Ma mère m’a raconté qu’à l’approche de l’île, déjà, elle sentait qu’ils resteraient.

Pas de problème, mais des solutions

En évoquant ces souvenirs, Titaua Huck insiste : “Ma mère était une femme d’exception. Tout comme mon père. Ils étaient d’anciens combattants patriotes, forts d’un certain nombre de valeurs.” Elle ajoute : “Ma mère était tournée vers les autres, ouverte d’esprit. Elle savait où était l’essentiel. Elle répétait souvent, d’abord qu’il n’y a pas de hasard dans la vie, et ensuite qu’il n’y a jamais de problèmes, il n’y a que des solutions. Nous avons été élevés avec tout ça.” C’est aussi avec tout cela que la gérante à accueilli ses clients, managé ses équipes, accompagné ses prestataires devenus des amis.

Titaua Huck a été scolarisée à Tahiti jusqu’en 6e. “J’étais un peu turbulente, sans doute trop gâtée. J’ai redoublé ma 6e. J’étais particulièrement nulle en anglais comme le répétait mon prof de langue.” La collégienne a alors été envoyée aux États-Unis chez une demi-sœur. Direction Cullman en Alabama. “Un endroit complètement perdu où j’ai vécu 7 ans.”

Invité par son frère Christophe en France où il étudiait, Titaua Huck a découvert le “vieux pays”. “J’ai vibré et demandé à rentrer en Polynésie. Je ne me voyais pas retourner à Cullman où il ne se passait strictement rien.” À Tahiti, grâce à l’anglais qu’elle maitrisait maintenant parfaitement, Titaua Huck a pu travailler dans une agence de voyage, une compagnie aérienne… Vital California a ouvert en 1983. “Mon frère m’a proposé un poste à l’accueil. J’ai bien évidemment accepté. On a toujours été très complices.” Titaua Huck a tout appris “sur le tas”. Elle venait du monde de la danse qu’elle avait déjà beaucoup pratiquée. En 1993, elle a passé un brevet d’État pour formaliser son enseignement. Son histoire ensuite est intimement liée à celle de Vital California. Celle de la salle s’arrête. Resteront les souvenirs et l’âme de cette salle qui a marqué plusieurs générations de Polynésiens.


Rendez-vous

Le vendredi 14 juillet, séances de sport offertes au parc Paofai de 16h30 à 19 heures en guise de remerciement. Au programme : Sh’bam, Body Attack, Zumba, Body Jam, Body Combat, Stretch.

Soirée Time to say goodbye, le 29 juillet à l’Instant présent. Tarif : 3 000 Fcfp.


Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 12 Juillet 2023 à 16:31 | Lu 3748 fois