Canala, France | AFP | dimanche 25/01/2015 -Les rues de Canala sont désertes ce samedi. Dans cette petite commune rurale de l'est de la Nouvelle-Calédonie, le week-end est réservé aux travaux des champs, mais cette torpeur "est tout de même inhabituelle", souligne une habitante, trois jours après le tir de jeudi, qui a visé deux gendarmes.
Les deux hommes, réfugiés dans leur véhicule blindé après avoir essuyé des jets de pierre dans la tribu de Nakety, ont été blessés, l'un au crâne, l'autre au cou, par une balle à ailettes utilisée dans la chasse au gros gibier. Le tireur est toujours recherché.
"Les gens sont restés chez eux, on est choqués", assure cette jeune femme qui rentre des champs avec ses enfants. Choqués, et désabusés. Car Canala a mauvaise réputation. Depuis la fin des "Événements" - la rébellion indépendantistes des années 80 -, la commune n'a jamais été réellement pacifiée.
En octobre, déjà, des gendarmes et une dépanneuse venus récupérer des véhicules volés avaient essuyé des tirs à la tribu de Nakety. Le dépanneur avait été blessé par des éclats.
Avec le trafic de cannabis, le vol de voitures est l'une des principales activités des petits délinquants de Canala, une poignée de jeunes désœuvrés, selon un des petits chefs de la tribu de Nakety, que les "vieux" n'arrivent plus à raisonner.
En toile de fond, le culte voué à l'icône locale de la rébellion indépendantiste, Éloi Machoro, originaire de Nakety et tué le 12 janvier 1985 par les forces de l'ordre. "Ils ont tiré sur les gendarmes 10 jours après le 30e anniversaire de sa mort", se désole Marc Fifita-ne, compagnon de route d’Éloi Machoro. "Ils n'ont rien compris à son combat. Éloi n'était pas violent, il se battait pour notre liberté. Jamais il n'a dit qu'il fallait tirer sur les gendarmes ou voler les blancs!"
Entre les anciens et ces jeunes en perte de repères, la rupture est consommée. Louis Machoro, frère d’Éloi, refuse de parler. "On a honte, poursuit Marc Fifita-ne. Ces jeunes bafouent sa mémoire".
Sur les routes de Canala, les portraits au pochoir d’Éloi Machoro fleurissent. Beaucoup de panneaux de signalisation sont criblés de balles ou troués à coups de machette. On aperçoit aussi des carcasses de voitures brûlées et des drapeaux indépendantistes.
- Ni travail, ni auto-école -
Les autorités coutumières sont désemparées. "On organise des journées pour leur donner la parole, ils refusent de nous dire quoi que ce soit."
Ces délinquants considèrent parfois les anciens comme des traîtres. "Nous, on est avec les gendarmes, poursuit Marc Fifita-ne. Le monde a changé. Ils sont là pour protéger notre liberté. On n'est pas d'accord avec ces jeunes".
Mais la communication est difficile, dans une société kanak où la parole compte et est très codifiée.
Un groupe d'adolescents refuse de parler du tir de jeudi. "On n'a pas le droit, on est trop jeunes", glisse l'un d'eux.
Le véritable problème, c'est l'absence d'activité économique. Seule la mine offre un réel débouché. "Ceux qui font des bêtises sont en colère parce qu'ils ne travaillent pas, mais pour travailler à la mine, il faut une formation, le permis, et eux n'ont pas fini l'école", regrette Marc Fifita-ne.
L'indépendantiste Gilbert Tyuienon, maire de Canala, déplore "l'absence de services et d'initiative privée" sur sa commune enclavée, à plus d'une heure d'un autre village. "On n'a même pas d'auto-école pour ces jeunes. Tous seuls, on n'y arrivera pas", dit-il avant de rencontrer cette semaine le Haut-commissaire de la République dans l'archipel.
La défiance envers les forces de l'ordre prend aussi racine dans la forte rotation des gendarmes. Seuls six des 18 militaires affectés sur la commune y restent entre trois et six ans, selon la gendarmerie locale. Les autres sont là pour trois mois seulement. Gilbert Tyuienon assure d'ailleurs avoir demandé depuis 2009 au ministère de l'Intérieur de favoriser l'intégration de Kanaks dans la gendarmerie: "Il n'y a que comme ça que l'on arrivera à désamorcer la méfiance envers les forces de l'ordre."
Les deux hommes, réfugiés dans leur véhicule blindé après avoir essuyé des jets de pierre dans la tribu de Nakety, ont été blessés, l'un au crâne, l'autre au cou, par une balle à ailettes utilisée dans la chasse au gros gibier. Le tireur est toujours recherché.
"Les gens sont restés chez eux, on est choqués", assure cette jeune femme qui rentre des champs avec ses enfants. Choqués, et désabusés. Car Canala a mauvaise réputation. Depuis la fin des "Événements" - la rébellion indépendantistes des années 80 -, la commune n'a jamais été réellement pacifiée.
En octobre, déjà, des gendarmes et une dépanneuse venus récupérer des véhicules volés avaient essuyé des tirs à la tribu de Nakety. Le dépanneur avait été blessé par des éclats.
Avec le trafic de cannabis, le vol de voitures est l'une des principales activités des petits délinquants de Canala, une poignée de jeunes désœuvrés, selon un des petits chefs de la tribu de Nakety, que les "vieux" n'arrivent plus à raisonner.
En toile de fond, le culte voué à l'icône locale de la rébellion indépendantiste, Éloi Machoro, originaire de Nakety et tué le 12 janvier 1985 par les forces de l'ordre. "Ils ont tiré sur les gendarmes 10 jours après le 30e anniversaire de sa mort", se désole Marc Fifita-ne, compagnon de route d’Éloi Machoro. "Ils n'ont rien compris à son combat. Éloi n'était pas violent, il se battait pour notre liberté. Jamais il n'a dit qu'il fallait tirer sur les gendarmes ou voler les blancs!"
Entre les anciens et ces jeunes en perte de repères, la rupture est consommée. Louis Machoro, frère d’Éloi, refuse de parler. "On a honte, poursuit Marc Fifita-ne. Ces jeunes bafouent sa mémoire".
Sur les routes de Canala, les portraits au pochoir d’Éloi Machoro fleurissent. Beaucoup de panneaux de signalisation sont criblés de balles ou troués à coups de machette. On aperçoit aussi des carcasses de voitures brûlées et des drapeaux indépendantistes.
- Ni travail, ni auto-école -
Les autorités coutumières sont désemparées. "On organise des journées pour leur donner la parole, ils refusent de nous dire quoi que ce soit."
Ces délinquants considèrent parfois les anciens comme des traîtres. "Nous, on est avec les gendarmes, poursuit Marc Fifita-ne. Le monde a changé. Ils sont là pour protéger notre liberté. On n'est pas d'accord avec ces jeunes".
Mais la communication est difficile, dans une société kanak où la parole compte et est très codifiée.
Un groupe d'adolescents refuse de parler du tir de jeudi. "On n'a pas le droit, on est trop jeunes", glisse l'un d'eux.
Le véritable problème, c'est l'absence d'activité économique. Seule la mine offre un réel débouché. "Ceux qui font des bêtises sont en colère parce qu'ils ne travaillent pas, mais pour travailler à la mine, il faut une formation, le permis, et eux n'ont pas fini l'école", regrette Marc Fifita-ne.
L'indépendantiste Gilbert Tyuienon, maire de Canala, déplore "l'absence de services et d'initiative privée" sur sa commune enclavée, à plus d'une heure d'un autre village. "On n'a même pas d'auto-école pour ces jeunes. Tous seuls, on n'y arrivera pas", dit-il avant de rencontrer cette semaine le Haut-commissaire de la République dans l'archipel.
La défiance envers les forces de l'ordre prend aussi racine dans la forte rotation des gendarmes. Seuls six des 18 militaires affectés sur la commune y restent entre trois et six ans, selon la gendarmerie locale. Les autres sont là pour trois mois seulement. Gilbert Tyuienon assure d'ailleurs avoir demandé depuis 2009 au ministère de l'Intérieur de favoriser l'intégration de Kanaks dans la gendarmerie: "Il n'y a que comme ça que l'on arrivera à désamorcer la méfiance envers les forces de l'ordre."