BANGKOK, 23 juil 2012 (AFP) - Depuis un café près des go-go bars d'un quartier chaud de Bangkok, Gigi raconte sans fard ses années de prostitution et de drogue. Un passé qui l'a laissée séropositive, comme beaucoup d'autres transsexuels thaïlandais qu'elle veut aujourd'hui mettre en garde.
Plutôt réservée, un maquillage léger appliqué sur son visage pâle, la militante de 40 ans est bien loin de la caricature des "katoey" ("transsexuels" en thaï, opérés ou non), haut en couleur et exubérants, dont le nombre est estimé à 180.000 dans le pays.
"Certains hommes utilisaient des préservatifs (...) d'autres non. Parfois, le préservatif cassait", raconte-t-elle, sans rancune contre son ancienne vie de passes à Pattaya, station balnéaire réputée pour son industrie du sexe qui accueille quelque 3.000 transsexuels pendant la haute saison.
Apprendre sa séropositivité il y a six ans ne l'avait pas arrêtée. "J'ai couché avec de nombreux partenaires", explique-t-elle. "Je pensais que j'allais mourir bientôt (...) alors je voulais être heureuse".
Mais les antirétroviraux lui ont épargné le pire de la maladie, et elle a finalement quitté la prostitution pour se consacrer à la prévention du sida, distribuant préservatifs et conseils aux jeunes "ladyboys" qui arpentent les rues de Patpong ou des autres quartiers "rouges" de la capitale thaïlandaise.
Une mission terriblement nécessaire alors que le taux de contamination chez les transsexuels serait à la hausse.
Au total, environ 530.000 Thaïlandais vivent avec le VIH, selon une estimation de 2010 de l'Onusida, l'agence de l'ONU spécialisée. Mais il n'existe aucune statistique pour le "troisième sexe".
Certaines enquêtes ciblées montrent malgré tout que la prévalence est élevée dans ce groupe. Ainsi, 11% des transgenres de la province de Chonburi, où se trouve Pattaya, seraient contaminés, avec un pic à 20% pour les plus de 29 ans, selon un récent sondage du gouvernement.
"des êtres humains"
Ces taux sont plus bas que les estimations régionales du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Une étude publiée en mai estimait que près de la moitié des transsexuels d'Asie-Pacifique pourraient être séropositifs, tout en reconnaissant que les chiffres étaient le résultat de l'extrapolation de résultats d'enquêtes à petite échelle.
Le rapport mettait également en lumière la "spirale" dans laquelle sont pris ces transgenres qui cumulent exclusion sociale, pauvreté et séropositivité.
Et en Thaïlande, la situation s'aggrave, mettent en garde les militants qui notent que les jeunes "katoey" ne se font pas dépister régulièrement et que le nombre de séropositifs dans cette population augmente, signe d'une possible hausse des comportements à risque.
"Ce n'est pas une tendance passagère (...) Si les chose continuent comme ça, le problème va devenir plus que grave", souligne Alex Duke, de l'organisation PSI, qui s'occupe de plusieurs cliniques dédiées aux transgenres.
"Le VIH n'est que l'un des risques que les transgenres affrontent chaque jour", poursuit-il, évoquant les violences contre les travailleurs du sexe.
Mais ils font aussi face à des discriminations pour l'accès aux services de santé, à l'éducation et au marché du travail, dénonce la militante Prempreeda Pramoj Na Ayutthaya.
La culture thaïlandaise est d'une grande tolérance sur les questions de genre et d'orientation sexuelle, mais le coeur conservateur de la société peine à les accepter et la loi ne reconnaît pas le changement de genre.
Alors "beaucoup de transsexuels estiment que le travail du sexe est le seul moyen de gagner un peu d'argent et d'affirmer leur identité", regrette Prempreeda.
Bien sûr, dépenser plus dans des campagnes d'information qui leur sont spécifiquement destinées, pour améliorer le dépistage et la prise en charge des malades, serait une solution, mais les transsexuels doivent également faire eux-même de leur santé une priorité.
Gigi assure que c'est bien le cas et que les transgenres sont prêts à faire face au problème. S'ils sont reconnus dans leur identité sexuelle. "Nous pouvons les aider. Traitez nous simplement comme des êtres humains".
apj/dr/abd/so
Plutôt réservée, un maquillage léger appliqué sur son visage pâle, la militante de 40 ans est bien loin de la caricature des "katoey" ("transsexuels" en thaï, opérés ou non), haut en couleur et exubérants, dont le nombre est estimé à 180.000 dans le pays.
"Certains hommes utilisaient des préservatifs (...) d'autres non. Parfois, le préservatif cassait", raconte-t-elle, sans rancune contre son ancienne vie de passes à Pattaya, station balnéaire réputée pour son industrie du sexe qui accueille quelque 3.000 transsexuels pendant la haute saison.
Apprendre sa séropositivité il y a six ans ne l'avait pas arrêtée. "J'ai couché avec de nombreux partenaires", explique-t-elle. "Je pensais que j'allais mourir bientôt (...) alors je voulais être heureuse".
Mais les antirétroviraux lui ont épargné le pire de la maladie, et elle a finalement quitté la prostitution pour se consacrer à la prévention du sida, distribuant préservatifs et conseils aux jeunes "ladyboys" qui arpentent les rues de Patpong ou des autres quartiers "rouges" de la capitale thaïlandaise.
Une mission terriblement nécessaire alors que le taux de contamination chez les transsexuels serait à la hausse.
Au total, environ 530.000 Thaïlandais vivent avec le VIH, selon une estimation de 2010 de l'Onusida, l'agence de l'ONU spécialisée. Mais il n'existe aucune statistique pour le "troisième sexe".
Certaines enquêtes ciblées montrent malgré tout que la prévalence est élevée dans ce groupe. Ainsi, 11% des transgenres de la province de Chonburi, où se trouve Pattaya, seraient contaminés, avec un pic à 20% pour les plus de 29 ans, selon un récent sondage du gouvernement.
"des êtres humains"
Ces taux sont plus bas que les estimations régionales du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Une étude publiée en mai estimait que près de la moitié des transsexuels d'Asie-Pacifique pourraient être séropositifs, tout en reconnaissant que les chiffres étaient le résultat de l'extrapolation de résultats d'enquêtes à petite échelle.
Le rapport mettait également en lumière la "spirale" dans laquelle sont pris ces transgenres qui cumulent exclusion sociale, pauvreté et séropositivité.
Et en Thaïlande, la situation s'aggrave, mettent en garde les militants qui notent que les jeunes "katoey" ne se font pas dépister régulièrement et que le nombre de séropositifs dans cette population augmente, signe d'une possible hausse des comportements à risque.
"Ce n'est pas une tendance passagère (...) Si les chose continuent comme ça, le problème va devenir plus que grave", souligne Alex Duke, de l'organisation PSI, qui s'occupe de plusieurs cliniques dédiées aux transgenres.
"Le VIH n'est que l'un des risques que les transgenres affrontent chaque jour", poursuit-il, évoquant les violences contre les travailleurs du sexe.
Mais ils font aussi face à des discriminations pour l'accès aux services de santé, à l'éducation et au marché du travail, dénonce la militante Prempreeda Pramoj Na Ayutthaya.
La culture thaïlandaise est d'une grande tolérance sur les questions de genre et d'orientation sexuelle, mais le coeur conservateur de la société peine à les accepter et la loi ne reconnaît pas le changement de genre.
Alors "beaucoup de transsexuels estiment que le travail du sexe est le seul moyen de gagner un peu d'argent et d'affirmer leur identité", regrette Prempreeda.
Bien sûr, dépenser plus dans des campagnes d'information qui leur sont spécifiquement destinées, pour améliorer le dépistage et la prise en charge des malades, serait une solution, mais les transsexuels doivent également faire eux-même de leur santé une priorité.
Gigi assure que c'est bien le cas et que les transgenres sont prêts à faire face au problème. S'ils sont reconnus dans leur identité sexuelle. "Nous pouvons les aider. Traitez nous simplement comme des êtres humains".
apj/dr/abd/so