PAPEETE, 12 avril 2018 - Tahiti Infos ouvre une tribune, dans chacune de ses éditions jusqu'au jeudi 19 avril, afin de permettre aux leaders des six listes qui se présentent aux élections territoriales de décliner leurs ambitions pour le Pays, l'esprit de leur programme politique, l'attitude qu'ils envisagent en cas de second tour, et d'autres considérations en lien avec les élections du 22 avril et du 6 mai pour le renouvellement des représentants de l'assemblée. Nous avons choisi d'observer l'ordre de présentation défini par l'Etat, lors du tirage au sort du 28 mars dernier. Entretien avec le leader Oscar Temaru, président du Tavini Huiraatira et tête de la liste présentée par le parti souverainiste aux élections territoriales.
Votre slogan de campagne est « Servir l’avenir ». Que veut-il signifier aux électeurs de Polynésie française ?
D’abord « Servir » pour rappeler aux adhérents, aux responsables du parti, aux responsables politiques du pays, à tout le monde, que nous sommes là avant tout pour servir et non Se servir. Tant que l’on aura cette conviction – parce que c’est une question de convictions –, il faut y aller. Je rappelle cela à tous ceux qui m’entourent : le jour où cette volonté d’être au service de l’autre disparaît, il faut s’en aller. Pour moi, c’est ça la politique. La politique est avant tout une science morale.
Maintenant, le deuxième mot de ce slogan, « l’avenir ». Il est bon pour cela de faire une rétrospective. Jusqu’en 1963, avant l’arrivée du Centre d’expérimentation chez nous, la balance commerciale de notre pays était équilibrée (exportation de phosphate, de vanille, de café, de coprah, etc). Puis l’arsenal nucléaire imposé par De Gaulle débarque chez nous. Et du jour au lendemain, nous sommes passés d’une économie de marché à cette économie factice, artificielle et d’assistanat dans laquelle nous sommes encore. (…) Sur le plan culturel, quand on voit toute cette jeunesse qui ne parle plus sa langue et qui a perdu les habitudes alimentaires…
On savait pertinemment qu’un jour ou l’autre ça s’arrêterait. Mais j’ai l’impression que l’on veut continuer à vivre de l’assistanat, que l’on ne veut pas changer. On voit les conséquences autour du marché, à tendre la main.
Voilà les conséquences sociales des politiques que nos adversaires ont mises en place dans ce pays depuis plusieurs décennies. On a l’impression que tout le monde veut continuer comme ça, alors que nous avons une terre (…) et un océan à exploiter.
Vous dites "servir, mais pas se servir". Justement, vous organisez une marche, samedi pour dénoncer la corruption des élites politiques. Qui visez-vous ?
La plupart de nos adversaires politiques ont été condamnés pour détournement de fonds publics. (…) Je sers cette commune depuis 35 ans, il n’y a jamais eu de tâche, jamais de condamnation pour détournement. (…) Gaston Flosse a été condamné et aujourd’hui il est inéligible. Edouard Fritch est également condamné pour prise illégale d’intérêt dans l’affaire Radio Maohi… Moi, à leur place, je démissionnerais ! Ce sont des pourris.
C’est vos adversaires que vous visez ?
Nous payons chaque année des dizaines de milliards de francs de taxes. Moi, je ne mettrais pas un franc entre leurs mains. C’est pour ça que nous faisons une marche samedi.
Vous savez, tous les ans lorsqu’on se rencontre avec nos voisins du Pacifique, au sein du Forum, on parle de bonne gouvernance. Jamais je n’ai entendu parler nos adversaires politiques de bonne gouvernance. (…) Chez nos voisins, quand des politiques ont des problèmes avec la justice, c’est fini on ne les voit plus : ils sont out ! Ici, on a un homme inéligible qui fait campagne à la télévision. C’est pas possible ! On est en train de condamner l’avenir de nos enfants, sur le plan moral !
Quel score attend le Tavini Huiraatira au premier tour, le 22 avril ?
Alors là ? God only knows… Nous faisons de notre mieux pour informer cette population. L’assistance grossit de jour en jour. On sent cet enthousiasme de vouloir gagner au premier tour. Mais mathématiquement, je crois que c’est impossible. Ensuite, tout le monde pose la question : est-ce que le Tavini va soutenir...
Je voulais en venir là. Etes-vous disposés à une alliance avec le Tahoera’a Huiraatira ?
C’est eux qui devront nous soutenir, que ce soit Edouard Fritch ou Gaston Flosse. Pour moi, ils doivent dégager. Il n’y a pas de deal possible au second tour. S’ils veulent nous soutenir, ils nous soutiennent, c’est tout.
De toutes les façons la base se réunira le lundi 23. Moi, je vous donne mon avis.
Cela peut donc changer ?
Je ne crois pas.
Quelle politique souhaitez-vous proposer pour les cinq prochaines années en matière économique et pour l’emploi ?
Je viens de vous en parler. Le secteur primaire a été abandonné depuis plus de 50 ans. Et pourtant cette terre est toujours là. La cocoteraie demande à être régénérée. On peut en tirer une véritable richesse. La vanille représente un formidable potentiel aussi. Nous avons un produit phare que toutes les familles pourraient cultiver. Il suffit de 200 à 300 mètres carrés. C’est vrai qu’au départ il y a un petit investissement à faire ; mais si nous gagnons les élections, nous allons foncer là-dedans. (…) Ensuite, il nous faut multiplier le nombre de chambres d’hôte, multiplier les pensions de famille, les backpackers… Les grandes chaînes d’hôtel savent se débrouiller. Il faut que nous soyons près de cette population. Tout ça créera de l’emploi. Notre rôle est de favoriser la réalisation des projets de tous ceux qui veulent entreprendre.
Des milliers de personnes sont à la recherche d’un emploi, dans l’immédiat. Que propose le Tavini pour eux ?
Je viens de le dire qu’il y a du travail, si l’on veut travailler. Nous ne sommes pas pour continuer à faire de l’assistanat. Ceux que vous voyez aujourd’hui – il faut le dire et le répéter –, ce sont les victimes de la politique économique menée dans ce pays depuis plusieurs décennies. Il faut changer tout ça. La politique de la main tendue ne mène à rien.
Quelle politique mettrez-vous en place en matière de santé publique ?
Il y a des tas de choses à dire. Je pense que sur le plan psychologique, c’est tout un peuple qui a été atteint par cette décision de De Gaulle à son époque d’utiliser notre pays pour ses essais nucléaires. (…) Aujourd’hui, la France maîtrise l’énergie nucléaire. Et pour les Polynésiens ? La pauvreté. (…)
On avait un peuple sain de travailleurs. On en a fait des malades assistés. Regardez le problème du diabète. Quel secours apportent les médicaments : bétadine, insuline, amputation... Personne ne dit rien. Les taote et les pharmacies font leur beurre. Personne ne dit rien. Çà fait quelques milliards de dépenses par an. Dans le monde entier c’est comme ça. Et personne ne bouge.
Qu’est-ce que vous proposez pour changer cela ?
J’ai reçu dans mon bureau le ministre de la santé et le président du gouvernement. Je leur ai fait voir un documentaire où l’on dénonce ça et où l’on fait des propositions de médecine alternative, avec un changement de mode de vie et de comportement alimentaire.
Vous parlez du jeûne thérapeutique ?
Attendez. Attendez... Ces deux messieurs ont regardé ce documentaire. Et à la fin Edouard me dit « Mais, si tout le monde se met à jeûner, on va tomber en faillite ». Ah c’est sûr : ça ne fait pas l’affaire des médecins, ni des pharmacies. Voilà la réalité ; le vrai problème de ce pays. Ça, c’est uniquement pour le diabète, pour le cancer, pour les maladies chroniques… Ils n’y peuvent rien. On est arrivé au bout de leur système ; mais personne n’ose rien dire : il faut laisser faire. C’est du vol autorisé, légalisé. C’est scandaleux ! Au contraire, par le jeûne thérapeutique la CPS (Caisse de prévoyance sociale, ndlr) va faire des économies. (…) Il suffit de boire de l’eau pendant un certain nombre de jour, et ensuite de consommer les produits frais de notre pays. (…) Et ça, ça ne coûte rien du tout.
C’est ce que vous proposez pour endiguer le déficit du système de Protection sociale généralisée ?
Déjà, ça va faire des économies au niveau de la caisse. Parce que le problème est global. Ensuite, l’autre problème – je l’ai dit à Edouard quand il y a eu le clash à l’assemblée – : je ne comprends pas pourquoi nous avons plus de 6000 fonctionnaires d’Etat basés ici en Polynésie et qui ne cotisent pas à la caisse. Ce n’est pas normal. Quand ils sont malades, ils utilisent toutes les infrastructures du pays. C'est vrai que les factures sont adressées à la Sécurité sociale qui rembourse ; mais personne ne cotise à la caisse, alors qu’en Nouvelle-Calédonie les fonctionnaires expatriés paient à la caisse. Si tous ces fonctionnaires participaient ici, il n’y aurait plus de trou à la CPS.
La caisse des retraites est annoncée en cessation de paiement pour 2020, faute de réforme. Comment vous gérez cette urgence ?
Encore une fois, c’est par la création d’emplois. Il nous faut développer une économie durable et réelle dans ce pays. Voilà la vraie solution : faire du développement durable, pas des CAE (Contrat d'accès à l'emploi, ndlr) et au bout de quelques mois, dehors. Voilà les solutions qu’ils proposent depuis des années.
Quelle politique sociale proposez-vous pour venir en aide aux familles polynésiennes ?
La cellule familiale, c’est… Si une société vit des difficultés, c’est qu’à la base les familles sont en difficulté. Tout doit partir de la famille.
La consommation d’ice explose au fenua dans les classes populaires. Qu’envisage le Tavini pour faire face ?
La drogue... C’est comme partout dans le monde : des gens qui veulent gagner de l’argent facile. C’est dans l’éducation qu’il faut chercher la solution, dans la famille : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front », voilà notre éducation.
On ne parle que de cette drogue. Que dire de tout ce qui est en vente libre en pharmacie. Tous ces ra’au-là c’est de la drogue. Pourquoi les Américains appellent ça « drugs ». C’est de la drogue, qui provoque des effets secondaire. C’est aussi de la drogue. Il faut élargir notre vision sur ce fléau. La drogue mélangée à l’alcool, c’est terrible. Çà cause des drames familiaux, des gens qui se retrouvent en prison, des meurtres… Empoisonner pour gagner de l’argent... et justifier tout cela parce qu’il n’y a pas de travail. C’est trop facile ! Il faut utiliser notre tête et les dix doigts de nos mains.
Un élément clé de votre programme en matière de culture est la reconnaissance et la promotion du re’o ma’ohi.
Vous savez, quand on parle de culture c’est quelque chose de très vaste. J’aimerais que cette jeunesse comprenne que nos tupuna, lorsqu’ils sont arrivés ici, voici plusieurs centaines d’années, ils avaient entrepris de faire ce voyage. C’étaient des entrepreneurs. Ils avaient construit leurs pirogues et ils sont partis avec l’esprit d’entreprise. Arrivés ici, ils ont travaillé la terre de ces îles. Ils ne sont pas arrivés ici comme fonctionnaires, ni comme salariés. Je pense que c’est ce qui manque aujourd’hui à l’éducation de nos enfants. On n’enseigne pas à l’école l’esprit d’entreprise. « Allez à l’école. Ayez votre bac. Ensuite vous serez fonctionnaires, douanier, policier, instituteur… » Et puis voilà : la vie est belle. (…) Il faut savoir d’où nous venons. Nos tupunas n’étaient pas salariés. Ils vivaient de leurs mains, allaient à la pêche et avaient une grande qualité de vie.
Vous annoncez aussi vouloir faire supporter à l’Etat son entière responsabilité dans les conséquences des essais nucléaires. Comment voulez-vous procéder ?
D’abord nous serions les seuls à pouvoir le faire à condition de nous gagnions ces élections. Il y a des points bloquants : l’officialisation de notre langue, la protection de l’emploi local, le contrôle des visas… Tous ces points bloquants sont des priorités. Je ne pense pas qu’Edouard se rendra à New York pour demander à ce que tout ça soit mis en place.
La France fait partie de l’Organisation des nations unies. C’est là qu’il faut aller discuter avec elle de tous ces points bloquants. Aujourd’hui, nous avons un député. Il continuera à exposer ces points au niveau du Parlement français. On le fera aussi au niveau du Forum du Pacifique et de la communauté internationale.
La France, si elle est de bonne foi, ne peut que considérer que l’arrivée du Centre d’expérimentation du Pacifique a bouleversé un mode de vie traditionnel qui fonctionnait très bien. Aujourd’hui, s’il y a des responsabilités, l’Etat a sa part à assumer. Et pas simplement une loi Morin, pour solde de tous comptes.
Votre slogan de campagne est « Servir l’avenir ». Que veut-il signifier aux électeurs de Polynésie française ?
D’abord « Servir » pour rappeler aux adhérents, aux responsables du parti, aux responsables politiques du pays, à tout le monde, que nous sommes là avant tout pour servir et non Se servir. Tant que l’on aura cette conviction – parce que c’est une question de convictions –, il faut y aller. Je rappelle cela à tous ceux qui m’entourent : le jour où cette volonté d’être au service de l’autre disparaît, il faut s’en aller. Pour moi, c’est ça la politique. La politique est avant tout une science morale.
Maintenant, le deuxième mot de ce slogan, « l’avenir ». Il est bon pour cela de faire une rétrospective. Jusqu’en 1963, avant l’arrivée du Centre d’expérimentation chez nous, la balance commerciale de notre pays était équilibrée (exportation de phosphate, de vanille, de café, de coprah, etc). Puis l’arsenal nucléaire imposé par De Gaulle débarque chez nous. Et du jour au lendemain, nous sommes passés d’une économie de marché à cette économie factice, artificielle et d’assistanat dans laquelle nous sommes encore. (…) Sur le plan culturel, quand on voit toute cette jeunesse qui ne parle plus sa langue et qui a perdu les habitudes alimentaires…
On savait pertinemment qu’un jour ou l’autre ça s’arrêterait. Mais j’ai l’impression que l’on veut continuer à vivre de l’assistanat, que l’on ne veut pas changer. On voit les conséquences autour du marché, à tendre la main.
Voilà les conséquences sociales des politiques que nos adversaires ont mises en place dans ce pays depuis plusieurs décennies. On a l’impression que tout le monde veut continuer comme ça, alors que nous avons une terre (…) et un océan à exploiter.
Vous dites "servir, mais pas se servir". Justement, vous organisez une marche, samedi pour dénoncer la corruption des élites politiques. Qui visez-vous ?
La plupart de nos adversaires politiques ont été condamnés pour détournement de fonds publics. (…) Je sers cette commune depuis 35 ans, il n’y a jamais eu de tâche, jamais de condamnation pour détournement. (…) Gaston Flosse a été condamné et aujourd’hui il est inéligible. Edouard Fritch est également condamné pour prise illégale d’intérêt dans l’affaire Radio Maohi… Moi, à leur place, je démissionnerais ! Ce sont des pourris.
C’est vos adversaires que vous visez ?
Nous payons chaque année des dizaines de milliards de francs de taxes. Moi, je ne mettrais pas un franc entre leurs mains. C’est pour ça que nous faisons une marche samedi.
Vous savez, tous les ans lorsqu’on se rencontre avec nos voisins du Pacifique, au sein du Forum, on parle de bonne gouvernance. Jamais je n’ai entendu parler nos adversaires politiques de bonne gouvernance. (…) Chez nos voisins, quand des politiques ont des problèmes avec la justice, c’est fini on ne les voit plus : ils sont out ! Ici, on a un homme inéligible qui fait campagne à la télévision. C’est pas possible ! On est en train de condamner l’avenir de nos enfants, sur le plan moral !
Quel score attend le Tavini Huiraatira au premier tour, le 22 avril ?
Alors là ? God only knows… Nous faisons de notre mieux pour informer cette population. L’assistance grossit de jour en jour. On sent cet enthousiasme de vouloir gagner au premier tour. Mais mathématiquement, je crois que c’est impossible. Ensuite, tout le monde pose la question : est-ce que le Tavini va soutenir...
Je voulais en venir là. Etes-vous disposés à une alliance avec le Tahoera’a Huiraatira ?
C’est eux qui devront nous soutenir, que ce soit Edouard Fritch ou Gaston Flosse. Pour moi, ils doivent dégager. Il n’y a pas de deal possible au second tour. S’ils veulent nous soutenir, ils nous soutiennent, c’est tout.
De toutes les façons la base se réunira le lundi 23. Moi, je vous donne mon avis.
Cela peut donc changer ?
Je ne crois pas.
Quelle politique souhaitez-vous proposer pour les cinq prochaines années en matière économique et pour l’emploi ?
Je viens de vous en parler. Le secteur primaire a été abandonné depuis plus de 50 ans. Et pourtant cette terre est toujours là. La cocoteraie demande à être régénérée. On peut en tirer une véritable richesse. La vanille représente un formidable potentiel aussi. Nous avons un produit phare que toutes les familles pourraient cultiver. Il suffit de 200 à 300 mètres carrés. C’est vrai qu’au départ il y a un petit investissement à faire ; mais si nous gagnons les élections, nous allons foncer là-dedans. (…) Ensuite, il nous faut multiplier le nombre de chambres d’hôte, multiplier les pensions de famille, les backpackers… Les grandes chaînes d’hôtel savent se débrouiller. Il faut que nous soyons près de cette population. Tout ça créera de l’emploi. Notre rôle est de favoriser la réalisation des projets de tous ceux qui veulent entreprendre.
Des milliers de personnes sont à la recherche d’un emploi, dans l’immédiat. Que propose le Tavini pour eux ?
Je viens de le dire qu’il y a du travail, si l’on veut travailler. Nous ne sommes pas pour continuer à faire de l’assistanat. Ceux que vous voyez aujourd’hui – il faut le dire et le répéter –, ce sont les victimes de la politique économique menée dans ce pays depuis plusieurs décennies. Il faut changer tout ça. La politique de la main tendue ne mène à rien.
Quelle politique mettrez-vous en place en matière de santé publique ?
Il y a des tas de choses à dire. Je pense que sur le plan psychologique, c’est tout un peuple qui a été atteint par cette décision de De Gaulle à son époque d’utiliser notre pays pour ses essais nucléaires. (…) Aujourd’hui, la France maîtrise l’énergie nucléaire. Et pour les Polynésiens ? La pauvreté. (…)
On avait un peuple sain de travailleurs. On en a fait des malades assistés. Regardez le problème du diabète. Quel secours apportent les médicaments : bétadine, insuline, amputation... Personne ne dit rien. Les taote et les pharmacies font leur beurre. Personne ne dit rien. Çà fait quelques milliards de dépenses par an. Dans le monde entier c’est comme ça. Et personne ne bouge.
Qu’est-ce que vous proposez pour changer cela ?
J’ai reçu dans mon bureau le ministre de la santé et le président du gouvernement. Je leur ai fait voir un documentaire où l’on dénonce ça et où l’on fait des propositions de médecine alternative, avec un changement de mode de vie et de comportement alimentaire.
Vous parlez du jeûne thérapeutique ?
Attendez. Attendez... Ces deux messieurs ont regardé ce documentaire. Et à la fin Edouard me dit « Mais, si tout le monde se met à jeûner, on va tomber en faillite ». Ah c’est sûr : ça ne fait pas l’affaire des médecins, ni des pharmacies. Voilà la réalité ; le vrai problème de ce pays. Ça, c’est uniquement pour le diabète, pour le cancer, pour les maladies chroniques… Ils n’y peuvent rien. On est arrivé au bout de leur système ; mais personne n’ose rien dire : il faut laisser faire. C’est du vol autorisé, légalisé. C’est scandaleux ! Au contraire, par le jeûne thérapeutique la CPS (Caisse de prévoyance sociale, ndlr) va faire des économies. (…) Il suffit de boire de l’eau pendant un certain nombre de jour, et ensuite de consommer les produits frais de notre pays. (…) Et ça, ça ne coûte rien du tout.
C’est ce que vous proposez pour endiguer le déficit du système de Protection sociale généralisée ?
Déjà, ça va faire des économies au niveau de la caisse. Parce que le problème est global. Ensuite, l’autre problème – je l’ai dit à Edouard quand il y a eu le clash à l’assemblée – : je ne comprends pas pourquoi nous avons plus de 6000 fonctionnaires d’Etat basés ici en Polynésie et qui ne cotisent pas à la caisse. Ce n’est pas normal. Quand ils sont malades, ils utilisent toutes les infrastructures du pays. C'est vrai que les factures sont adressées à la Sécurité sociale qui rembourse ; mais personne ne cotise à la caisse, alors qu’en Nouvelle-Calédonie les fonctionnaires expatriés paient à la caisse. Si tous ces fonctionnaires participaient ici, il n’y aurait plus de trou à la CPS.
La caisse des retraites est annoncée en cessation de paiement pour 2020, faute de réforme. Comment vous gérez cette urgence ?
Encore une fois, c’est par la création d’emplois. Il nous faut développer une économie durable et réelle dans ce pays. Voilà la vraie solution : faire du développement durable, pas des CAE (Contrat d'accès à l'emploi, ndlr) et au bout de quelques mois, dehors. Voilà les solutions qu’ils proposent depuis des années.
Quelle politique sociale proposez-vous pour venir en aide aux familles polynésiennes ?
La cellule familiale, c’est… Si une société vit des difficultés, c’est qu’à la base les familles sont en difficulté. Tout doit partir de la famille.
La consommation d’ice explose au fenua dans les classes populaires. Qu’envisage le Tavini pour faire face ?
La drogue... C’est comme partout dans le monde : des gens qui veulent gagner de l’argent facile. C’est dans l’éducation qu’il faut chercher la solution, dans la famille : « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front », voilà notre éducation.
On ne parle que de cette drogue. Que dire de tout ce qui est en vente libre en pharmacie. Tous ces ra’au-là c’est de la drogue. Pourquoi les Américains appellent ça « drugs ». C’est de la drogue, qui provoque des effets secondaire. C’est aussi de la drogue. Il faut élargir notre vision sur ce fléau. La drogue mélangée à l’alcool, c’est terrible. Çà cause des drames familiaux, des gens qui se retrouvent en prison, des meurtres… Empoisonner pour gagner de l’argent... et justifier tout cela parce qu’il n’y a pas de travail. C’est trop facile ! Il faut utiliser notre tête et les dix doigts de nos mains.
Un élément clé de votre programme en matière de culture est la reconnaissance et la promotion du re’o ma’ohi.
Vous savez, quand on parle de culture c’est quelque chose de très vaste. J’aimerais que cette jeunesse comprenne que nos tupuna, lorsqu’ils sont arrivés ici, voici plusieurs centaines d’années, ils avaient entrepris de faire ce voyage. C’étaient des entrepreneurs. Ils avaient construit leurs pirogues et ils sont partis avec l’esprit d’entreprise. Arrivés ici, ils ont travaillé la terre de ces îles. Ils ne sont pas arrivés ici comme fonctionnaires, ni comme salariés. Je pense que c’est ce qui manque aujourd’hui à l’éducation de nos enfants. On n’enseigne pas à l’école l’esprit d’entreprise. « Allez à l’école. Ayez votre bac. Ensuite vous serez fonctionnaires, douanier, policier, instituteur… » Et puis voilà : la vie est belle. (…) Il faut savoir d’où nous venons. Nos tupunas n’étaient pas salariés. Ils vivaient de leurs mains, allaient à la pêche et avaient une grande qualité de vie.
Vous annoncez aussi vouloir faire supporter à l’Etat son entière responsabilité dans les conséquences des essais nucléaires. Comment voulez-vous procéder ?
D’abord nous serions les seuls à pouvoir le faire à condition de nous gagnions ces élections. Il y a des points bloquants : l’officialisation de notre langue, la protection de l’emploi local, le contrôle des visas… Tous ces points bloquants sont des priorités. Je ne pense pas qu’Edouard se rendra à New York pour demander à ce que tout ça soit mis en place.
La France fait partie de l’Organisation des nations unies. C’est là qu’il faut aller discuter avec elle de tous ces points bloquants. Aujourd’hui, nous avons un député. Il continuera à exposer ces points au niveau du Parlement français. On le fera aussi au niveau du Forum du Pacifique et de la communauté internationale.
La France, si elle est de bonne foi, ne peut que considérer que l’arrivée du Centre d’expérimentation du Pacifique a bouleversé un mode de vie traditionnel qui fonctionnait très bien. Aujourd’hui, s’il y a des responsabilités, l’Etat a sa part à assumer. Et pas simplement une loi Morin, pour solde de tous comptes.