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Tensions autour du sur Ouvéa que Kassovitz va tourner en Polynésie

PAPEETE (Polynésie française) AFP — Le cinéaste Mathieu Kassovitz commence le 29 août à Anaa, atoll isolé de la Polynésie française, le tournage de "L'ordre et la morale", film sur les événements sanglants d'Ouvéa en 1988, au grand dam d'habitants et d'élus de Nouvelle-Calédonie, hostiles au projet.


Le cinéaste Mathieu Kassovitz, le 20 mai 2008 à Cannes
Le cinéaste Mathieu Kassovitz, le 20 mai 2008 à Cannes
Faute d'avoir pu être filmée sur le "Caillou", l'oeuvre sera tournée dans plusieurs îles polynésiennes.
Le réalisateur et acteur, 43 ans, va retracer une période tragique de l'histoire calédonienne: le 22 avril 1988, des indépendantistes kanaks attaquaient la gendarmerie d'Ouvéa, une des îles Loyauté, en Nouvelle-Calédonie. Quatre gendarmes avaient été tués, trente pris en otage. Le 5 mai 1988, deux jours avant le tour décisif de l'élection présidentielle, l'assaut par l'armée française de la grotte d'Ouvéa avait fait 19 morts parmi les preneurs d'otages et deux parmi les militaires.
Certains descendants des Kanaks d'Ouvéa ainsi que des politiques se sont élevés contre le tournage sur place. Le député Pierre Frogier (UMP) a ainsi invoqué des "réticences fortes de la population et notamment des habitants d'Ouvéa". Il a protesté contre l'aide apportée par le gouvernement polynésien.
"Pierre Frogier fait des amalgames et des raccourcis", a commenté auprès de l'AFP le producteur du film Christophe Rossignon. Pour lui, il est faux de dire que la population d'Ouvéa est contre le film. "Les coutumiers, la grande chefferie, la mairie d'Ouvéa nous disent le contraire".
"On va relater les faits, rien que les faits. On est neutres, ce n'est pas un film à charge contre l'armée, ce n'est pas un film pro-Kanak", a-t-il argumenté.
En Polynésie française, le président autonomiste Gaston Tong Sang, et son adversaire indépendantiste, le président de l'assemblée Oscar Temaru, ont apporté leur soutien au film.
"L'ordre et la morale" sera donc tourné en métropole et sur trois îles de Polynésie: Moorea, Tahiti, et surtout Anaa.
En temps normal, seul un avion par semaine se pose sur ce petit atoll peuplé de 460 habitants. Pendant un mois, la population va presque doubler.
"En plus des équipes qui viennent de métropole, on va embaucher 81 techniciens locaux, plus de 250 figurants, et une trentaine de Kanaks qui vont arriver de Nouvelle-Calédonie", assure la productrice exécutive en Polynésie, Marie-Eve Tefaatau.
Toute la semaine, les figurants sont venus essayer leurs tenues, souvent des uniformes des nombreux corps d'armée intervenus lors des événements.
Pour la plupart de ces figurants, c'est une première approche du cinéma. Tepa Teura laisse pousser une foisonnante barbe rousse, pour jouer un petit rôle qu'il ne connaît pas encore précisément: "c'était un rêve, j'ai toujours voulu travailler dans le cinéma, alors si je peux percer ici, dans mon pays, j'essaierai".
Jason Hnagere est métissé, à la fois Tahitien et Kanak. "Dans ma famille, c'est un peu tabou, j'ai appris tout récemment ce que c'était: les événements d'Ouvéa, la prise d'otages, la mort des Kanaks, c'est un peu grâce à ce film que je vais savoir exactement ce qui s'est passé", commente le jeune homme de 21 ans.
Le réalisateur, aussi scénariste et acteur, interprètera l'un des principaux personnages, aux côtés de Sylvie Testud et Malik Zidi.
Le budget global de la production est estimé à 14 millions d'euros, dont plus de la moitié dépensés en Polynésie française.
La sortie du film est prévue pour le prochain festival de Cannes.

Rédigé par De Mike LEYRAL et Anne PITOISET le Dimanche 22 Août 2010 à 12:48 | Lu 640 fois