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Te Tia Ara veut des Soldes bancaires insaisissables même face aux créances publiques


La loi sur les SBI est passée en décembre 2022 en Polynésie. Crédit photo : Bertrand Prevost.
La loi sur les SBI est passée en décembre 2022 en Polynésie. Crédit photo : Bertrand Prevost.
Tahiti, le 6 avril 2023 – La loi sur les Soldes bancaires insaisissables (SBI) passée en décembre 2022, garantit aux personnes endettées de pouvoir conserver une somme insaisissable de 85 000 francs sur leur compte en banque. Mais, cette loi ne s’applique qu’aux créances privées. Dans un courrier, l'association de défense des consommateurs polynésiens, Te Tia Ara, interpelle le président du Pays en demandant d’élargir la protection aux créances publiques.
 
L'application de la loi du “Solde bancaire insaisissable (SBI)” est dans le viseur de l'association de défense des consommateurs Te Tia Ara. L’association a en effet publié mercredi sur sa page Facebook, une lettre ouverte à l'intention du président du Pays : elle demande son soutien pour enfin “mettre en place cette protection” pour les Polynésiens “faisant l'objet d'une saisie administrative (avis à tiers détenteur - ATD)”. L'association a également fait parvenir cette demande par courrier, en date du 31 août dernier.
 
Pour rappel, cette loi sur les SBI, appliquée dans l’Hexagone depuis 20 ans a été élargie à la Polynésie française le 13 décembre 2022. C'est une mesure sociale qui permet de garantir aux personnes saisies, de conserver une somme minimum sur leur compte en banque pour vivre. Ce montant a été établi à 85 000 francs au fenua, ce qui correspond au seuil du Régime de solidarité reconnu par la CPS. Mais dans le cas d’un avis à tiers détenteur le Trésor public a toujours la possibilité de prélever directement sur le compte d'une personne la somme de la créance impayée, quand bien même celle-ci disposerait de moins de 85 000 francs en banque. “Te Tia Ara s'est battue depuis 2021 pour que cette loi soit enfin mise en place”, plaide le président de l'association, Makalio Folituu, interrogé par Tahiti Infos.“C'est d'autant plus choquant, que le SBI est en vigueur depuis 2002 en France. En 2009, c'est allé encore plus loin, car cette mesure est devenue automatique. Il n'est plus nécessaire d'en faire la demande par écrit. La loi française a imposé aux banques de conserver sur les comptes saisis un minimum équivalent au revenu de solidarité active, le RSA (soit 68 700 francs).” À noter que l'application du SBI est une compétence qui relève exclusivement du Pays.
 
Dette privée, dette publique
 
Et si, presque 9 mois après le vote de cette mesure, Te Tia Ara monte au créneau, c'est parce que selon l’association, la loi ne serait pas appliquée entièrement. “Cette loi ne fonctionne que pour les dettes contractées auprès d'organismes privés. Elle n’est pas opérante pour les dettes publiques”, martèle Makalio Folituu. En effet, le texte de loi concernant les créances publiques (ATD) n'a toujours pas vu le jour alors qu'il était pourtant “annoncé comme imminent par le rapporteur de la Loi du Pays” en février 2023. Ces ATD peuvent concerner “les impôts et les taxes, les pénalités et frais, les amendes ou les condamnations pécuniaires, les frais d'hospitalisation, etc” Chaque année, plus de mille avis à tiers détenteur sont émis au fenua.
 
Selon Makalio Folituu, de nombreuses personnes ont fait appel à Te Tia Ara pour remédier à cela. “Nous avons été saisis, en tant qu'association de consommateurs, par des gens qui ont fait l'objet d'un ATD. Quand on examine leur dossier, on se rend bien compte que leur créance a été débitée entièrement à chaque fois. Et ce, malgré le fait que la personne n'avait plus sur son compte, les 85 000 francs minimums”, déplore-t-il. “Parmi ces gens, il y a eu notamment une dame qui m'a contactée et qui a été mise en grande difficulté à cause de ça.” Selon Te Tia Ara, ce que reprochent les consommateurs polynésiens à l'ATD, “c'est la brutalité de la procédure qui vient d'autorité leur retirer l'argent sans considération pour leur situation. Certes il est légitime de régler une dette due auprès d'un créancier. Mais pour l'association, il est indispensable de favoriser la prévention et les procédures de règlement à l'amiable pour éviter de mettre les familles en situation de surendettement. Le paiement d'une amende est-il plus important que de pouvoir se nourrir ?”
 
Une mesure souhaitée par le Cesec
 
La mise en place rapide de l'application de cette loi n'est pas seulement demandée par Te Tia Ara. En effet le Conseil économique, social, environnemental et culturel (Cesec) réclame également activement au Pays l’élargissement du SBI dans ses rapports de 2017 et 2020. Tout comme la commission de surendettement des particuliers, qui a regretté dans de nombreux rapports entre 2016 et 2019, “qu'aucune disposition n'existe en Polynésie pour garantir aux personnes saisies une somme minimale d'ordre alimentaire pour vivre”. Aujourd'hui grâce à ces multiples demandes et au travail de l'association, la moitié du travail a d'ores et déjà été réalisée. Reste désormais à finaliser l’action : “Nous demandons au gouvernement de compléter ce dispositif d'urgence”, insiste Malakio Folituu. Une demande de nouveau validée par le dernier rapport du Cesec qui estime que le “décalage dans le temps ne convient pas. Il souhaite une égalité de traitement par l’application du SBI sur tous les types de saisies bancaires surtout dans un contexte qui voit croître le poids déjà important de ces prélèvements. Aussi le Cesec recommande l’application du SBI pour toute saisie d’un compte bancaire, qu’il s’agisse de saisie-attribution, saisie conservatoire des créances ou avis à tiers détenteur.” Un nouveau dossier sur le bureau de Moetai Brotherson, au retour de son déplacement à Paris mi-septembre.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mercredi 6 Septembre 2023 à 18:42 | Lu 2357 fois