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Tchad: retour au calme après la mystérieuse "attaque" sanglante à la présidence


Issouf SANOGO / AFP
Issouf SANOGO / AFP
N'Djamena, Tchad | AFP | jeudi 09/01/2025 - Le calme est revenu jeudi dès le début de la matinée dans la capitale tchadienne N'Djamena au lendemain d'une "attaque" aux motifs encore flous au palais présidentiel où 18 assaillants et deux militaires ont été tués, selon un nouveau bilan des autorités et un récit officiel mis en doute par certains opposants.

Les dispositifs de sécurité renforcés et les interdictions de circulation mis en place mercredi soir ont été levés jeudi matin aux abords de la présidence où la circulation était normale, ont constaté des journalistes de l'AFP.

"Les assaillants ont tué deux militaires et grièvement blessés cinq autres éléments et ont tenté de s'introduire dans l'enceinte de l'Institution", a détaillé Oumar Kedelaye, le procureur de la République de N'Djamena, ajoutant un mort et deux blessés au premier bilan donné hier par le gouvernement, qui dénombrait également 18 tués et six blessés chez les 24 assaillants.

Ce "groupe d'individus mal intentionnés (...) a simulé une panne de leur véhicule et en a profité pour attaquer les gardes en faction devant le portail de la présidence de la République", poursuit-il dans un communiqué transmis à l'AFP.

"Ces actes constituent au regard de la loi pénale, des crimes d'assassinat, des coups et blessures volontaires, de tentative d'atteinte à l'ordre constitutionnel, d'atteinte aux institutions de l'Etat, à la sûreté de l'Etat, de complot contre l'Etat et de participation à un mouvement insurrectionnel", a détaillé le magistrat, en précisant que des enquêtes sont en cours.

La tension est brusquement montée mercredi soir peu avant 20H00 locales (19H00 GMT) lorsque des tirs nourris ont éclaté, puis duré près d'une heure, en plein centre de la capitale de ce pays pauvre d'Afrique centrale dirigé par une junte militaire et à l'histoire jalonnée de coups d'Etat ou tentatives.

Selon le porte-parole du gouvernement, Abderaman Koulamallah, les 24 assaillants, qu'il a décrits comme "un ramassis de pieds nickelés" drogués et alcoolisés venus d'un quartier pauvre du sud de la ville, s'en sont pris aux gardes du palais présidentiel avec "des armes, des coupe-coupe (machettes, NDLR) et des couteaux", avant d'être rapidement neutralisés.

- "Un montage" -

Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux et présentées comme filmées par les militaires à l'entrée de la présidence montraient des forces de sécurité tchadiennes circulant entre de nombreux cadavres ensanglantés étendus sur un sol jonché de taches ou mares de sang. D'autres sont vivants et assis au sol, ligotés. Tous sont apparemment de jeunes hommes en habits civils, parfois en guenilles.

"La situation est totalement maîtrisée" après cette "tentative de déstabilisation", a ensuite ajouté M. Koulamallah, en jugeant que l'attaque n'était "probablement pas terroriste".

Le chef de l'Etat, Mahamat Idriss Déby Itno, qui se trouvait au palais mercredi au moment des tirs selon le gouvernement, ne s'est pas exprimé publiquement à ce sujet.

"Notre pays est bien gardé quand même, félicitations aux forces de défense et de sécurité !" avait conclu en fin de soirée le porte-parole du gouvernement.

Mais certaines voix dans l'opposition émettaient jeudi des doutes sur le récit officiel.

Max Kemkoye, porte-parole du GCAP, un groupe de partis d'opposition, évoquait "un synopsis malheureux" et "un montage" orchestré par le pouvoir.

"Une armée aguerrie qui panique devant des travailleurs qui rentraient chez eux ?" s'est ainsi interrogé sur Facebook Abdelaziz Koulamallah, frère du porte-parole du gouvernement mais membre de l'opposition, tendance modérée.

Quelques heures avant les tirs, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, était en visite à N'Djamena et au palais présidentiel où il a rencontré M. Déby. Il avait déjà quitté le pays au moment des tirs, selon le gouvernement tchadien, pour poursuivre sa tournée africaine au Nigeria.

Le Tchad a achevé en mai dernier trois années de transition avec l'élection de Mahamat Idriss Déby, porté au pouvoir par une junte militaire après la mort de son père Idriss Déby, tué par des rebelles au front en 2021.

Le gouvernement a annoncé par surprise fin novembre qu'il mettait fin à l'accord militaire entre Paris et N'Djamena. Comme d'autres anciennes colonies françaises qui ont demandé ces dernières années à Paris de retirer ses soldats de leur territoire (Mali, Burkina Faso, Niger), le Tchad s'est notamment rapproché de la Russie.

Celle-ci a, par la voix de son ministère des Affaires étrangères, "fermement condamné" jeudi dans un communiqué "l'incursion terroriste dirigée contre les dirigeants légitimes de la République du Tchad".

Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, proche de Moscou, a regretté sur X un "incident déplorable" et apporté son soutien au Tchad, "essentiel à la stabilité de toute la région du Sahel", dans ses "efforts pour assurer sa souveraineté et sa sécurité".

le Jeudi 9 Janvier 2025 à 05:31 | Lu 174 fois