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Tautira : la route côté mer refait surface


Le projet concerne le premier kilomètre du Fenua ‘Aihere, entre la marina et le lotissement Papatea (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Le projet concerne le premier kilomètre du Fenua ‘Aihere, entre la marina et le lotissement Papatea (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 11 juin 2024 – Le projet d’une route côté mer à Tautira a de nouveau été évoqué et le sujet divise toujours autant, à en juger par la réunion houleuse qui s’est tenue au village, ce mardi matin, sur la base d’une proposition formulée par courrier par le ministre Jordy Chan. Le premier kilomètre du Fenua ‘Aihere est concerné, de la marina au lotissement Papatea. Certains habitants soutiennent le projet d’amélioration du chemin littoral, tandis que d’autres s’y opposent, préférant le tracé côté montagne présenté en 2020.
 
Les échanges ont été intenses, mardi matin, à la mairie de Tautira. Une cinquantaine de résidents et propriétaires terriens du début du Fenua ‘Aihere avaient répondu à l’invitation du maire délégué, Ueva Hamblin, destinataire d’un courrier du ministre des Grands travaux, en date du 21 mars 2024, dont il souhaitait partager le contenu, s’agissant d’un sujet sensible.  
 
Jordy Chan y indique que le projet de la route du Fenua ‘Aihere est désormais envisagé le long du littoral, “la solution d’une route à flanc de montagne”, chiffrée à 800 millions de francs en 2020, n’ayant finalement pas été retenue “pour des contraintes environnementales”. Deux voies de circulation de 3,5 mètres chacune et une zone de 4 mètres pour les piétons et vélos sont évoquées, plans à l’appui. “Il s’agit de propositions, rien n’est arrêté et nous pouvons en discuter”, est-il mentionné, “avant d’engager des études”. S’il est validé, ce projet d’aménagement s’accompagnerait d’une déclaration d’utilité publique et d’une expropriation des portions de terrain concernées.
 

La route littorale a fait débat entre partisans et opposants.
La route littorale a fait débat entre partisans et opposants.

Des avis partagés


Le ton est rapidement monté. Les opposants au projet littoral estiment ne pas avoir été entendus lors de la visite du ministre, en août 2023. Parmi les arguments avancés, ils déplorent l’absence d’anticipation concernant la voirie d’accès au lotissement Papatea lors de sa construction par l’Office polynésien de l’habitat (OPH), en 1986. La servitude empruntée étant privée et submersible, un accord de cession entre les propriétaires terriens aurait été trouvé dès 2001 en faveur d’un tracé côté montagne, sans concrétisation jusqu’à aujourd’hui, malgré diverses études menées au fil du temps. Du côté des partisans de l’aménagement de la route côté mer, on retrouve des résidents du lotissement, au bord des larmes pour certains d’entre eux, fatigués d’emprunter une piste usée par le temps et la pluie.
 
Selon Ueva Hamblin, environ 400 résidents dépendent de ce chemin, qui permet aussi d’accéder au CJA, mais selon la localisation, tous ne sont pas du même avis. Entre craintes et attentes, l’arbitrage n’a pas été simple pour le tāvana. “C’est toujours la même chose. Tout le monde veut une route, mais où ? Ceux qui sont pour la route côté montagne disent qu’un chantier côté mer risque d’endommager le littoral. Mais côté montagne aussi, il est question d’environnement, et de sécurité pour les enfants du lotissement. Mon avis personnel, ce serait d’aller sur le projet le moins coûteux et le moins large : une route goudronnée de 5 mètres, avec des dos d’âne et des possibilités de dégagement pour les voitures. Mais pour calmer les esprits, dans l’immédiat, la meilleure solution, ce serait de ne pas faire de gros travaux, de combler les trous et de tout bien damer”, confie Ueva Hamblin.
 
À l’issue de la rencontre, aucun accord n’a été trouvé. Un rapport, dans lequel figureront les doléances des uns et des autres, sera transmis au ministre.
 

Heilani Marere, résidente du lotissement Papatea : “J’ai supplié les propriétaires d’accepter”

“Je suis venue pour dire qu’il faut penser à nos enfants. Je me bats pour avoir une bonne route pour les générations futures. Mon papa aussi a pris la parole. D’habitude, on ne parle pas en public, mais on a fait l’effort, car le sujet est trop important pour nous. Nous sommes pêcheurs et, quand on se déplace vers la marina, les remorques de nos bateaux s’abîment à cause de l’état du chemin. Pareil pour nos voitures, le transport des malades et le passage des véhicules de secours. Humblement, j’ai supplié les propriétaires d’accepter la réalisation d’une route. Il ne faudra pas oublier les dos d’âne pour la sécurité de nos enfants, qui ont pris l’habitude de se promener librement dans le secteur.”

Justin Deane et Jean-Pierre Chevalier, propriétaires terriens : “Goudronner le bord de mer, ce serait dommageable”

Justin :Je suis venu pour que le gouvernement entende ce qu’on a à dire. Et ce qu’on a déjà dit depuis presque 40 ans ! On est allé jusqu’au tribunal et on a débouté le Pays en 2002, car c’est une servitude privée. Malheureusement, lorsque l’OPH a construit ce lotissement, il n’y a pas eu d’enquête publique. Ça a été fait sans demander l’avis des propriétaires. Les terrains côté mer sont tellement petits, ce serait du gaspillage ! C’est mieux de faire la route côté montagne, avec les conduites d’eau.”
 
Jean-Pierre : “En résumé, à l’époque de Gaston Flosse, ils ont fait ce lotissement, sans s’occuper de la route, ni de l’assainissement. Aujourd’hui, beaucoup de monde passe par ce petit chemin tout cabossé. Depuis 35 ans, une route doit être faite derrière, côté montagne, pour desservir les lotissements. Les différents propriétaires ont donné leur accord. Depuis que le Tavini est au pouvoir, ils veulent faire la route côté mer… Si on s’y oppose, ce n’est pas pour privatiser le bord de mer, c’est pour que ça reste paisible pour les piétons, les enfants, les randonneurs, les pêcheurs, les baigneurs, etc. Goudronner le bord de mer, ce serait dommageable, y compris pour l’environnement.”

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Mardi 11 Juin 2024 à 18:09 | Lu 2305 fois