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Takaroa : ​Le maire enfouit la décharge


Tahiti le 28 novembre 2022 – Le tāvana de Takaroa Panaho Temaehaga a enfoui “plusieurs tonnes de déchets” sur une terre privée indivise dont il est coindivisaire. Sa famille a déposé plainte contre lui et contre la commune la semaine dernière pour “dépôt et enfouissement sauvage de déchets”.  

Gestion des déchets dans les îles : énième épisode. Tigerehoa 3 est une parcelle en indivision d’une superficie de plus de huit hectares sur l’atoll de Takaroa. Certains coindivisaires de cette terre ont eu la mauvaise surprise d’apprendre qu’un des leurs, qui n’est autre que le tāvana Panaho Temaehaga, y a enfoui, sans autorisation ni concertation, “plusieurs tonnes de déchets”. La famille a donc déposé une plainte à l’encontre du maire le 25 novembre dernier pour “dépôt et enfouissement sauvage de déchets”. La famille Hutihuti-Wilson épouse Taie précise dans sa plainte que ces déchets comptent entre autres des épaves de voitures, bidons, ferrailles, pneumatiques, matières putrescibles, ordures ménagères, emballages…
 
Une plaignante : “C'est horrible”
 
Lorsque la famille a appris la nouvelle, elle a pris contact avec le tāvana pour lui demander d’arrêter ces travaux et surtout de remettre en état le terrain, essuyant un refus catégorique pour toute réponse. La menace d'un dépôt de plainte n'y a rien changé. La famille explique que ces déchets viennent de l’ancien dépotoir situé au village, et que le tāvana a tout simplement décidé de le déplacer. Pour enfouir ces déchets, “une tranchée” de 50 mètres de long et de quatre à cinq mètres de profondeur a été creusée. “C'est un chenal”, détaille la famille Hutihuti-Wilson. “Les camions viennent dans ce chenal pour vider les déchets, puis une drague passe pour les aplatir. Ensuite ils bouchent les trous. C'est horrible”. Une fois l'opération effectuée, “c’est comme si rien ne s'était passé. C’est aussi pour que personne ne sache que les déchets ont été cachés et enfouis sur notre terre”. La famille affirme avoir tenté de faire entendre raison au tāvana, en vain : “Comme il est maire, il pense qu'il est au-dessus des lois et qu’il peut faire ce qu'il veut (…). Le pouvoir lui monte à la tête”, dit-elle désemparée et en colère. Elle précise avoir pris attache auprès de la Direction de l’environnement et qu’elle est toujours en attente d’une réaction de leur part pour faire cesser ces travaux. Un courrier a même été envoyé au président du Pays ainsi qu’au ministre de l’Environnement qui l’a d’ailleurs, selon ses dires, encouragée a déposé une plainte.  
 
La première adjointe “choquée”
 
Contactée, la première adjointe au maire affirme avoir été mise au courant de cette affaire seulement la semaine dernière. Et elle se désolidarise du tāvana. “En pleine réunion, j'ai appris qu'il y avait une plainte qui avait été déposée contre la commune pour avoir mis les déchets sur un terrain privé”. S'étant rendue sur place, elle s’est dit “choquée”.Ce sont plusieurs tonnes qui ont été déplacées”. Selon elle il eut été plus opportun de “faire le tri et rapatrier ce que l’on pouvait à Tahiti. Et tout ce qui ne pouvait pas l’être, il fallait le laisser sur place et attendre le nouveau CET. Le maire a fait cela derrière notre dos sans consulter le conseil municipal”. Elle ajoute que cela fait plus d’un an que la commune travaille en concertation avec Fenua Ma et la TSP pour la mise en place d’un CET à Takaroa et regrette d'autant plus que le tāvana ait agi de la sorte.
 
Le maire amer
 
Contacté, le tāvana de Takaroa Panaho Temaehaga ne nie pas le fait que tous les déchets ont été déplacés sur cette terre sur laquelle il habite depuis quarante ans. “Je ne sais pas si c’est indivis” nuance-t-il. Il n'apprécie pas d'être ainsi mis en cause : “Ils m’ont dit que je n’étais pas chez moi”. “J'ai planté. Il n'y avait rien sur le terrain. En fait, c'est un problème foncier entre nous. Et moi, je ne m'occupe que de chez moi (…) c’est un problème politique et non environnemental. Et aussi une question de jalousie”. “Ces gens-là cherchent toujours des embrouilles”.

Concernant sa démarche, il explique qu’il voulait juste nettoyer l’ancien dépotoir : “J'ai pris sur moi pour que notre île soit propre, ce dossier a trop tardé (…) Ici, tout le monde est content de ce que j'ai fait (…). Ceux qui sont venus te voir, c'est qu'ils ne voient pas l'intérêt de l'île. Finalement quand tu fais quelque chose de bien, il y en a toujours qui râlent”. Il explique que s’il avait enfoui les déchets sur une terre domaniale, il aurait fallu faire des études, que cela aurait pris plus de temps pour “ne va jamais se faire”. Considérant qu’il est chez lui, il n’avait donc pas besoin ni d’études ni d’autorisation. “Il n'y a pas de problème puisque j'ai mis dans un trou. Et à partir de là on va trier”.

Panaho Temaehaga précise également que les travaux ont été faits sur du corail stratifié et qu’il n’y a pas d’eau, et donc pas de danger pour une nappe phréatique. “Nos cocotiers ne donnent plus de fruits. Ça veut dire qu’il n'y a plus d'eau en dessous, c'est sec. La mer n'ira jamais là où il y a les déchets. Et de toute façon les Tuamotu n'existeront plus dans 10-20 ans”.
Le maire explique également ne pas avoir prévenu le Pays ni son conseil municipal parce qu'il s'agissait de sa propriété. Il considère qu’il n’a pas abusé de son statut de maire pour faire ces travaux : “c'est moi, en tant qu'habitant de cette île, qui ai décidé de faire ça”. Quant à la plainte qui a été déposée, il répond juste : “Je vais assumer (…). Je vais juste leur dire que je me suis proposé car, au final, ce sont les déchets de tout le monde”.


Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mardi 29 Novembre 2022 à 19:13 | Lu 2962 fois