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"Tahiti Nui Jingmin Ocean Farm": Edouard Fritch s'inquiète de la crédibilité des actionnaires chinois


Edouard Fritch à l'Assemblée de Polynésie française (archive, 12 septembre 2011)
Edouard Fritch à l'Assemblée de Polynésie française (archive, 12 septembre 2011)
PAPEETE, le 7 FEV 2013: Lors de son allocution à l'Assemblée sur le débat qui concerne la participation de la SOFIDEP dans la société « Tahiti Nui Jingmin Ocean Farm », le député Tahoeraa Edouard Fritch s'est clairement interrogé sur la crédibilité des actionnaires chinois. Tout en reprochant l'opacité du dossier, il considère les chinois partenaires de la joint-venture comme une composition "fantôme": "Tout ce que nous savons de ces actionnaires c’est leur identité et la répartition du capital de la société qu’ils ont créé pour l’occasion à Hong-Kong : M. CHEN CHUANJIN, citoyen chinois demeurant à Beijing, propriétaire de 1000 actions ; M. CHENG Kin Ming, citoyen chinois demeurant à Hong Kong propriétaire de 6000 actions ; M. GENG ZHIYUAN citoyen chinois demeurant à Beijing propriétaire de 3000 actions."
Le député réclame plus de lumière sur le dossier et la remise en main du document ( lettre d'intention) officiel que le Tahoeraa aurait à plusieurs reprises réclamé et que le Président Oscar Temaru n'aurait à ce jour toujours pas fourni.


Allocution de Edouard FRITCH

Projet de délibération portant modification de la délibération portant création de la SOFIDEP
Projet de délibération relative à la prise de participation de la SOFIDEP dans la société « Tahiti Nui Jingmin Ocean Farm »



Monsieur le président de l’Assemblée
Monsieur le Président de la Polynésie française
Monsieur le vice-président
Madame et Messieurs les ministres,
Chers collègues,

Ce dossier, comme le suivant, relatif à la modification des statuts de la SOFIDEP pour permettre sa prise de participation au capital de l’éventuelle société « Tahiti Nui Jingmin Ocean Farm » relève de la seule opportunité politicienne, tout en étant doublé de la plus grande opacité.

La SOFIDEP a été crée pour venir au soutien des petites et moyennes entreprises. Aujourd’hui, et parce qu’on cherche un actionnaire pour entrer au capital d’une société fantôme, on nous propose de modifier les statuts de notre établissement financier.

Je parle de grande opacité car, à ce stade, nous n’avons aucune information sérieuse sur la crédibilité des actionnaires chinois, sur le mémorandum signé entre eux et le président du pays, et encore moins sur les futures activités de cette société et leur localisation.

Tout ce que nous savons de ces actionnaires c’est leur identité et la répartition du capital de la société qu’ils ont créé pour l’occasion à Hong-Kong : M. CHEN CHUANJIN, citoyen chinois demeurant à Beijing, propriétaire de 1000 actions ; M. CHENG Kin Ming, citoyen chinois demeurant à Hong Kong propriétaire de 6000 actions ; M. GENG ZHIYUAN citoyen chinois demeurant à Beijing propriétaire de 3000 actions.

Monsieur le président de la Polynésie française, le 29 novembre dernier, vous avez signé avec les représentants de “Jingmin Fisheries Investments Management Limited”, une lettre d’intention formalisant le cadre juridique et les conditions de création d’une joint-venture. C’est en tout cas ce qui figurait dans votre communiqué de presse.

Notre assemblée n’a pas connaissance des termes de ce joint-venture, même si vous en avez évoqué les contours devant nous. Mais nous préférons avoir le document en mains plutôt que de nous fier à vos belles paroles si souvent non suivies des faits.

Le groupe Tahoeraa vous a saisi à deux reprises par courrier les 10 décembre et 9 janvier derniers afin d’avoir communication de ce document. Vous n’avez pas donné de suite à notre demande, ce qui nous laisse à penser que vous avez des choses à cacher à la représentation populaire. A moins bien sûr que vous n’ayez eu le temps de traiter tout votre courrier en raison de vos occupations personnelles à New-York. Occupations personnelles, mais aux frais du pays.

Les rapports qui nous sont présentés, 5 pages pour plusieurs milliards d’investissement, ne lèvent pas l’opacité qui pèse sur ces dossiers qui ne sont finalement qu’un condensé de la note de présentation adressée le 15 janvier à la SOFIDEP par votre ministre des ressources marines et reproduite dans la presse.

Tout ce que nous savons, au final, c’est comment va s’organiser le capital.

Par contre, et alors qu’on nous demande de donner notre aval à une prise de participation financière de la SOFIDEP, dans un premier temps à hauteur de 1 million, puis ensuite de 40 millions à la faveur d’une future augmentation de capital, nous n’avons toujours aucun business plan pour nous assurer de la viabilité de la future société.

Sans business plan, sans assurance sur le futur, la seule certitude que nous ayons c’est que le Pays a déjà décidé de s’engager financièrement à hauteur de 25,5 millions dans un premier temps avant d’apporter pour 1,250 milliards de terrains dans la corbeille de mariée à l’occasion de la prochaine augmentation de capital.

Où avez-vous vu qu’un établissement financier digne de ce nom puisse participer au capital d’une société sans avoir de données chiffrées ? Tout ce qui ressort du dossier, au moment où nous parlons, c’est que les services techniques du ministère sont en train de mener une étude technique et économique. C’est le monde à l’envers.

D’abord on nous demande de payer, et on verra après si l’investissement est sérieux et rentable.

Je vous rappelle ici de manière très solennelle, comme l’a d’ailleurs fait la CGPME avant nous, il s’agit de fonds publics et que vous engagez votre responsabilité pénale. Je doute d’ailleurs que les autres actionnaires de la SOFIDEP qui sont des gens sérieux comme l’EDT ou les trois banques de la place donnent leur aval à votre périlleux montage. Vous passerez outre, évidemment, puisque vous êtes l’actionnaire principal.


De la même manière, et toujours pour souligner votre amateurisme dans une précipitation coupable qui n’est dictée que par des intérêts politico-électoralistes, vous nous expliquez qu’un pacte d’actionnaire et de commercialisation sera conclu avec Jingmin, mais que nous n’avons pas d’idée du contenu de ce pacte, mais que nous avons confié le dossier à un cabinet d’affaires international.

Là encore, la logique aurait voulu que cette consultation soit achevée avant qu’on ne se lance dans cette aventure.

Par ailleurs, nous avons bien compris que le pays allait s’engager à hauteur de 24,5 millions dans la constitution du capital initial. Capital qui devra être porté à hauteur de 2 milliards au plus tard le 31 mars, la participation du pays se faisant par apport en nature, c’est-à-dire la fourniture de terrains.

C’est toujours le flou total. Le rapport nous explique que la commission des évaluations immobilières a été saisie le 3 janvier. Mais nous n’avons aucune indication sur les terrains concernés, et encore moins sur leur évaluation.

Je vous rappelle, à ce stade des engagements financiers que vous nous demander d’avaliser, que le droit à l’information des élus n’est pas une formalité dont vous pouvez vous exonérer.

Donc, nous voulons connaître les résultats des travaux de la CEI et la localisation des terrains. Car, là encore, votre projet fumeux, personne ne sait où il va être implanté. On a parlé de Hao, de Huahine, de Fakarava…
Vous avez visité ces trois sites avec vos amis chinois, mais aucune réponse n’a été donnée. Et d’après nos informations, ce ne sont pas ces sites qui intéressent vos futurs associés, mais un site sur la presqu’île.

Nous n’en savons pas plus sur le type d’espèces qui devraient être élevées dans vos fermes modèles.

Pour faire court, tout ce que vous nous livrez, c’es du vent. De belles paroles. Mais vous n’avez en aucune manière mesuré les conséquences de votre inconséquence.

Bien évidemment, et encore une fois, l’avenir ne vous concerne pas. Vous savez d’ores et déjà que les Polynésiens vont prochainement vous congédier car, et en voici encore un exemple, vous ne savez pas gérer le pays.

Votre démarche, et l’urgence que vous mettez à vouloir faire aboutir ce dossier bancal, elle n’est qu’une démarche démagogique et électoraliste. Vous voulez faire miroiter aux Polynésiens, et notamment aux Paumotu que vous êtes allé démarcher, que ce projet va les sauver et créer des dizaines de milliers d’emploi. Au besoin, vous êtes prêts à brader le pays.

Et bien sûr, mais ça vous l’avez avoué à demi mot à votre retour de New-York, si vous êtes tant pressé de conclure avec cette société chinoise, c’est parce que vous souhaitez en retour obtenir les bonnes grâces de la République populaire de Chine pour vous appuyer dans votre démarche personnelle de réinscription de la Polynésie sur la liste des pays à décoloniser.

Quelle ironie ! Pour entrer dans l’histoire par la petite porte, vous êtes prêt à tout, sans même vous assurer au préalable que votre choix est un bon choix pour les Polynésiens.

Qu’on ne se méprenne pas, le Tahoeraa n’est pas contre les investissements étrangers, alors que, vous, au contraire, vous avez fait campagne en 2008 contre les investissements chinois. C’est vous-même qui déclariez dans cette assemblée le 22 juin 2007 la phrase suivante : « Les nouvelles de ces dernières semaines disent que la Chine investirait du côté de Taravao Faratea, mais je ne sais pas si la population de Tai’arapu sait que leurs terres si belles aujourd’hui, si votre projet en collaboration avec la Chine est approuvé, deviendrait des chiottes ».

Voilà ce que vous pensiez des investisseurs chinois.

Oui, au Tahoeraa nous sommes persuadés que nous avons besoinsdes investisseurs privés étrangers pour relancer notre économie. Mais pas à n’importe quel prix, pas n’importe comment, pas sans garanties sur le sérieux et la viabilité des projets.

Nous voterons bien sûr contre vos textes car il n’apporte justement aucune garantie minimale à la préservation des intérêts de la Polynésie française, des intérêts des Polynésiens qui ne sont d’ailleurs pas dupes de vos gesticulations.

Je vous remercie de votre attention.


Rédigé par () le Jeudi 7 Février 2013 à 11:37 | Lu 1366 fois