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TVA sociale : "Les petits vont ramasser"


Tahiti, le 14 mars 2022 – Une grève d’un jour pour repousser les échéances. Entre 4 et 5 000 personnes sont attendus jeudi pour manifester contre la nouvelle taxation adoptée pour sauver le système de protection sociale généralisé. Pour l’intersyndicale, la mise en place de la TVA sociale le 1er avril et la réévaluation de la CST déjà en vigueur pèsent trop lourdement sur les petits revenus.
 
"Pas évident de lancer un mouvement de grève au mois de mars, alors que la dernière grève générale a été un flop", observait sibyllin lundi Jean-Marie "Pico" Yan Tu, le secrétaire générale de la confédération ouvrière A ti’a i mua. Si fin novembre dernier sa confédération n’a pas pris part à l’intersyndicale conduite par la CSTP-FO, pas plus que les syndicats de la plateforme Unsa, ils sont aujourd’hui unis avec le syndicat ouvrier O oe to oe Rima pour appeler à une grève d’un jour, le 17 mars, simultanément avec un mouvement national. Représailles ou non, les deux premiers syndicats du Pays, CSTP-FO et CSIP, n’y sont pas associés. "Ils n’ont pas répondu à ma demande et j’en suis la première désolée", a déploré Diana Yieng Kow, la secrétaire générale du syndicat Unsa Fenua. "On organise ce mouvement pour défendre une cause commune, pour dénoncer la TVA sociale et l’augmentation de la CST prises sans concertation."
 
Un mouvement éphémère pour défendre trois points principaux en réalité : le report de l’application de la TVA sociale après l’ouverture de discussions tripartites, une répartition "plus juste" de la Contribution de solidarité territoriale (CST) et le maintien de l’Indemnité temporaire de retraite (ITR) à 12 000 euros par ans pour les agents retraités de la fonction publique d’État résident au fenua. Si ce dernier point ne pourra trouver sa solution qu’à Paris, les deux premiers portent sur des dispositions adoptées le 27 décembre dernier avec la loi pour la simplification et la performance du système fiscal local.
 
TVA antisociale
 
Principale demande pour l’intersyndicale, l’application de la Contribution pour la solidarité, communément appelée "TVA sociale", doit être remise à plus tard "compte tenu de la situation économique catastrophique de la Polynésie française" et son assiette réévaluée suite à des discussions tripartites. Une requête qui rejoint celle des professionnels du tourisme, comme nous l’exposions récemment. Pas sûr qu’à deux semaines de son entrée en vigueur et compte tenu des déficits criants du système de santé et de solidarité polynésien, cette demande soit entendue par le gouvernement. Rappelons que cette taxe de 1,5% sera applicable dès le 1er avril à tous les échelons du circuit commercial, sur les ventes de biens, sauf produits de première nécessité (PPN). Une taxe non déductible, a contrario de la TVA, avec un rendement estimé en année pleine de 12 milliards de Fcfp. Mais pour l’intersyndicale, elle devrait dans l’immédiat s’accompagner d’une hausse des prix à la consommation de l’ordre de 6 à 7,5% pour les produits importés. Une chute du pouvoir d’achat dans un contexte déjà largement inflationniste, particulièrement chez ceux qui consacrent l’essentiel de leurs ressources aux dépenses alimentaires. "On veut que ce soit recta", explique Jean-Marie "Pico" Yan Tu, pour qui ce nouvel impôt se fera surtout sentir chez les petits revenus. "Tu gagnes gros, tu payes gros. Tu gagnes petit, tu payes petit". Or, pour le secrétaire général d’A ti’a i mua, la Contribution de solidarité territoriale aura l’effet exactement inverse. "Oui, tout le monde va payer, mais c’est surtout les petits qui vont ramasser : les bas salaires, les petits retraités, etc. Cette taxe n’est pas juste." Dans son préavis, l’intersyndicale dénonce une taxe antisociale.
 
CST équitable
 
L’autre demande portée par l’intersyndicale, toujours pour une question d’équité, concerne la CST. Alors que le taux de la Contribution de solidarité territoriale (CST) est réévalué à la hausse depuis janvier dernier, l’intersyndicale demande aujourd’hui une remise à plat de cet impôt afin que "tout le monde paye à la hauteur de ses revenus et que l’effort soit identique pour tous". Selon l’analyse présentée par Dimitri Pitoieff, la CST peut varier de 1 à 10 à revenus égaux, selon que l’on exerce en profession libérale, en tant que patenté ou que l’on est salariés. Un phénomène de distorsion surtout défavorable aux salariés et retraités, pour qui la CST est prélevée à la source.
 
"Si en 1995 [à la création de cette taxe, ndlr] il y avait un flou complet sur les revenus, maintenant on cerne mieux ce que gagnent les gens", souligne Yves Laugrost. "Et on demande à ce que tout le monde paye la même chose. Nous ne sommes pas contre la CST, mais à niveau de revenu égal, on doit tous payer la même chose."
 
Un dernier point de revendication exposé par le préavis de grève concernait particulièrement les agents de la fonction publique d’État. La valeur de leur point d’indice est gelée depuis 2010. En solidarité avec leurs homologues métropolitains, ils demandaient sa révision urgente. La ministre en charge de la Fonction publique, Amélie de Montchalin, a indiqué lundi à Paris qu’il serait réévalué de l’ordre de +3% "avant l’été".
 
Reste que le mouvement de grève annoncé pourrait mobiliser jeudi entre 4 et 5 000 personnes à Papeete, selon les organisateurs. Une marche aura lieu entre la place Vaiete et la présidence. Les manifestants devraient être reçus en milieu de matinée au haut-commissariat. Lundi, ils attendaient toujours la confirmation d’une entrevue avec le gouvernement. "L’objectif est de combler le déficit de la PSG ? Nous avons d’autres propositions à faire", indique Jean-Marie Yan Tu. "C’est ce que nous présenterons au ministre, s’il nous reçoit."

L’oreille intéressée du Medef

L’intersyndicale sera reçue mercredi matin au Medef-Polynésie. Une entrevue de "pure forme", comme le prévoit le droit du travail, mais que Frédéric Dock entend mettre à profit pour promouvoir les "propres messages" de son syndicat patronal. "On compatit, mais ce n’est pas en manifestant que l’on règlera la situation." Face à l’augmentation de la cherté de la vie, le patron des patrons ne voit pas d’autres solutions que de créer les conditions d’un rebond économique avec à la clé la création de richesses et d’emplois. C’est la ligne qu’il devrait défendre devant l’intersyndicale lors de l’entrevue de mercredi. Pour le Medef-Polynésie, ce sursaut économique passera par une libéralisation de l’économie et une réforme du Code du travail. "Mais sur ces sujets, on ne les entend pas beaucoup", s’est-il étonné.
Lundi, le syndicat patronal CPME n’avait toujours pas reçu mandat de sa base pour recevoir l’intersyndicale.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 14 Mars 2022 à 18:38 | Lu 3587 fois