Nouméa, France | AFP | vendredi 24/05/2024 - Tout les oppose, dans le conflit qui embrase la Nouvelle-Calédonie. Tout, sauf le passage éclair d'Emmanuel Macron, qui offre une certitude commune, sur les barrages indépendantistes et non-indépendantistes: le temps du dialogue proposé par le président ne suffira pas à effacer les "rancœurs".
Planté sur le barrage de fortune qui sert à protéger son lotissement des émeutiers potentiels, à Nouméa, Pierre (prénom d'emprunt comme pour tous les Calédoniens cités), 78 ans, se fait peu d'illusions en ce vendredi matin.
Il a bien entendu le président, la veille, promettre que la réforme électorale qui a mis le feu aux poudres sur le territoire ultramarin ne passerait "pas en force", qu'il se donnait quelques semaines pour "permettre l'apaisement" et le "dialogue".
"Macron est venu. C'est gentil d'avoir essayé de faire quelque chose" mais "je ne vois pas d'avancée particulière", explique-t-il devant l'empilement anarchique de palettes, de pneus et même d'une machine à laver, censé stopper toute intrusion dans la rue proprette du quartier de Val Plaisance, qui ouvre sur l'océan Pacifique.
"Il paraît qu'on va en reparler dans un mois. Et puis ça va continuer", se désole-t-il sous son chapeau. "En attendant, ça ne va pas s'arranger, la population souffre probablement des deux côtés".
Son "côté": celui des Calédoniens d'origine européenne, très largement favorables à la réforme.
Depuis qu'ont éclaté lundi 13 mai des émeutes d'une extrême violence, faisant sept morts dont deux gendarmes, une partie de cette communauté s'est barricadée, multipliant les groupes d'autodéfense.
Jeanne, qui vit en Nouvelle-Calédonie depuis 30 ans, refuse même de découvrir son visage, de peur des "représailles".
Même si elle "n'attendai(t) pas grand-chose" de la visite présidentielle, "quelle solution nous a-t-il amenée ?", interroge-t-elle, installée sur le barrage aux faux airs de terrasse au soleil.
- "Mur de Berlin" -
"Ca m'étonnerait franchement que ça calme les esprits parce qu'il y a des gens qui ont tout perdu ici et qui vont vraiment rester avec beaucoup de rancœur par rapport à tout ce qui s'est fait, tout ce qui s'est passé, ce qui s'est dit", confirme Nathalie, 43 ans, habitante de l'archipel depuis un an et demi à peine.
Sur les barrages tenus par le camp indépendantiste, qui promet de poursuivre le blocage de l'île jusqu'à l'abandon du texte, l'avis général converge: en plaidant l'apaisement, le président Macron, qui s'est donné quelques jours pour faire tomber les barricades, n'a satisfait personne.
"Tant qu'il n'y aura pas d'indépendance (pour la Nouvelle-Calédonie), il n'y aura pas de sécurité", tranche dans un quartier nord de Nouméa un responsable d'un barrage, qui refuse de décliner son identité.
L'homme de 51 ans est membre de la communauté kanak, le peuple autochtone de l'archipel.
"Ceux qui respectent le peuple kanak peuvent vivre en paix avec nous mais les extrémistes, nous les invitons à prendre l'avion à Tontouta", l'aéroport international de Nouméa, pose-t-il d'emblée, en faisant référence aux plus radicaux des non-indépendantistes.
"Nous ne sommes pas racistes, nous demandons le respect", clarifie-t-il. "Les loyalistes (autre nom des opposants à l'indépendance), ce sont eux qui ont quitté leur pays, la France. S'ils veulent être là, ils doivent s'adapter. Nous respectons le peuple français, pas l'Etat colonial français", poursuit-il.
Pour illustrer la profondeur de la fracture locale, que le gouvernement se donne un mois pour panser, le barragiste kanak propose de jeter un œil autour de lui.
"Alors, regarde bien", interpelle-t-il, en pointant un mur qui sépare son quartier défavorisé d'une zone aisée. "Qu'est-ce que c'est que ce mur ? Est-ce que c'est le mur de Berlin ? Est-ce que c'est ça, le vivre ensemble ici, au bout des deux accords politiques (de Matignon et de Nouméa, ndlr) ? Est-ce que c'est ça l'avenir ? Est-ce que c'est ça l'accord de paix ?"
Même s'il ne croit pas dans une solution politique si le cœur de la réforme est maintenu, il convient que quelque chose doit "renaître après le feu": "C'est la vérité et la justice".
Planté sur le barrage de fortune qui sert à protéger son lotissement des émeutiers potentiels, à Nouméa, Pierre (prénom d'emprunt comme pour tous les Calédoniens cités), 78 ans, se fait peu d'illusions en ce vendredi matin.
Il a bien entendu le président, la veille, promettre que la réforme électorale qui a mis le feu aux poudres sur le territoire ultramarin ne passerait "pas en force", qu'il se donnait quelques semaines pour "permettre l'apaisement" et le "dialogue".
"Macron est venu. C'est gentil d'avoir essayé de faire quelque chose" mais "je ne vois pas d'avancée particulière", explique-t-il devant l'empilement anarchique de palettes, de pneus et même d'une machine à laver, censé stopper toute intrusion dans la rue proprette du quartier de Val Plaisance, qui ouvre sur l'océan Pacifique.
"Il paraît qu'on va en reparler dans un mois. Et puis ça va continuer", se désole-t-il sous son chapeau. "En attendant, ça ne va pas s'arranger, la population souffre probablement des deux côtés".
Son "côté": celui des Calédoniens d'origine européenne, très largement favorables à la réforme.
Depuis qu'ont éclaté lundi 13 mai des émeutes d'une extrême violence, faisant sept morts dont deux gendarmes, une partie de cette communauté s'est barricadée, multipliant les groupes d'autodéfense.
Jeanne, qui vit en Nouvelle-Calédonie depuis 30 ans, refuse même de découvrir son visage, de peur des "représailles".
Même si elle "n'attendai(t) pas grand-chose" de la visite présidentielle, "quelle solution nous a-t-il amenée ?", interroge-t-elle, installée sur le barrage aux faux airs de terrasse au soleil.
- "Mur de Berlin" -
"Ca m'étonnerait franchement que ça calme les esprits parce qu'il y a des gens qui ont tout perdu ici et qui vont vraiment rester avec beaucoup de rancœur par rapport à tout ce qui s'est fait, tout ce qui s'est passé, ce qui s'est dit", confirme Nathalie, 43 ans, habitante de l'archipel depuis un an et demi à peine.
Sur les barrages tenus par le camp indépendantiste, qui promet de poursuivre le blocage de l'île jusqu'à l'abandon du texte, l'avis général converge: en plaidant l'apaisement, le président Macron, qui s'est donné quelques jours pour faire tomber les barricades, n'a satisfait personne.
"Tant qu'il n'y aura pas d'indépendance (pour la Nouvelle-Calédonie), il n'y aura pas de sécurité", tranche dans un quartier nord de Nouméa un responsable d'un barrage, qui refuse de décliner son identité.
L'homme de 51 ans est membre de la communauté kanak, le peuple autochtone de l'archipel.
"Ceux qui respectent le peuple kanak peuvent vivre en paix avec nous mais les extrémistes, nous les invitons à prendre l'avion à Tontouta", l'aéroport international de Nouméa, pose-t-il d'emblée, en faisant référence aux plus radicaux des non-indépendantistes.
"Nous ne sommes pas racistes, nous demandons le respect", clarifie-t-il. "Les loyalistes (autre nom des opposants à l'indépendance), ce sont eux qui ont quitté leur pays, la France. S'ils veulent être là, ils doivent s'adapter. Nous respectons le peuple français, pas l'Etat colonial français", poursuit-il.
Pour illustrer la profondeur de la fracture locale, que le gouvernement se donne un mois pour panser, le barragiste kanak propose de jeter un œil autour de lui.
"Alors, regarde bien", interpelle-t-il, en pointant un mur qui sépare son quartier défavorisé d'une zone aisée. "Qu'est-ce que c'est que ce mur ? Est-ce que c'est le mur de Berlin ? Est-ce que c'est ça, le vivre ensemble ici, au bout des deux accords politiques (de Matignon et de Nouméa, ndlr) ? Est-ce que c'est ça l'avenir ? Est-ce que c'est ça l'accord de paix ?"
Même s'il ne croit pas dans une solution politique si le cœur de la réforme est maintenu, il convient que quelque chose doit "renaître après le feu": "C'est la vérité et la justice".