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Sur les 5 projets de 'loi du pays' soumis à l'appréciation du CESC, 4 ont été approuvés


Le Conseil économique, social et culturel a tenu ce matin sa dernière session plénière de l’année avec un ordre du jour particulièrement chargé.
Pas moins de cinq projets d’avis ont été soumis à l’adoption des membres présents, et pas des moindres.

1-Projet de « loi du pays » relatif aux diverses dispositions relatives au régime de retraite des travailleurs salariés de la Polynésie française

Fondé sur un principe de solidarité entre les générations, le système de base de retraite des travailleurs salariés en Polynésie française repose sur le financement par répartition.
Ce régime de retraite enregistre un déficit depuis l’exercice 2009 et dans les conditions actuelles, sans changement de paramètres (taux et durée de cotisation), le déficit estimé pour l’année 2011 est de - 3,8 milliards de F CFP.
L’objectif visé par le gouvernement à travers le présent projet de « loi du pays » est principalement de rétablir l’équilibre budgétaire du régime de base de retraite des travailleurs salariés pour l’année 2011.
La mise en équilibre du régime procède ainsi de 2 mesures :
- L’augmentation du taux de cotisation de 2,31% dès 2011, passant de 14,46 % à 16,77% ;
- Le renforcement des conditions d’âge et de durée de cotisation exigées pour les départs à la retraite anticipée, en portant l’âge minimal requis de 50 ans à 52 ans et la durée de cotisation minimale de 15 ans à 20 ans.
Le CESC rappelle qu’actuellement le travailleur salarié qui désire prendre sa retraite avant l’âge de 60 ans peut bénéficier d’une pension au prorata temporis, à condition d’avoir atteint l’âge de 50 ans et cotisé au moins 15 ans. La pension de retraite subit un abattement de 0,25% par trimestre manquant pour atteindre l’âge de 60 ans.
Cependant, il constate que les travailleurs de 50 ans et plus qui rentrent dans le champ d’application de la réforme proposée seront pénalisés en cas de licenciements pour motif économique. Ces salariés en situation de licenciement et de précarité ne pourront plus bénéficier de la possibilité d’un départ anticipé à la retraite.
La situation économique d’une personne licenciée est un facteur déterminant dans le choix d’opter ou non pour un départ anticipé à la retraite. Dans le cas d’un licenciement économique, la pension de retraite peut être le seul moyen de subsistance de la famille en l’absence d’une indemnité ponctuelle qui permet à la personne concernée de subvenir à ses besoins personnels et familiaux.
Le CESC préconise fortement d’instituer dans la « loi du pays » proposée des dispositions dérogatoires limitées dans le temps pour les travailleurs salariés visés, afin qu’ils continuent de bénéficier de la possibilité offerte d’un départ anticipé à l’âge de 50 ans en ayant cotisé au moins 15 ans, et qu’ils ne soient pas pénalisés.
Cette approche avait fait l’objet d’un accord entre les partenaires sociaux qui ne doit pas être remis en cause en vertu d’un consensus qui avait permis d’entériner un accord sur le relèvement des taux de cotisations, de l’âge et de la durée des cotisations d’un départ anticipé à la retraite.
Le CESC observe que les nouvelles conditions d’âge et de durée de cotisation s’appliqueront pour le travailleur salarié qui a cessé son activité (cessation de paiement) avant la promulgation de la « loi du pays ». Cependant, l’employeur ou le salarié qui envisage de rompre le contrat de travail pour départ volontaire ou pour mise à la retraite est tenu de respecter un délai de prévenance de trois mois distinct du délai de préavis.
Le cas échéant, le respect de ces délais obligatoires conduira certains travailleurs à perdre le bénéfice de la retraite anticipée du fait des nouvelles dispositions. Ils ne pourront plus faire valoir leurs droits à la retraite anticipée. Le contrat de travail pourra être rompu si aucune mesure transitoire n’est insérée dans la « loi du pays » proposée.
Le CESC recommande que l’assuré qui bénéficie des mesures de retraite anticipée pour travaux pénibles prévues par la délibération n°87-11 AT du 29 janvier 1987, ne puisse pas cumuler sa pension de retraite avec un autre revenu d’activité de patenté.
Le Conseil considère que l’augmentation du taux de cotisation pèsera sur le revenu des salariés et sur le coût du travail.
Il reconnaît que ces mesures douloureuses sont nécessaires pour assurer l’équilibre du budget 2011 du régime de retraite des travailleurs salariés, mais insiste pour que les réformes structurelles propres à assurer durablement la viabilité du régime soient rapidement mises en œuvre.

Le CESC émet ainsi un avis favorable au projet de texte adopté par 20 voix pour, 6 voix contre, et 2 abstentions.




Au rang des invités (de gauche à droite) : madame Teura IRITI, ministre de la solidarité, monsieur Régis CHANG, directeur de la CPS, et monsieur Clément FAARII, représentant le Vice-président du gouvernement
Au rang des invités (de gauche à droite) : madame Teura IRITI, ministre de la solidarité, monsieur Régis CHANG, directeur de la CPS, et monsieur Clément FAARII, représentant le Vice-président du gouvernement

2-Projet de « loi du pays » relatif aux diverses dispositions d’ordre social

L’objectif soutenu par le projet de « loi du pays » proposé est de favoriser le rétablissement de l’équilibre budgétaire 2011 de la branche assurance maladie des régimes de la PSG.
Cet objectif est recherché à travers diverses dispositions, notamment :
- Les titulaires de pension de réversion sont désormais assujettis à cotisation au titre de l’assurance maladie (recettes supplémentaires prévues de 54 millions de F CFP). Ceux dont les pensions sont inférieures au montant du revenu minimum garanti sont exonérés.
- La participation aux frais d’honoraires de consultation et de visite d’un médecin à hauteur de 5% par les assurés atteints d’une affection reconnue en longue maladie (économies prévues de 106 millions de F CFP)
Les dépenses consacrées aux longues maladies représentent la moitié des dépenses de santé, soit près de 25 milliards de F CFP. Ces nouvelles dispositions qui instaurent un ticket modérateur de principe a pour objectif de responsabiliser les patients en longue maladie.
Le principe et les modalités de mise en place d’un ticket modérateur modulé doivent être étudiés dans le cadre de la réforme structurelle de la PSG.
- Le transfert forfaitaire de recettes de la branche accident du travail au bénéfice de la branche assurance maladie (906 millions de F CFP)
Le CESC recommande de fixer le montant forfaitaire à 946 millions de F CFP afin de tenir compte du transfert de charge des frais d’hébergement et de transport du FASS vers la branche maladie estimé à 40 millions de F CFP.
La branche des accidents du travail et des maladies professionnelles présentera un excédent budgétaire cumulé estimé à 5,9 milliards en fin 2010. Le CESC recommande d’améliorer l’évaluation et l’appréciation du coût réel des accidents du travail et des maladies professionnelles en Polynésie française.
- La prise en charge de l’hébergement limitée à trois jours (sauf dérogation) pour les évacuations sanitaires inter-îles et la prise en charge de ces frais sur la branche maladie.
Le CESC est convaincu qu’une meilleure coordination et organisation des déplacements et des hébergements permettraient de faire des économies précieuses. Les procédures de traitement doivent être informatisées et coordonnées dans ce sens.
Le déficit prévisionnel de la branche maladie pour l’année 2011 est estimé à 7 milliards de F CFP.
Le projet de « loi du pays » soumis à l’avis du CESC représente seulement une partie des mesures destinées à rétablir l’équilibre budgétaire pour 2011 des régimes d’assurance maladie.
Le CESC recommande au Pays de fiabiliser et de garantir sa participation et ses mesures d’économies prévisionnelles dans le cadre de la réforme : exonération de la TVA sur les médicaments (247 millions de F CFP), économies dans les structures de santé publique (tarification réduite des actes et économies évaluées à 163 millions de F CFP), pour résorber le déficit.
Le CESC préconise par ailleurs que le programme intégral de la réforme visant à rétablir l’équilibre du budget 2011 lui soit communiqué.
Il rappelle que les dépenses consacrées aux longues maladies représentent la moitié des dépenses de santé. Il insiste donc pour que le Pays définisse enfin une véritable politique de santé visant à freiner le développement de ces maladies (obésité, diabète, RAA, …) et à maîtriser les dépenses de santé.

Le CESC donne un avis favorable au projet de texte adopté par 19 voix pour, 7 voix contre, et 2 abstentions.


Les rapporteurs (de gauche à droite) : messieurs Pascal LUCIANI et Jean-François WIART
Les rapporteurs (de gauche à droite) : messieurs Pascal LUCIANI et Jean-François WIART
3-Projet de « loi du pays » relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage
4-Projet de « loi du pays » relatif à la recherche de la constatation des infractions en matière de dopage


Pour des raisons évidentes de connexité, les deux projets de « loi du pays » en matière de lutte contre le dopage ont été traités conjointement et font l’objet d’un avis unique.
Il existe déjà un cadre juridique de la lutte anti-dopage en Polynésie française, posé par la délibération n° 88-55 AT du 2 juin 1988. Mais elle n’a jamais été mise en œuvre d’une part, et d’autre part elle n’est pas conforme aux exigences internationales en la matière.
Des contrôles préventifs volontaires sont mis en place par des fédérations à leur initiative, mais ceux-ci ne sont pas complets (détection des drogues « de base », mais pas des dopants plus sophistiqués), n’ont aucune valeur contraignante, et ne sont pas reconnus.
Mais à l’heure où la Polynésie compte plus de 42 000 licenciés et 75 sportifs de haut niveau, et tandis que le Pays souhaite organiser des événements internationaux et participe à l’extérieur à des compétitions nationales ou internationales, il paraît indispensable qu’il aligne sa politique anti-dopage sur la politique mondiale.
Le premier projet de « loi du pays » relatif à « la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage » vise à instaurer un cadre juridique conforme aux dispositions internationales en la matière : interdiction du dopage, contrôles anti-dopage obligatoires, train de sanctions administratives et pénales en cas de résultats positifs.
Il institue par ailleurs un "Conseil de prévention et de lutte contre le dopage" (CPLD) chargé de rendre des avis sur ces sujets au Président de la Polynésie française, autorité décisionnaire.
Le CESC salue l’initiative du gouvernement et la qualité de son projet pour les raisons suivantes :
- Il répond au double objectif de la lutte anti-dopage : santé du sportif et combat contre la tricherie ;
- Il ouvre la possibilité d’organiser des compétitions internationales en Polynésie française ;
- Il crédibilise et sécurise la participation de nos sportifs à l’extérieur ;
- Vis-à-vis du public, il redonne de la crédibilité à nos athlètes et à certains sports particulièrement soupçonnés de dopage.

En revanche, le CESC regrette les points suivants :
- Les montants des budgets prévisionnels figurant dans l’exposé des motifs sont trop faibles, et ne permettent qu’un nombre de contrôles trop limité ;
- Les dépistages prévus sont très lourds et chers, mais constituent une condition indispensable à leur reconnaissance au niveau international. Néanmoins, le CESC estime qu’à côté de ce système officiel devrait perdurer un système non-officiel, assuré par les fédérations. Ces dépistages simplifiés (produits stupéfiants...) n’auraient bien entendu aucune valeur contraignante, pénale ou même disciplinaire mais permettraient au niveau local d’assurer à moindres frais un premier assainissement et contrôle des sportifs. L’effet dissuasif sur la consommation de substances illicites serait également intéressant.
Le second projet de « loi du pays » traite de « la recherche et constatation des infractions en matière de dopage » et en fixe les modalités et les sanctions, la Polynésie agissant ici au titre de la participation aux compétences de l’État.
Le CESC n’émet aucune observation, s’agissant de dispositions purement juridiques et procédurales dont l’appréciation relève d’autres instances.
Le CESC salue le fait que le gouvernement présente concomitamment ces deux projets de « loi du pays ». En effet, sans ce second volet, le premier projet ne pourrait être mis en œuvre, et serait vidé de tout intérêt.

En conséquence, le Conseil émet un avis favorable aux deux projets de « loi du pays » adoptés respectivement par 27 voix pour, et 1 abstention.



Sur les 5 projets de 'loi du pays' soumis à l'appréciation du CESC, 4 ont été approuvés
5-Projet de « loi du pays » relatif au statut de l’auto-entreprise

Dans un contexte économique marqué par une forte récession et par la destruction massive d’emplois, le projet du gouvernement vise à faciliter la création d’entreprises. Pour ce faire, il propose de créer un statut d’auto-entrepreneur bénéficiant de règles administratives très simplifiées et d’exonérations fiscales. En effet, constatant le dynamisme des porteurs de projets (800 demandes de microcrédits recensées au premier semestre 2010), le gouvernement se donne l’objectif de soutenir ce dernier, tout en cherchant à « prévenir le travail non déclaré ».
Il sera possible de bénéficier du statut d’auto-entrepreneur l’année de création de l’auto-entreprise et les deux années civiles suivantes, sous réserve :
- d’exercer une activité commerciale, dont le chiffre d’affaires sera inférieur à 8 millions F xpf ;
- d’exercer une activité de production/transformation ou de prestation de services, dont le chiffre d’affaires sera inférieur à 4 millions F xpf.
Ce statut sera ouvert aux salariés du secteur privé employés à temps partiel, aux salariés à temps plein et aux fonctionnaires, sous réserve pour les premiers d’avoir suspendu leur contrat de travail et pour les seconds d’être en disponibilité (dans les deux cas, pour une durée d’au moins six mois).
Il exclura :
- les prestations et activités relevant des professions libérales et assimilées ;
- les professions réglementées ;
- les personnes morales ;
- les patentés ayant radié leur entreprise ou leur société depuis moins de 12 mois.
Outre les formalités gratuites et simplifiées de création, l’auto-entreprise bénéficiera :
- du non assujettissement au reversement de la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) ;
- de l’exonération de la patente ;
- de l’exonération de l’IT (impôt sur les transactions) ;
- de l’exonération de CST (contribution sociale territoriale) ;
- de l’exonération de l’IT perlicole et de la CST agricole ;
- de l’exonération de l’imposition forfaitaire annuelle des TPE ;
- des aides aux entreprises, sous réserve de répondre aux critères qui conditionnent l’octroi de ces dernières.
Pour mémoire, ce projet de « loi du pays » avait fait l’objet d’une première consultation au mois d’août dernier. Le CESC émettait alors un avis défavorable.
La seconde lecture du projet de texte amendé n’a pas plus convaincu les membres du CESC qui observent que :
- la création d'auto-entreprises n’est pas uniquement réservée à ceux qui ont perdu ou qui cherchent un emploi ;
- le statut d'auto-entrepreneur vient en contradiction avec celui de patenté dont la réforme aurait été plus pertinente, mais plus difficile à réaliser à court terme ;
- on ne prend pas en compte les effets pervers possibles (d’ailleurs observés en métropole) ;
- il est grandement susceptible de conduire à l’effet inverse de celui recherché (en décourageant - par l’échec - la création d’entreprises) ;
- on reconnaît implicitement la double nécessité de simplifier les procédures administratives et la fiscalité, mais on se contente de les contourner au lieu de les réformer.
Pour ces raisons, le Conseil économique, social et culturel maintient son avis défavorable.

Rédigé par communiqué du CESC le Mardi 28 Décembre 2010 à 09:57 | Lu 731 fois