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Sur le 3e mandat d'Édouard Fritch, l'opposition renvoie la balle au haut-commissaire


Tahiti, le 12 septembre 2022 – Alors qu'Édouard Fritch a renvoyé à ses opposants politiques le soin de saisir le Conseil d'État sur sa capacité à effectuer un nouveau mandat de président du Pays, le Tavini, le A Here ia Porinetia et le Amuitahiraa sont de leurs côtés unanimes pour renvoyer cette responsabilité au haut-commissaire.
 
Alors que la rentrée politique a sonné cette semaine avec les ouvertures du congrès des communes lundi et de la séance budgétaire à l'assemblée jeudi, les débats de pré-campagne des territoriales reprennent. Et à ce petit jeu, l'une des questions qui agite toujours le landerneau politique est celle de la capacité d'Édouard Fritch à effectuer un nouveau mandat de président du Pays à l'issue des territoriales de 2023. Une question sur laquelle l'opposition a un avis assez unanime, mais qui nécessite un petit résumé des épisodes précédents avant d'en comprendre la portée.
 
Question en suspens
 
La question de l'interprétation du statut de la Polynésie française sur la possibilité pour Édouard Fritch d'effectuer un troisième mandat n'est pas officiellement tranchée. L'article 74 de la loi organique prévoit que “le président de la Polynésie française ne peut exercer plus de deux mandats de cinq ans successifs”, quand Édouard Fritch est sur le point d’achever un mandat de cinq ans après un précédent mandat de quatre ans où il avait succédé à Gaston Flosse en 2014. L'actuel président du Pays estime qu'il est en droit de se présenter comme tête de liste aux territoriales de 2023. Ce qui n'est pas contesté. Et il explique ensuite que ses “juristes” ont une lecture du statut qui lui permettrait d'effectuer un nouveau mandat de président du Pays. Mais il concède parfaitement qu'un débat juridique existe sur cette dernière question.
 
Après avoir déclaré mi-août à Tahiti Infos qu'il “avait envie” de saisir le Conseil d'État sur sa capacité à exercer un nouveau mandat de président à l'issue des territoriales de 2023, Édouard Fritch est finalement revenu sur ses propos il y a deux semaines à Paris : “Ceux qui pourront saisir le Conseil d'État sont ceux qui n'épousent pas notre lecture. C'est eux qui consulteront à ce moment-là.” À cela s'ajoute que la seule personnalité politique du Pays habilitée à saisir le Conseil d'État aujourd'hui sur ce sujet, le président de l'assemblée Gaston Tong Sang, a déclaré la semaine dernière à Radio 1 qu'il ne le ferait pas. Les regards se tournent donc vers les adversaires politiques du Tapura…
 
Le Tavini en appelle à l'État
 
Côté Tavini pourtant, on ne se bouscule pas pour porter cette responsabilité. Pour le député Tematai Le Gayic, c'est avant tout à Édouard Fritch de s'assurer qu'il peut être candidat à la présidence du Pays en cas de victoire du Tapura. “Lorsque je me suis présenté pour être député, on m'a demandé des pièces pouvant justifier que j'étais éligible. Donc je pense que la première personne qui doit pouvoir justifier qu'il peut être à la tête d'un pays, c'est celui qui se présente aux élections.” Le jeune député souverainiste assure que le Tavini n'a “aucun problème” avec la candidature d'Édouard Fritch, mais s'interroge en cas d'élection à la présidence sur la “situation de crise et d'instabilité pendant plusieurs mois le temps que le Conseil d'État se positionne”.
 
Pour éviter cette situation, il faut donc que le haut-commissaire “prenne ses responsabilités”, estime Tematai Le Gayic : “Si ce n'est pas (Édouard Fritch) qui le fait, je pense que c'est à l'État de le faire. Le haut-commissaire est quand même le garant de la légalité dans notre Pays et de la stabilité de nos institutions.” Anthony Géros, le numéro deux du Tavini et maire de Paea, confirme la position du parti indépendantiste : “L'application des textes en Polynésie est de compétence de l'État. C'est à l'État de faire l'arbitre pour dire ce qui est de l'ordre du possible ou ce qui est interdit. Ce n'est ni aux personnes que ça concerne et encore moins aux juristes qui les accompagnent de le faire.”
 
Sanquer et Flosse sur la même ligne
 
Du côté du A Here ia Porinetia, le vice-président du parti vert et blanc, Nuihau Laurey, a posté vendredi un éditorial sur les réseaux sociaux à ce propos. “Ce n'est pas un problème d'analyse juridique, c'est un problème de morale publique et de respect de la loi”, fustige le représentant et ancien sénateur. Le parti vert et blanc promeut une application stricte d'une limitation à deux mandats électifs pour tous les élus polynésiens. Sa présidente, Nicole Sanquer, confirme qu'elle ne partage pas l'analyse du président sur sa capacité à effectuer un “troisième mandat”, mais estime elle-aussi qu'il doit revenir au représentant de l'État d'éclaircir cette situation : “On déplore qu'Édouard Fritch ne veuille pas se conformer à la loi. Deux mandats, c'est deux mandats. Mais si Gaston Tong Sang ne le fait pas, il nous semble que c'est au haut-commissaire de saisir le Conseil d'État.”
 
Enfin, le leader du Amuitahira'a et ancien président du Pays, Gaston Flosse, réfute lui-aussi la lecture juridique du statut par le leader du Tapura. “Le statut dit bien qu'il ne peut faire que deux mandats de cinq ans. D'une part, s'il est réélu président cela fera trois mandats. D'autre part, s'il est élu il ira jusqu'à quatorze ans de mandat. La loi est mal écrite.” Pour autant, Gaston Flosse estime lui-aussi qu'il devra revenir au haut-commissaire de vérifier la validité d'une éventuelle élection d'Édouard Fritch à la présidence du Pays par l'assemblée “après” les élections territoriales. “Ce n'est pas à nous de faire le travail du haut-commissaire. Il est là pour vérifier si nous respectons la loi.” Et Gaston Flosse en sait quelque chose. “Le Tapura ne respecte pas la loi à notre avis. Donc c'est au haut-commissaire de le rendre inéligible. Il n'a pas hésité pour moi.”
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun et Antoine Samoyeau le Lundi 12 Septembre 2022 à 17:51 | Lu 3432 fois