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Sur la Côte d'Azur, la guerre aux super-yachts n'aura pas lieu


Cannes, France | AFP | jeudi 23/07/2020 - Sur la Côte d'Azur, la présence d'immenses yachts au mouillage fait l'objet de négociations serrées depuis un an: une nouvelle réglementation est en vue pour protéger les fonds marins mais sans se priver de cette manne économique.

Pêcheurs, responsables des sites Natura 2000, pilotes de bateaux, mairies: il y a un an, la préfecture maritime avait prié tout le monde de s'entendre et doit prochainement prendre des arrêtés d'interdiction de mouillage des navires de plus de 24 mètres sur certaines portions du littoral.

L'objectif: assurer la sauvegarde des herbiers de posidonies abîmés par les super-yachts quand ils jettent l'ancre près du rivage. Ces prairies sous-marines repoussent si lentement (quelques centimètres par an) qu'à Villefranche-sur-Mer, l'impact des bombardements de la Seconde guerre mondiale reste visible 75 ans après.

Ces herbiers servent d'habitat à de nombreuses espèces, protègent de la houle et de l'érosion côtière et il est même interdit de les ramasser quand ils échouent en bancs grisâtres sur les plages: depuis 1988, c'est l'une des cinq espèces protégées de Méditerranée.

Pour autant, personne n'avait envie de faire fuir le yachting, pourvoyeur de précieux emplois, de redevances portuaires et d'une clientèle en or pour les commerces et restaurants locaux, le long de la Côte d'Azur. 

"On a été conciliant", avoue Franck Dubbiosi, patron pêcheur qui a siégé à la Commission nautique locale de Cannes, avec les clubs de voile ou de plongée, et a été invité à se prononcer sur les cartes limitant d'un "trait rouge" la zone où les plus gros yachts ne pourront plus venir mouiller.

"Si on veut faire la guerre à la plaisance, personne ne sort gagnant. Il faut s'entendre!", ajoute-t-il. 

"Nous négocierons et, si nécessaire, nous lutterons contre les décisions brutales afin qu'une politique progressive soit mise en œuvre et que des équipements d'ancrage alternatifs soient déployés", avait prévenu le Comité européen des professionnels du yachting (ECPY) qui estime avoir été globalement entendu, quitte parfois à "taper du poing sur la table".

 "Bond en avant"

Paralysée par la crise sanitaire, la filière a obtenu un délai supplémentaire de répit: prévus pour s'appliquer dès cet été, les arrêtés ont pris du retard et ne sortiront finalement pas avant l'automne, après la haute saison donc, selon la préfecture maritime.

"Même si on est un peu en retard, on fait quand même un bond en avant du point de vue de la protection de l'environnement", estime Diane Lévèque, conseillère technique du maire de Cannes. "On a réussi à trouver des zonages qui permettent de concilier les intérêts écologiques et économiques".

Cannes a sauvé l'essentiel: l'autorisation pour les grands yachts, qui arrivent avec le festival et s'en vont en septembre, de continuer à mouiller face à la célèbre Croisette, sur une zone toutefois restreinte. "Plutôt que d'être complètement interdit, le mouillage reste possible sur un petit rectangle", selon M. Dubbiosi.

Une concession au yachting a aussi été faite au Cap d'Antibes, près du port Vauban et de son bien-nommé "Quai des milliardaires".

"Les cartes ont été validées et le trait rouge suit les herbiers de posidonie", précise Didier Laurent, responsable du site Natura 2000 Cap d'Antibes-Iles de Lérins. "Sauf sur la Croisette et au Cap d'Antibes où il y aura du mouillage encadré alors qu'on est sur des zones de posidonie dégradée".

Lors des réunions, il s'est heurté à des professionnels du yachting qui banalisaient et considéraient que quelques grands yachts gênaient moins que des centaines de petits plaisanciers. 

"Notre travail a été de montrer la dégradation des fonds, de faire des films, de sensibiliser, de sortir les études: à Golfe Juan, l'herbier s'est dégradé sur 28,4% en 7 ans", dit-il.

L'étape suivante consiste selon M. Laurent à imaginer un système de mouillage fixe pour ces grosses unités. "C'est déjà à l'étude à Pampelonne. Le bateau ne jeterait plus l'ancre mais s'attacherait à un coffre flottant, lui-même amarré avec un ancrage écologique sur le fond".

le Jeudi 23 Juillet 2020 à 07:59 | Lu 405 fois