PARIS, 9 février 2017 - Après la commission mixte paritaire de lundi 6 février, l'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité la loi "égalité réelle" précisant les nouvelles conditions d'indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie française. Députés de gauche comme de droite ont salué avec le gouvernement "une étape historique vers la reconnaissance des souffrances du peuple polynésien".
Jusqu'à l'ultime moment du vote, rien n'était joué. La députée de Polynésie (UDI) Maina Sage a plaidé une dernière fois, afin de convaincre ses collègues de voter la suppression du facteur "risque négligeable" dans le calcul des indemnisations des victimes des essais nucléaires français. Elle cherchait aussi à emporter l'adhésion du gouvernement, farouchement opposé à cette mesure qui facilitera grandement les réparations financières.
Le préjudice causé par les essais de bombes atomiques entre 1960 et 1996 a suscité déjà 1200 demandes d'indemnisation. Alors que pour l'instant seule une poignée de réponses positives ont émané du Comité d'indemnisation des victimes des essais (Civen), précisément à cause de ce facteur "risque négligeable".
> Lire aussi : Nucléaire : L'Assemblée nationale vote la suppression du "risque négligeable"
"Ce ne sont pas un ou deux tirs qui ont eu lieu chez nous mais 193, pendant 30 ans. 46 d'entre eux ont eu lieu à l'air libre et cette phase a duré neuf ans, a argumenté Maina Sage dans l'hémicycle. Voilà à quoi ont été exposés les Polynésiens ! Le traumatisme est profond. Il touche de nombreux sujets. Le préjudice est unique et mérite une place unique dans le droit français. Nous demandons le minimum : des actes clairs de réparation. C'est une promesse de François Hollande".
Quelques instants à peine après cette déclaration, la séance était suspendue à l'Assemblée nationale. Un ultime round de négociations commençait. Il s'agissait pour les élus polynésiens de sauver ce qui leur avait été accordé par la commission mixte paritaire de lundi. La sénatrice Lana Tetuanui, artisan des concessions accordées par les parlementaires aux Polynésiens, avait fait le déplacement. Le conseiller Outre-mer du président de la République François Hollande, Marc Vizy, était lui aussi présent. L'équipe au complet de la ministre des Outre-mer argumentait pied à pied avec les députés, pour leur demander de réfléchir à une alternative à la suppression pure et simple du "risque négligeable".
Du côté des partisans de l'évolution de la Loi Morin (le texte qui précise les conditions d'indemnisation depuis 2010) on trouvait aussi des visiteurs de poids : le président Edouard Fritch avait fait le déplacement et avait son mot à dire sur le vote de l'Assemblée nationale.
"Commission de suivi"
Après un peu plus d'une heure de négociations, un compromis a finalement été mis à jour et traduit dans un amendement au projet d’article 34 nonies de la loi égalité réelle : "Une commission, composée pour moitié de parlementaires et pour moitié de personnalités qualifiées, propose dans un délai de 12 mois à partir de la promulgation de la présente loi, les mesures destinées à réserver l’indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires. Elle formule des recommandations à l’attention du gouvernement", a détaillé dans l'hémicycle la ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts. Le texte ainsi modifié a été adopté à l'unanimité.
En plus de la suppression du "risque négligeable", ce "comité de suivi", tel que le désigne Maina Sage, a emporté l'adhésion des parlementaires. Les satisfecits sont venus de tous les bancs de l'Assemblée et les élus, comme le gouvernement, ont enfin salué un moment "historique". "Si la raison d'état existe, on oublie parfois que chaque personne doit être respecté par l'Etat", a rappelé le député (UDI) Jean-Christophe Lagarde. Rejoint dans l'envolée lyrique par le député (GDR) André Chassaigne. "Ce qui est important, c'est la reconnaissance, a-t-il souligné. La reconnaissance de l'impact sanitaire et environnemental. De la douleur du peuple polynésien".
"Ce texte est l'aboutissement d'années de combat, il résulte de la volonté de réparer les préjudices subis pour que nous devenions une puissance nucléaire", a conclu Olivier Faure, député PS. Avant de faire applaudir une nouvelle fois Maina Sage, dont l'intervention en séance a été saluée comme émouvante par ses collègues.
En plus de changer radicalement les règles d'indemnisation des victimes des essais nucléaires ce débat a été l'occasion d'un inhabituel vote à l'unanimité. Et d'une non moins inhabituelle photo-souvenir réunissant des élus de tous bords, le gouvernement français et le président polynésien Edouard Fritch. Lui aussi a tenu à souligner qu'il s'agissait d'"un jour historique, une décision extraordinaire, un soulagement".
Le projet de loi égalité réelle doit encore être présenté à l’examen du Sénat, mardi 14 février prochain.
Jusqu'à l'ultime moment du vote, rien n'était joué. La députée de Polynésie (UDI) Maina Sage a plaidé une dernière fois, afin de convaincre ses collègues de voter la suppression du facteur "risque négligeable" dans le calcul des indemnisations des victimes des essais nucléaires français. Elle cherchait aussi à emporter l'adhésion du gouvernement, farouchement opposé à cette mesure qui facilitera grandement les réparations financières.
Le préjudice causé par les essais de bombes atomiques entre 1960 et 1996 a suscité déjà 1200 demandes d'indemnisation. Alors que pour l'instant seule une poignée de réponses positives ont émané du Comité d'indemnisation des victimes des essais (Civen), précisément à cause de ce facteur "risque négligeable".
> Lire aussi : Nucléaire : L'Assemblée nationale vote la suppression du "risque négligeable"
"Ce ne sont pas un ou deux tirs qui ont eu lieu chez nous mais 193, pendant 30 ans. 46 d'entre eux ont eu lieu à l'air libre et cette phase a duré neuf ans, a argumenté Maina Sage dans l'hémicycle. Voilà à quoi ont été exposés les Polynésiens ! Le traumatisme est profond. Il touche de nombreux sujets. Le préjudice est unique et mérite une place unique dans le droit français. Nous demandons le minimum : des actes clairs de réparation. C'est une promesse de François Hollande".
Quelques instants à peine après cette déclaration, la séance était suspendue à l'Assemblée nationale. Un ultime round de négociations commençait. Il s'agissait pour les élus polynésiens de sauver ce qui leur avait été accordé par la commission mixte paritaire de lundi. La sénatrice Lana Tetuanui, artisan des concessions accordées par les parlementaires aux Polynésiens, avait fait le déplacement. Le conseiller Outre-mer du président de la République François Hollande, Marc Vizy, était lui aussi présent. L'équipe au complet de la ministre des Outre-mer argumentait pied à pied avec les députés, pour leur demander de réfléchir à une alternative à la suppression pure et simple du "risque négligeable".
Du côté des partisans de l'évolution de la Loi Morin (le texte qui précise les conditions d'indemnisation depuis 2010) on trouvait aussi des visiteurs de poids : le président Edouard Fritch avait fait le déplacement et avait son mot à dire sur le vote de l'Assemblée nationale.
"Commission de suivi"
Après un peu plus d'une heure de négociations, un compromis a finalement été mis à jour et traduit dans un amendement au projet d’article 34 nonies de la loi égalité réelle : "Une commission, composée pour moitié de parlementaires et pour moitié de personnalités qualifiées, propose dans un délai de 12 mois à partir de la promulgation de la présente loi, les mesures destinées à réserver l’indemnisation aux personnes dont la maladie est causée par les essais nucléaires. Elle formule des recommandations à l’attention du gouvernement", a détaillé dans l'hémicycle la ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts. Le texte ainsi modifié a été adopté à l'unanimité.
En plus de la suppression du "risque négligeable", ce "comité de suivi", tel que le désigne Maina Sage, a emporté l'adhésion des parlementaires. Les satisfecits sont venus de tous les bancs de l'Assemblée et les élus, comme le gouvernement, ont enfin salué un moment "historique". "Si la raison d'état existe, on oublie parfois que chaque personne doit être respecté par l'Etat", a rappelé le député (UDI) Jean-Christophe Lagarde. Rejoint dans l'envolée lyrique par le député (GDR) André Chassaigne. "Ce qui est important, c'est la reconnaissance, a-t-il souligné. La reconnaissance de l'impact sanitaire et environnemental. De la douleur du peuple polynésien".
"Ce texte est l'aboutissement d'années de combat, il résulte de la volonté de réparer les préjudices subis pour que nous devenions une puissance nucléaire", a conclu Olivier Faure, député PS. Avant de faire applaudir une nouvelle fois Maina Sage, dont l'intervention en séance a été saluée comme émouvante par ses collègues.
En plus de changer radicalement les règles d'indemnisation des victimes des essais nucléaires ce débat a été l'occasion d'un inhabituel vote à l'unanimité. Et d'une non moins inhabituelle photo-souvenir réunissant des élus de tous bords, le gouvernement français et le président polynésien Edouard Fritch. Lui aussi a tenu à souligner qu'il s'agissait d'"un jour historique, une décision extraordinaire, un soulagement".
Le projet de loi égalité réelle doit encore être présenté à l’examen du Sénat, mardi 14 février prochain.
Le risque négligeable, qu’est-ce que c’est ?
Pour l’instant la loi Morin du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français (Algérie de 1960 à 1967 et Polynésie française de 1966 à 1996) n’a donné lieu qu’à l’indemnisation de 19 victimes, dont sept polynésiennes, sur près de 1060 dossiers de demandes instruits à ce jour par le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen).
Lorsqu’ils le sont sous l’égide de la loi Morin, les dommages ne sont en effet reconnus qu'au prix d'une procédure laborieuse et souvent en dernier recours après plusieurs années. Principal obstacle : l’alinéa 5 de l’article 4 de la loi d’indemnisation. Il précise qu'en cas de demande, lorsque les conditions de l'indemnisation sont réunies "l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable". Cette réserve est aujourd'hui à l'origine d'un taux de réponse favorable à l'indemnisation des victimes inférieur à 2 % (1,8 %) par le Civen.
> Voir aussi : La loi Morin expliquée en vidéo
Pour l’instant la loi Morin du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français (Algérie de 1960 à 1967 et Polynésie française de 1966 à 1996) n’a donné lieu qu’à l’indemnisation de 19 victimes, dont sept polynésiennes, sur près de 1060 dossiers de demandes instruits à ce jour par le Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (Civen).
Lorsqu’ils le sont sous l’égide de la loi Morin, les dommages ne sont en effet reconnus qu'au prix d'une procédure laborieuse et souvent en dernier recours après plusieurs années. Principal obstacle : l’alinéa 5 de l’article 4 de la loi d’indemnisation. Il précise qu'en cas de demande, lorsque les conditions de l'indemnisation sont réunies "l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable". Cette réserve est aujourd'hui à l'origine d'un taux de réponse favorable à l'indemnisation des victimes inférieur à 2 % (1,8 %) par le Civen.
> Voir aussi : La loi Morin expliquée en vidéo