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Stériliser les moustiques : un sujet de thèse pour le premier entomologiste polynésien


Limb  K. Hapairai, jeune docteur en entomologie. Après sa thèse effectuée à l'Institut Louis Malardé de Tahiti durant ces trois dernières années, il va rejoindre l'Australie pour un cursus de post doctorant pour deux ans.
Limb K. Hapairai, jeune docteur en entomologie. Après sa thèse effectuée à l'Institut Louis Malardé de Tahiti durant ces trois dernières années, il va rejoindre l'Australie pour un cursus de post doctorant pour deux ans.
PAPEETE, vendredi 15 novembre 2013. L’idée de la stérilisation des moustiques pour diminuer notablement ces populations d’insectes nuisibles n’est pas nouvelle. Les chercheurs ont d’abord pensé à stériliser les moustiques mâles par irradiation, comme cela se pratique depuis une quarantaine d’années sur d’autres insectes, la mouche des fruits par exemple, avec des résultats spectaculaires. Mais ce type de stérilisation marche moins bien pour le moustique que pour d’autres insectes. Aussi il a fallu chercher ailleurs.

Depuis 2011, une technique plus novatrice a donc fait l’objet de recherches particulières : il s’agit cette fois de moustiques mâles rendus stériles par une bactérie. Ces mâles moustiques génétiquement modifiés sont ensuite relâchés dans la nature ils s’accouplent avec les femelles, mais sont incapables d’assurer une descendance car ils sont porteurs de gènes qui les empêchent d’atteindre la maturité sexuelle. En quelques semaines à peine cela provoque un effondrement perceptible des moustiques adultes des générations suivantes.

C’est avec ce postulat de base et des expériences déjà très concluantes menées dans le monde sur la stérilisation par modification génétique de l’Aedes Aegypti, qu’un jeune chercheur polynésien s’est lancé en 2009 sur un sujet de thèse de doctorat. En ligne de mire de Limb K. Hapairai, le moustique Aedes Polynesiensis qui ne vit que dans le Pacifique sud. Ce moustique est le vecteur principal de la filariose lymphatique et le vecteur secondaire de la dengue, du chikungunya et du zika. Installé depuis trois ans au sein de l’unité d’entomologie de l’Institut Louis Malardé à Tahiti, Limb Hapairai aujourd’hui docteur ayant soutenu sa thèse d’entomologie, est allé au bout de son travail.

Après avoir réussi à trouver la bactérie qui pouvait rendre stérile les mâles d’Aedes Polynesiensis, la prouesse a été d’être capable de produire des insectes en quantité suffisante pour parvenir à mener sur le terrain une étude pilote. Finalement celle-ci a pu être réalisée en 2012 à Tetiaroa avec une équipe de quatre personnes seulement. «Nous avons déterminé qu’il fallait au moins disposer de 6 000 mâles par semaine. Il a fallu contrôler la qualité de ces mâles et vérifier qu’ils s’accouplaient sans souci avec les femelles sauvages» explique Limb Hapairai.

Première source de satisfaction : les mâles modifiés élevés en laboratoire par le jeune chercheur de l’Institut Malardé s’accouplent effectivement avec les moustiques femelles : ils sont même plus résistants que leurs compagnons sauvages. Au bout de 14 semaines à peine, la fertilité des moustiques femelles du petit motu Onetahi de Tetiaroa avait déjà réduit d’un quart. L’important pour le docteur Limb Hapairai est que «la faisabilité de l’opération a été démontrée : les mâles modifiés d’Aedes Polynesiensis s’accouplent bien aux femelles sauvages qui se retrouvent effectivement infertiles».

Bien sûr cette première étape, même si elle est pionnière en Polynésie ouvre encore davantage de questions parmi lesquelles quand est-ce que cette opération pourra réellement être effectuée à l’échelle d’une ville, puis de Tahiti ? «Nous essaierons d’y répondre le plus rapidement possible» répondait avec humour le docteur Limb Haparai. Les mêmes recherches de stérilisation du moustique, sur l’Aedes Aegypti cette fois, sont déjà testées au Brésil notamment à l’échelle d’une ville avec des résultats impressionnants. «En quelques mois cette technique a permis la réduction de 96% de la nuisance des moustiques en zone urbaine» détaillait Hervé Bossin, de l’unité d’entomologie médicale de l’Institut Louis Malardé.

Au cours de l’année prochaine, l’expérience pilote devrait connaître une seconde étape à Tetiaroa, avec le lâcher de 40 à 80 000 moustiques stériles (entre 5 à 10 fois plus que les estimations des moustiques sauvages). «Nous serons prêts dès l’an prochain pour cette production de masse» indiquait Hervé Bossin. Ce sera alors l’occasion de vérifier à quelle vitesse est obtenu l’effondrement de la population de moustiques sur cet atoll, ce qui offrira un confort de vie incomparable aux touristes du luxueux complexe hôtelier The Brando. D’ailleurs, si le groupe hôtelier Beachcomber a participé activement au financement de cette thèse ce n’est pas par hasard.

Rédigé par Mireille Loubet le Vendredi 15 Novembre 2013 à 16:29 | Lu 3174 fois