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"Shrinkflation": bientôt des affichettes en supermarchés pour alerter les consommateurs


STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
Paris, France | AFP | vendredi 19/04/2024 - Les supermarchés auront obligation dès le 1er juillet d'apposer une affichette à proximité des produits dont la quantité a baissé sans que le prix ne diminue, a promis vendredi la ministre déléguée au commerce Olivia Grégoire.

"Quand des produits, alimentaires ou non, seront +shrinkflatés+", autrement dit verront leur quantité diminuer mais pas leurs prix, "il y aura une affichette dans le rayon durant deux mois", a détaillé Olivia Grégoire dans un entretien à Ouest-France.

Sur cette affichette, "sera écrit:  +pour ce produit, la quantité vendue est passée de X à Y et son prix au kilo, gramme ou litre a augmenté de X % ou X €+," a-t-elle élaboré.

L'arrêté, "signé le 16 avril", devrait être publié au Journal officiel "dans les prochains jours", a assuré le cabinet de la ministre.

La "shrinkflation" - du verbe anglais "to shrink", rétrécir -, consiste, pour les fabricants de produits de grande consommation, agro-industriels ou distributeurs, à réduire les quantités des produits vendus plutôt que d'augmenter - trop - significativement les prix, dans un contexte où les tarifs de l'alimentaire ont déjà augmenté de 20% en deux ans.

"Une arnaque !" s'est indigné le ministre de l'Economie Bruno Le Maire dans un communiqué vendredi. "Nous y mettons fin."

Le distributeur Carrefour avait par exemple réduit drastiquement les quantités de ses légumes "premiers prix" pour rester sous les 1 euro, rappelait en décembre le média 60 millions de consommateurs, évoquant le passage de trois à deux salades ou la réduction d'un tiers du filet de pommes de terre.

Mi-décembre, le spécialiste du secteur de la distribution Philippe Goetzmann avait publié avec la fondation Jean Jaurès un avis sur la pratique de réductions des quantités.

Le spécialiste y rappelait que "les prix sont libres, ainsi que les grammages" et que les réductions de quantité sont "généralement accompagnés d'évolutions de recette". Comment alors savoir ce qui relève de "l'innovation" alimentaire - un changement de recette, avec par exemple moins de sucre ou de sel -, et ce qui n'est qu'une hausse de prix masquée?

Le cas s'est posé récemment concernant le célèbre fromage fondu Kiri: la portion a perdu 2 grammes en 2022 à l'occasion d'un changement de recette, "plus naturelle, sans additifs" et fabriquée en France à base de lait français, avait alors plaidé son fabricant, l'agro-industriel Bel.

La "cheapflation" dans le viseur

Les denrées alimentaires en vrac ou préemballées dont la quantité peut varier à la préparation, comme celles au rayon traiteur des supermarchés, ne seront pas concernées par cette mesure, a prévenu le ministère.

L'ONG Foodwatch, qui a participé à révéler la pratique du "shrinkflation" en France, s'est félicitée vendredi de l'arrêté du gouvernement, louant "un signal fort envoyé aux industriels: les pratiques opaques et abusives, ça ne passe plus, les gens en ont assez."

Les supermarchés regrettent, eux, que la responsabilité de l'information des consommateurs leur revienne. "C'est au fabricant de l'écrire sur ses emballages", a réagi vendredi le représentant du leader des supermarchés E.Leclerc, Michel-Edouard Leclerc. 

C'est, à terme, le projet de Mme Grégoire, qui souhaite porter cette obligation d'information, cette fois-ci pour les industriels, au niveau européen, à l'occasion d'une "révision des règles de l’information du consommateur sur les denrées alimentaires en Europe en 2025."

Elle compte par ailleurs profiter de cette révision européenne pour y porter des mesures contre la "cheapflation", a indiqué vendredi son cabinet à l'AFP, cette autre pratique des industriels consistant à réduire des ingrédients, les supprimer ou les remplacer par des substituts moins chers ou de moindre qualité, sans pour autant réduire le prix.

Mercredi, Foodwatch avait épinglé la marque de cordon bleu Le Gaulois, qui avait diminué la quantité de poulet et d'emmental dans sa recette au profit de la chapelure, moins chère, ou encore l'industriel Fleury Michon, qui avait fait passer de 48% à 35% la part de jambon dans ses hachés à poêler.

"C'est parce que le secteur agroalimentaire manque de transparence et n'est pas régi par des règles suffisamment claires que ces magouilles sont possibles", s'était irritée Audrey Morice, chargée de campagnes chez Foodwatch.

le Vendredi 19 Avril 2024 à 06:50 | Lu 750 fois