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Sébastien Rougé : la maison de l’autisme en stand-by


Tahiti, le 12 juin 2024 - Tous Caapables, l’association fondée par Sébastien et Nathalie Rougé, accompagne les enfants et adultes autistes. Elle mène différentes actions et porte de nombreux projets comme la création de la maison de l’autisme et d’une unité d’enseignement en maternelle (UEMA). Suite à la dissolution de l’Assemblée nationale, ces projets sont en stand-by.
 
En métropole, le 10 juin, a eu lieu la 6e nuit du handicap. Lancée par le monde associatif, elle est une occasion de plus pour donner leur place aux personnes en situation de handicap. En Polynésie, des manifestations existent, des associations se battent, comme Tous Caapable fondée en février 2022.
 
Cette association accompagne les enfants et adultes autistes. Elle espère pouvoir ouvrir bientôt une maison de l’autisme ainsi qu’une unité d’enseignement en maternelle ou UEMA. C’est une unité qui permet, pour les enfants autistes de 3 à 6 ans, de suivre une scolarité en classe ordinaire.
 
Mais lundi, Tous Caapables s’interrogeait : “Repartir à zéro, ou pas ?” Dans un message posté sur sa page Facebook, l’association insistait sur le travail déjà réalisé avec la députée Mereana Reid-Arbelot, ainsi que le député président de la commission autisme en France. En raison de l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, elle ne sait aujourd’hui comment concrétiser ses projets. “Qui portera maintenant notre projet polynésien inclusif à l’Assemblée nationale... ?”
 
L’association Tous Caapables est agréée depuis juillet 2023 par Autisme info service. Il s’agit d’une association nationale qui met un dispositif d’écoute et d’information gratuit par téléphone, e-mail et chat permettant d’aider et d’orienter les personnes porteuses de troubles du spectre autistique (TSA), leur entourage et les professionnels intervenant à leurs côtés, sur les interrogations relatives à ce handicap. En Polynésie, Tous Caapables suit des personnes de 2 à 53 ans. Elle sensibilise, organise des rencontres et propose des activités.
 
“On nous appelait la famille Benetton”
 
Sébastien Rougé est né en 1977 en métropole. Il a grandi à Ermont, une petite ville du Val d’Oise. Il se rappelle avoir été hospitalisé pendant plus d’un an pour des problèmes respiratoires. Il est retourné sur les bancs de l’école en CE1. Du fait de ses soucis de santé, il a été élevé par ses grands-parents, ses parents ne pouvant pas toujours l’accompagner pour ses différents soins. “Ils étaient famille d’accueil, on nous appelait à l’époque la famille Benetton car des enfants de différentes nationalités étaient réunis sous le même toit.” Très jeune, Sébastien Rougé a découvert le racisme mais aussi la solidarité. “Celles et ceux que je considérais comme des cousins et cousines étaient rejetés parfois à l’extérieur, je ne comprenais pas.”
 
“Plutôt bon élève”, Sébastien Rougé a très vite su ce qu’il voulait faire dans la vie. Il rêvait de devenir clerc de notaire. Difficile aujourd’hui d’expliquer pourquoi, “je ne sais vraiment pas ce qui m’a poussé à ça. À l’époque, mes parents ne comprenaient pas non plus.” Il a atteint son but et a exercé à Paris entre 2001 et 2012.
 
“Notre fils est atteint du syndrome d’Asperger”
 
En 2003, Sébastien et Nathalie Rougé ont séjourné en Polynésie pour leur voyage de noce. En rentrant, ils s’étaient fait la promesse de revenir, un jour. En 2005, leur fils Valentin est né. Lorsqu’il avait 5 ans, sa maîtresse a alerté le couple. “Au début, je n’y croyais pas, on a vu plusieurs spécialistes et j’ai eu besoin d’entendre plusieurs diagnostics, quatre pour être précis, avant d’accepter. Notre fils est atteint du syndrome d’Asperger.”
 
Répondre aux besoins de leur fils
 
Le syndrome d’Asperger est une forme d’autisme sans déficience intellectuelle ni retard de langage. Il fait partie des troubles du spectre autistique. C’est un désordre du développement d’origine neurobiologique qui concerne plus fréquemment les garçons que les filles et qui affecte essentiellement la manière dont les personnes communiquent et interagissent avec les autres. En effet, ces personnes décodent avec difficulté les situations de la vie quotidienne. Leur corps, leur cerveau et leurs cinq sens reçoivent les informations correctement, mais un défaut d’analyse empêche un traitement de ces données. Il en résulte, pour la personne atteinte, une appréciation confuse de la vie et de l’environnement. Elle a donc besoin d’être guidée dans la complexité de la vie sociale. La vie de Sébastien et Nathalie Rougé s’articule depuis autour des besoins de Valentin.
 
Sébastien Rougé a quitté son emploi, il est devenu agent immobilier autoentrepreneur pour gérer les soins de son fils. Il s’est battu pour lui permettre d’avoir “une scolarité normale” et non à l’hôpital. À partir de 2014-2015, le couple toujours installé à Paris a cherché un endroit plus calme, moins stressant. Nathalie, éducatrice de jeunes enfants, est tombée sur l’annonce d’un concours en Polynésie, à l’hôpital. Elle a passé un mois à Tahiti en février 2015. “Honnêtement, je ne pensais pas du tout qu’elle pouvait avoir ses chances car – et c’est normal – les locuteurs de tahitien étaient prioritaires.” Finalement, en juillet 2015, la réponse, positive, est tombée. La famille a déménagé quelques semaines plus tard.
 
En arrivant, et pendant cinq ans, Sébastien Rougé a travaillé dans une agence immobilière, Nathalie à l’hôpital. Très vite, le couple a fait le constat que “de nombreuses familles se sentent parfois isolées avec leur enfant porteur de troubles du spectre autistique, ils ont l’impression de ne pas avoir de solutions d’accompagnement adaptées”. Ils ont souhaité étendre l’offre faite aux familles en misant sur une aide spécifique et individualisée afin de mieux gérer les troubles du comportement, améliorer la communication et donc permettre une meilleure inclusion dans la société. Pas moins de 300 patients, et donc autant de familles, seraient concernés. Mais les chiffres manquent.

Tous Caapables s’appuie sur des méthodes d’accompagnement particulières comme l’Applied Behavior Analysis (ABA) avec une personne spécialement formée. L’ABA fait partie des programmes d’intervention précoce pour les enfants avec un TSA recommandés par la Haute autorité de santé. Cette approche vise la modification du comportement avec des techniques permettant de faciliter l’apprentissage de nouveaux comportements, en analysant des tâches, en les divisant en sous-objectifs, en apportant des idées de façon précise. Ce programme permet de développer tout apprentissage : habilité sociale, propreté, autonomie… Ils sont entourés de spécialistes, proposent de la graphothérapie ou bien encore des ateliers bien-être (relaxation Snoezelen, sophrologie, musicothérapie, art-thérapie) pour les enfants mais aussi pour leurs parents, en partenariat avec des intervenants extérieurs.
 
L’association compte une centaine de membres qui se retrouvent pour des petits déjeuners, à l’occasion de spectacles, d’ateliers cuisine…
 
Dans l’attente des élections législatives anticipées, l’ouverture d’une maison de l’autisme et d’une unité d’enseignement reste à l’ordre du jour pour garantir l’inclusion des jeunes patients. Sébastien Rougé espère également qu’un jour, la Polynésie ratifiera le Plan national autisme (2023-2027). “Elle est le dernier territoire d’outre-mer à ne pas l’avoir fait.”

Contacts

Tél. : 87 76 80 80
FB : Tous CAApables
www.touscaapables.com

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 12 Juin 2024 à 18:23 | Lu 1915 fois