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Séance extraordinaire de l’APF du 3 août 2010: intervention de Mme Armelle Merceron

Projet de collectif n°4 du budget général de la Polynésie française
Intervention d’Armelle MERCERON pour le groupe IA Ora Te Fenua


photo d'archives
photo d'archives
Monsieur le Président de la Polynésie française,

Notre collectivité souffre d’une grave crise économique et sociale, budgétaire et financière, doublée d’une crise de confiance envers ses responsables politiques. C’est une évidence pour tout le monde.

En novembre 2009, à la tête d’une majorité … on ne peut plus éphémère (ou fugace, ou volatile), vous avez ajouté un épisode supplémentaire à l’instabilité politique, en votant une motion de défiance qui vous a, en même temps, élu président de la Polynésie française.

Dans la motion de défiance dont vous étiez le champion, vous affirmiez, et je vous cite:
« L’instabilité est devenue quotidienne. Depuis cinq ans aucun gouvernement n’a réussi à se maintenir plus de quelques mois et le pays en a souffert. Mais, aujourd’hui, nous sommes dans une situation encore pire. Le gouvernement n’a plus de majorité et doit en trouver une sur chaque dossier, sur chaque amendement. Il n’a plus aucune politique économique et sociale cohérente. Le seul objectif de Mr Temaru est de se maintenir à son poste en négociant avec les uns ou les autres, en reculant si nécessaire, en repoussant à plus tard les dossiers délicats. »

Huit mois plus tard, nous constatons une étrange ressemblance avec la situation que vous dénonciez et celle d’aujourd’hui. Pire avec une aggravation de la crise : récession économique accrue qui touche tous les secteurs, destruction d’emplois et pertes de revenus de nombreuses familles, prolétarisation, entreprises privées et publiques au bord du gouffre, déséquilibres financiers accentués des établissements publics et des régimes de protection sociale, ….. . Ainsi, si vous aviez mis en œuvre les mesures que j’avais proposées pour faire des économies sur l’assurance maladie, on n’aurait probablement pas à mettre 1,8 ou 2 milliards (on ne sait de plus !) au Régime de solidarité de la Polynésie française.
Les Polynésiens sont désabusés, et vous êtes en sursis.

Au-delà des économies réalisées par le précédent gouvernement, vous avez fait voter par votre majorité fugace un budget primitif 2010 revu par vous à la baisse : contraction des recettes, contraction des dépenses. Au 9° mois de l’année, l’exécution budgétaire se révèle encore en deçà des prévisions. Et à nouveau vous nous demandez de couper dans les recettes affectées et les dépenses, de manipuler la fiscalité à des fins de cavalerie.

Mais quel est le sens politique de vos pratiques ? Quelles valeurs et orientations vous guident, hors les considérations épicières et comptables directement dictées par les techniciens ?
En effet,
- Faire des économies peut paraître vertueux. Mais les faire en aveugle et rognant ici et là sans priorités définies, sans hiérarchie des services publics à maintenir, ce n’est pas acceptable ;
- Réduire la dépense publique sans redéfinition du périmètre des interventions publiques, sans évaluation des conséquences est contraire aux pratiques budgétaires des pays modernes : des services administratifs sont progressivement asphyxiés par manque de moyens humains et budgétaires nécessaires à leurs missions.

Exemples : Un architecte m’a dit que le service de l’urbanisme n’aurait plus de crédits pour mettre de l’essence dans les réservoirs des voitures afin de faire des tournées réglementaires ; en matière d’action sociale, j’ai appris qu’au premier septembre, avec semble-t-il l’accord de la ministre, la circonscription des archipels des affaires sociales serait démantelée au profit de Tahiti par redéploiement des moyens. Mr le Président, empêchez cette disparition préjudiciable à nos concitoyens des îles. Ceci est vrai également en matière de santé publique : la presse se fait écho régulièrement des manques.

Nous disons :
- Oui à la rationalisation des dépenses publiques et aux économies pour trouver plus d’efficience,
- Oui à la fermeture ou au regroupement de services administratifs (culture, audiovisuel, économie, ..), oui à la redéfinition des responsabilités assignées aux établissements publics et aux SEM (aménagement, tourisme).

Mais à condition de préserver l’essentiel, de se recentrer sur ce qui est essentiel pour faire fonctionner les services administratifs qui sont le noyau dur de notre service public, de ce qui est essentiel pour l’équité et la continuité territoriale et citoyenne.

Non à l’asphyxie, à l’étranglement des missions de service public. Vous ne nous donnez aucune visibilité sur votre action de coupe de la dépense publique, je dirai à la tronçonneuse !

La vraie question est qu’il s’agit de dépenser mieux. Les mesures d’économies répétitives doivent être accompagnées de restructuration complète. A notre connaissance rien de tel n’est réalisé. Aucune mesure de la performance des entités administratives, préalable aux évaluations des politiques publiques ne s’est concrétisée. Avez-vous initié quelque chose ? L’IGAE se proposait avec un groupe de volontaire, dans la foulée des Etats Généraux de travailler sur la restructuration du service public, avez-vous mis l’initiative dans un placard ? Vous courez à droite, à gauche pour éteindre les feux mais vous ne commencez pas à véritablement agir sur les causes de nos problèmes. Vous déshabillez Jacques pour habiller Pierre, puis vous rhabillez Jacques parce qu’il est tout nu !

Pourtant la motion de défiance qui vous a fait « roi » disait : « Nous devons refondre notre administration. Je m’engage, pour l’année 2010, à mettre en chantier une réorganisation de nos services et établissements pour qu’ils retrouvent leur fonction originelle à destination du public. »

En pleine exécution budgétaire et sans préparation, pour réaliser une prime de 17% sur les ressources affectées directement aux établissements publics, vous les rapatriez au budget général et vous rendez, à certains le reste en leur disant en gros débrouillez-vous ! A d’autres vous ne rendez rien, au risque d’arrêter des projets en cours, indispensables : ISPF, EAD.

Ainsi l’EAD va devoir stopper les projets de construction de 200 logements en petits collectifs.
La réaffectation des taxes parafiscales pose question. Elle n’est pas une fin en soi. Elle doit accompagner un projet global, partagé, concerté pour assainir nos finances publiques tout en redéfinissant le périmêtre des interventions publiques. Elle ne doit pas être systématique, mais choisie. Un établissement peut garder des taxes affectées à condition de lui fixer des missions, des objectifs clairs, de contrôler l’évolution de ses dépenses et d’évaluer ses performances.

Pour terminer je voudrais évoquer la fiscalité des communes. Vous avez redit hier que vous souhaitiez le transfert des recettes de l’impôt foncier aux communes. Alors faites-le rapidement.
Tout cela n’est pas sérieux. Les Polynésiens sont las. Vous avez voulu être de nouveau président. Soit mais assumez, montrez-nous que vous avez la vision, la force politique de sortir notre pays de l’ornière, que dis-je du trou. Nous avons besoin d’un avenir, pas d’une équipe de pompiers.

Rédigé par communiqué du IA Ora Te Fenua le Mardi 3 Août 2010 à 15:56 | Lu 650 fois