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Sa compagne en était morte : 13 ans de prison pour le tane violent


L'avocate générale a rappelé la déchéance et la désillusion qui a gagné ce jeune couple, incapable de s'assumer dans un environnement toxique.
L'avocate générale a rappelé la déchéance et la désillusion qui a gagné ce jeune couple, incapable de s'assumer dans un environnement toxique.
PAPEETE, le 7 juin 2017 - L'accusé, Reua H., un petit pêcheur de 31 ans, était jugé depuis mardi pour avoir tué sa compagne de 23 ans, sans en avoir l'intention mais à force de la brutaliser, lors d'une soirée de beuverie en avril 2015 à Vairao en marge d'un tournoi de pétanque. Il a été reconnu coupable.

"Je demande pardon, elle me manque, c'était la femme que j'aimais". Invité à s'exprimer en dernier avant que les jurés de la cour d'assises ne se retirent pour décider de son sort, ce mercredi, Reua H., modeste pêcheur de 31 ans, s'est excusé auprès de sa belle-famille avant de remercier tous les acteurs de son procès. Il a aussi eu une pensée pour celle qui partageait sa vie depuis 7 ans jusqu'à ce qu'il l'ait rossée, comme on dit, avec une violence extrême et au point de la plonger dans le coma dans la soirée du 5 au 6 avril 2015 à Vairao. La jeune femme, par ailleurs fragile car atteinte de naissance d'une maladie rare du foie, ne s'était jamais réveillée avant de trépasser au bout de quelques mois.

Le couple, qui vivait chichement et passait tout son argent dans l'alcool était complètement ivre ce soir-là, venus ensemble participer à un tournoi de pétanque organisé sur un terrain du PK 12. Cédant aux provocations et aux propos graveleux de sa femme à son encontre, selon plusieurs témoins, Reua H., les litres de vodka et de bière aidant, avait fini par perdre ses nerfs. Il voulait rentrer à la maison, elle ne voulait pas le suivre et continuer à boire.

Un premier coup de poing au visage, ou en tout cas une forte claque du revers de la main. La malheureuse vacille, saigne de la bouche. Contraint par les organisateurs du tournoi d'aller se chamailler ailleurs, le couple quitte les lieux mais Reua H. n'en a pas fini avec sa compagne qu'il bouscule, traîne par les cheveux sur le chemin, d'autres témoins la voit tomber par terre, sa tête heurtant le sol. Ils tentent timidement de s'interposer mais Reua, boxeur, fait peur. Et toujours personne pour prévenir les gendarmes, la police municipale, les secours. C'est la dernière fois que l'on verra la vahine consciente.

Reua la traîne un peu plus loin sur la route, dans l'obscurité. Plus personne n'est là pour voir. Mais deux copains qui passaient leur soirée en voiture à une soixantaine de mètres de là affirment avoir entendu des hurlements, des bruits comme des coups portés, une femme crier : "Arrête, ça suffit !", et puis plus rien. A leur arrivée sur les lieux, Reua, à califourchon sur sa conjointe, lui donne des claques. "Pour la réanimer", explique le jeune homme qui affirme encore aujourd'hui avoir tout oublié du déroulement de la soirée, tellement il avait ingurgité d'alcool.

Finalement prise en charge par les pompiers, qui diagnostiqueront un peu trop rapidement un coma éthylique, la jeune femme est conduite à l'hôpital de Taravao puis redirigée vers les urgences du CHPF de Pirae pour un traumatisme crânien et de multiples blessures à la face. Elle décèdera cinq mois plus tard, dans un état végétatif.

"La descente aux enfers"

"C'était une petite femme, un peu chétive, malade du foie de naissance, qui a rencontré Reua à l'âge de 16 ans pensant que c'était l'amour de sa vie", a tenu à rappeler Me Jourdainne, l'avocat des parents de la malheureuse, parties civiles. "Mais c'était le début de la descente aux enfers". Et l'avocat de raconter l'histoire de cette adolescente coquette qui a quitté l'école et la protection de son cocon familial pour tomber dans une famille élargie sans argent, sauf pour acheter de l'alcool. "Il l'a tellement frappée qu'elle a perdu conscience, voilà comment s'est terminée la vie de cette jeune femme qui espérait le bonheur en famille, que son conjoint trouve un travail pour faire sa vie de couple, mais dans l'impossibilité de se sortir de cette meute alcoolisée".

L'avocate générale, elle, a rappelé la déchéance et la désillusion qui a gagné ce jeune couple incapable de s'assumer financièrement, incapable d'élever leur enfant, inattendu, "dépendants eux-mêmes" d'un entourage toxique : "Le quotidien a très vite tourné à la confrontation, sans amour véritable. L'alcool, le paka et le désœuvrement tenant une place de plus en plus importante". S'il semble acquis que la victime n'était pas du genre à se laisser faire, n'hésitant pas à provoquer son tane et en particulier le soir du drame où elle l'a ouvertement nargué en public, "rien ne justifie la mort d'une jeune femme de 23 ans".

Reua H. encourait 20 ans de réclusion criminelle. Une peine maximale que la représentante du ministère public a suggéré aux jurés, tenant compte du contexte, de ramener à 15 ans. Il écope finalement de 13 ans de prison ce mercredi soir.

L'avocat de l'accusé Me Tulasne avaient appelé le jury à plus de clémence encore, en invoquant le casier judiciaire vierge de son client, les témoignages parfois fumeux de personnes complètement alcoolisées le soir du drame, et les doutes demeurant sur la réalité des coups portés lors du dernier acte de la correction infligée à la victime, présenté comme le plus violent mais qui s'était déroulé à l'abri de tout regard.

L'accusé à dix jours pour faire appel.

Rédigé par Raphaël Pierre le Mercredi 7 Juin 2017 à 17:28 | Lu 3897 fois