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SOS Suicide Polynésie : plus de 1 500 appels par an


Crédit photo : Thibault Segalard.
Crédit photo : Thibault Segalard.
Tahiti, le 29 janvier 2024 - Alors que la Journée nationale de la prévention du suicide se tiendra le 5 février, SOS Suicide Polynésie s'apprête à organiser plusieurs événements dans les jours à venir pour former des “sentinelles” contre le suicide, ainsi que des personnes aptes à prendre en charge les appels sur la ligne de crise, dans l'optique de renouveler une équipe actuelle vieillissante qui souhaite passer le relais. Chaque année, SOS Suicide répond à environ 1 500 appels et a mis en place des suivis psychologiques pour 600 personnes en 2023.

Ce dimanche encore, un jeune de moins de 21 ans s'est suicidé. Depuis novembre, c'est le cinquième jeune à s'être ôté la vie. Au total au Fenua, “plus de 300 tentatives de suicide” sont recensées chaque année selon SOS Suicide Polynésie. Un chiffre alarmant, qui ne cesse de croître, et qui est souvent la conséquence d'un “sentiment de désespoir, d'un profond sentiment de solitude et d'isolement, souvent dû à des conflits familiaux”, a précisé ce lundi Annie Tuheiava, la présidente de l'association, lors d'une conférence de presse organisée en vue de la Journée nationale de prévention du suicide, qui se déroulera le 5 février prochain. “La différence, c'est qu'avant, on avait des tentatives de suicide de personnes entre 16 et 60 ans. Maintenant, les bords s'élargissent, on a des parents qui nous appellent car leur enfant de 7-8 ans parle déjà de suicide.” Chez les jeunes, les principales causes de suicide sont le harcèlement scolaire et l'isolement. “C'est d'ailleurs dans ce sens que l'on propose des actions dans les établissements scolaires”, a poursuivi Annie Tuheiava.
 
Ainsi, année après année, SOS Suicide Polynésie, fondée en 2001, continue inlassablement de prendre en charge les personnes aux idées suicidaires. En moyenne, elle répond à environ 1 500 appels par an. En 2023, elle a même suivi plus de 600 personnes suicidaires avec des psychothérapies.
 
“On va tenter d'évaluer son risque suicide”
 
Pour mémoire, SOS Suicide est une ligne d'écoute gratuite, accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Elle permet de prendre en charge des personnes ayant des idées suicidaires, depuis les premières idées de mort jusqu'au cas extrême de la crise suicidaire. C'est une porte d'entrée vers l'ensemble des dispositifs d'aide psychologique. Et si en France, cette ligne est assurée par des professionnels de soins, infirmiers ou psychologues, au Fenua, c'est une toute petite poignée de bénévoles (2) qui est à pied d'œuvre pour tenter d'aider ces personnes en détresse. “On n'est pas médecins, on ne pose pas de questionnaire long sur la santé de la personne, on considère que si elle appelle la ligne, c'est qu'elle souhaite rester anonyme”, nous a expliqué Germaine Vanquin, membre de l'association, qui s'occupe de répondre au téléphone et est en contact direct avec les appelants. “On va tenter d'évaluer son risque suicide. Heureusement, la plupart du temps, il est léger. À ce moment-là, on va lui proposer de participer à des psychothérapies, des thérapies corporelles, des aides... Elles sont entièrement financées par l'association grâce aux subventions du Pays et de la CPS.” Et en cas de risque suicidaire élevé, l'association fait alors appel aux services de secours habituels, le Samu et la gendarmerie.
 
Créer des “sentinelles” contre le suicide
 
“L'association ne peut pas se battre seule, heureusement que les Églises et d'autres associations nous soutiennent”, a également regretté Annie Tuheiava. “Nous ne sommes que quatre membres actifs et on est âgés et fatigués. Il faut rajeunir l'équipe. C'est pour ça qu'on essaie d'intéresser les plus jeunes, peu importe où ils se trouvent et leur âge.” C'est dans cette optique que l'association va organiser ce lundi 5 février, à la mairie de Pirae, une formation pour de nouveaux bénévoles souhaitant devenir “écoutants” pour qu'ils puissent prendre la ligne de crise et soulager Germaine et Annie, qui s'occupent à elles seules de répondre au numéro d'aide. Par ailleurs, le samedi 3 février, un atelier de prévention contre le suicide sera également organisé à la mairie de Pirae. “On attend près de 200 jeunes. On souhaite qu'ils soient nos sentinelles. Que quand ils voient des signes précurseurs de quelqu'un qui vit un mal-être, ils puissent l'orienter vers nous. Il faut que les jeunes soient notre réseau”, a-t-elle expliqué, avant d'ajouter, “on est reconnu d'utilité publique et on est donc aidé par le Pays. Nous n'avons pas forcément besoin de moyens financiers, mais nous avons besoin de moyens humains”, a ajouté la présidente de l'association.
 
À noter que ces deux formations sont gratuites et ouvertes à tous. Les inscriptions se font sur place le jour J ou par mail ([email protected]). Une conférence sur “le suicide d'antan, d'aujourd'hui et de demain” sera, elle organisée, ce vendredi à 18 heures, toujours à la mairie de Pirae.
 

​ Germaine Vanquin, membre de SOS Suicide : “Il faut savoir rassurer sa conscience”

Quand et comment avez-vous intégré SOS Suicide ?

“Je l'ai intégré en 2006. J'avais vu une annonce passer qui disait qu'ils avaient besoin de personnel. Et quand tu mets le doigt dedans, c'est dur d'en ressortir. Je me suis beaucoup formée un peu partout avec les années dans des séminaires et des conférences, j'ai aussi fait beaucoup d'enquêtes dans le Pacifique, comme à Tonga... À ce stade, disons que j'aimerais bien passer la main, qu'on me remplace. Mais personne ne veut prendre ce rôle, car les gens ne souhaitent pas être dérangés le week-end, la nuit... alors que les appels tard le soir sont rares.”
 
Vous êtes la personne qui répond aux appels sur le numéro de crise. Est-ce dur psychologiquement ?

“C'est vrai que durant ma carrière, j'ai eu des suicides. Ça fait mal et c'est dur psychologiquement à encaisser. On se demande alors toujours “Qu'est-ce que je n'ai pas fait ?” On nous apprend à faire en sorte de rassurer la personne et de la calmer au téléphone. Mais malheureusement, on ne sait pas ce qui se passe quand elle raccroche... Il faut savoir rassurer sa conscience.”

Rédigé par Thibault Segalard le Lundi 29 Janvier 2024 à 16:32 | Lu 1680 fois