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SOS Pétrels : quand les oiseaux tombent du ciel


Relâché de Pétrel (Photo : Quito Braun-Ortega)
Relâché de Pétrel (Photo : Quito Braun-Ortega)
PAPEETE, le 10 juin 2015 - C'est la saison où les poussins des pétrels, ces oiseaux de mer qui ne viennent à terre que pour nicher, prennent leur envol. Mais attirés par les lumières de la ville, beaucoup vont se perdre en cours de route et ne pourront plus redécoller. Un réseau de bénévoles leur vient en aide.

Ils sont des centaines de petits oisillons dans nos montagnes, à trépigner de prendre leur premier envol. Dans les semaines qui viennent, les pétrels et puffins de Polynésie vont voir leurs poussins quitter le nid pour aller eux aussi à la chasse aux poissons, en haute mer.

Car le calendrier de ces oiseaux ressemble à s'y méprendre au nôtre. Les couples, fidèles à vie, reviennent chaque année sur leur île natale – quitte à voler sur des milliers de kilomètres – pour y pondre leur œuf. Après avoir élevé avec patience leurs rejetons, ces derniers sont assez grands en juin ou juillet pour voler de leurs propres ailes.

Chez nous, c'est une fois BAC, CAP ou BEP en poche qu'ils iront poursuivre leurs études supérieures ou chercher un travail. Mais chez les pétrels et les puffins, c'est une épreuve autrement plus impressionnante qui attend la nouvelle génération : se lancer tête baissée du haut d'une falaise. C'est peut-être pour éviter les haut-le-cœur qu'ils partent de nuit, avant le lever du jour…

Attirés par les lumières de la ville, les jeunes se perdent en route

Une fois en l'air, les oiseaux devraient partir directement vers l'océan chercher du poisson, guidés par leur instinct, pour revenir à la colonie le soir sans s'être posé une seule fois de la journée. Mais les lumières artificielles de nos villes représentent une menace pour ces oiseaux. En effet, lorsque les jeunes quittent leur nid de nuit à la saison de l’envol, ils sont attirés par les éclairages et s'échouent au pied des lampadaires ou dans les jardins.

Dans la nature, un pétrel au sol grimpera à un cocotier pour avoir assez de hauteur pour déployer ses grandes ailes. Mais dans nos villes sans arbres, ils sont incapables de redécoller seuls. Échoués sur le béton, ils peuvent mourir de faim, être écrasés par une voiture ou tués par des chiens. Cependant, il suffit souvent de les aider à reprendre leur vol vers l'océan pour les sauver.

Un réseau solidaire

C'est ce à quoi s'attelle une cinquantaine de bénévoles à travers la Polynésie. Lorsqu'un particulier repère chez lui un oiseau de mer bloqué au sol (on les distingue à leurs pieds palmés), il appelle le numéro SOS Pétrels au 87 222 799, ou contacte l'association Manu (qui a créé le réseau de sauveteurs d'oiseaux) sur sa page Facebook : Manu-SOP. Grâce à leur action, entre juin et octobre, ce sont jusqu'à 50 oiseaux qui seront renvoyés aux vents tous les mois.

Béatrice, qui avait justement trouvé un pétrel, partage son expérience : "Hier vers 18h mon neveu trouve un jeune Noha agrippé au grillage de son garage. Pas de difficulté à le prendre. Nous le mettons en sécurité dans une caisse et contactons SOS Pétrel. Ce matin, deux personnes de l'Association Manu sont venues chercher l'oiseau, un jeune Noha en bonne santé. Il a été relâché l’après-midi même depuis le "banc du gouverneur" en haut du Taharaa. Ce fut un moment émouvant de voir partir cet oiseau dans les bras des membres de l'association en ayant le sentiment qu'on lui avait sauvé la vie. Et bien sûr je lui ai chanté la très belle chanson de Tapuarii: "Ua rere te Manu i nia i te rai, mataitai au tona nehenehe.....E Manu No te Hau e, tiai te Fenua , fenua maohi....""


Jeune pétrel devant son terrier (photo : Lucie Faulquier)
Jeune pétrel devant son terrier (photo : Lucie Faulquier)
Les très discrets pétrels et puffins

Ces deux espèces sont très courantes en Polynésie, mais peu connues. Ces oiseaux de mer nichent en altitude, sur les sommets, dans des terriers souvent bien dissimulés dans la végétation. En période de reproduction, ils passent leur journée en mer pour pêcher et ne reviennent sur leurs colonies que le soir à la tombée de la nuit.

À Tahiti, trois espèces sont concernées par le problème de pollution lumineuse: le pétrel de Tahiti (noha en tahitien), le pétrel à collier (espèce très rare à Tahiti) et le puffin de Baillon -anciennement audubon - (tira'o en tahitien).


Pétrel de Tahiti (Photo Alexandre Champarnaud)
Pétrel de Tahiti (Photo Alexandre Champarnaud)
Vous avez trouvé un Pétrel ?

Vous avez trouvé un oiseau. D'abord regardez ses pattes : si elles sont palmées, c’est bien un oiseau de mer ! Il a besoin de votre aide :
- Mettez-le dans un carton fermé que vous aurez au préalable percé de quelques trous pour que l’oiseau respire.
- Ne le nourrissez surtout pas (ni de pain, ni d’autre chose)
- Évitez de le manipuler plus que nécessaire pour qu’il garde ses plumes étanches à l’eau : ne le caressez surtout pas.
- Placez-le dans un endroit calme, à l’abri du soleil, des chiens et des chats.
- Appelez SOS Pétrels au 87 222 799. Des bénévoles viendront le chercher et lui prodigueront les soins nécessaires.
- Si vous le pensez utile (temps qui passe, chaleur), vous pouvez placer le bec de l’oiseau devant un fin filet d’eau pour le faire boire. S’il ne veut pas, n’insistez-pas.

Un programme ambitieux de Manu

La SOP Manu a mis en place depuis trois ans un programme de sauvetage des Pétrels et Puffins, soutenu en 2013 et 2014 par l’Hôtel Tikehau Pearl Beach Resort. Le programme a plusieurs objectifs:
1) Sensibiliser la population à la problématique. Pour cela, l'association participe aux évènements locaux et intervient dans les écoles.
2) Récupérer les oiseaux "échoués", soigner ceux qui sont blessés puis les relâcher dans les meilleurs délais et conditions, grâce à un réseau de volontaires organisé.
3) Étudier l'impact de la pollution lumineuse et améliorer les connaissances sur ces oiseaux.
4) Former les bénévoles sauveteurs

Mouette de Franklin à Fangatau (Tuamotu)
Mouette de Franklin à Fangatau (Tuamotu)
Une observation rare en Polynésie française

Cathy, une jeune habitante de Fangatau (aux Tuamotu) trouve un oiseau de mer étrange sur le récif. Après consultation, deux experts ornithologues l’identifient comme étant une Mouette de Franklin (Leucophaeus pipixcan) de la famille des Laridae. Première mention pour les Tuamotu semble-t-il ! Cette petite espèce de mouette, fréquente et nicheuse en Amérique du Nord migre, en hiver, jusqu'aux Antilles et en Amérique du Sud (Pérou et Chili).
L’individu retrouvé aux Tuamotu était donc fort loin de chez lui ! Quel vent l’a poussé ?
La mouette recueillie s'est finalement envolée, preuve que Cathy et sa famille se sont bien occupées d'elle en suivant les conseils prodigués. Mauruuru !

La carte de répartition de la mouette de Franklin

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 10 Juin 2015 à 16:06 | Lu 2668 fois