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Ronny Teriipaia : “C'est le ministère qui décide”


© Bertrand Prévost
© Bertrand Prévost
Tahiti, le 11 août 2023 – “C'est le ministère qui décide, pas les chefs d'établissement !” Le ministre Ronny Teriipaia n'y est pas allé avec le dos de la cuillère, jeudi à l'assemblée, à l'occasion de l'examen des comptes financiers des collèges de Pao Pao et Afareaitu. Concernant la mise en place de davantage de lits dans les internats, il a accusé certains chefs d'établissement de faire “de la résistance gratuite” et est même allé jusqu'à dénoncer “certains profs” qui se “partagent le butin” des heures supplémentaires.  
 
Que chacun reste à sa place. C'est clairement ce qu'a déclaré le ministre de l'Éducation, ce jeudi, en commission permanente de l'assemblée de la Polynésie française, après avoir fait sa conférence de presse de rentrée à la présidence le matin. À l'occasion de l'examen des comptes financiers des collèges de Pao Pao et Afareaitu de Moorea, et notamment sur le problème de place dans les internats, Ronny Teriipaia a ainsi indiqué “avoir des problèmes avec certains chefs d'établissement” qui “apparemment font de la résistance gratuite”. Et de poursuivre : “Soi-disant il n'est pas question d'installer des lits... C'est le ministère qui décide, pas les chefs d'établissement !” Les voilà donc avertis.
 
L'interministérialité prônée par le gouvernement Brotherson en prend elle aussi un coup. Le ministre de l’Éducation a en effet déclaré que si la tutelle du lycée agricole d'Opunohu revenait à son homologue du secteur primaire, il ne voyait pas pourquoi son ministère “continuerait de payer”. Taivini Teai appréciera.

“C'est pour l'argent, il ne faut pas se leurrer”

Il a également été question des heures supplémentaires et Ronny Teriipaia n'y est pas allé par quatre chemins : “Il faut que vous sachiez qu'on a réussi à obtenir des postes pour tous les professeurs qui ont réussi le Capes, et donc qui sont stagiaires (pendant un an, NDLR), dont huit qui avaient des difficultés à obtenir un poste, ici en Polynésie. Soi-disant ils étaient mutés en France... On a réussi parce que, justement, on est allé sur le terrain pour vérifier le nombre d'heures et c'est comme ça qu'on a obtenu des postes. Parce qu'il y a des chefs d'établissement qui cachent le nombre d'heures qu'ils se partagent. En fait, c'est pour l'argent, il ne faut pas se leurrer. C'est comme ça que ça se passe, les heures supplémentaires entre profs. Ils se partagent le butin et du coup, ça empêche nos enfants de revenir au fenua.” De quels enseignants parle-t-il ? Y a-t-il un problème avec les heures supplémentaires et certains en abusent-ils ?

C'est la DGEE qui encadre les heures sup’

Déjà, il faut savoir qu'il y a environ 50% de Capésiens qui sont Polynésiens. Autrement dit, il y a autant d'enseignants polynésiens que d'enseignants métropolitains qui “se partagent le butin” comme dit le ministre. Eux aussi apprécieront... Ensuite, le fait d'aller récupérer des heures supplémentaires dans les établissements pour arriver à créer des postes pour les Capésiens stagiaires est une bonne chose. Mais cela se faisait déjà sous l'ancienne mandature, l'idée étant de permettre aux Polynésiens qui avaient réussi le concours de pouvoir rester enseigner au fenua. Normal.
 
Enfin, ce ne sont pas les chefs d'établissement qui font leur cuisine interne pour dispatcher les heures supplémentaires, mais bien la direction générale de l'éducation et des enseignements (DGEE) qui encadre l'enveloppe d'heures attribuées aux établissements du secondaire, ce que l'on appelle la dotation horaire globale (DHG). Autrement dit, il n'y a pas d'heures “cachées”.

Passer le DNL pour pouvoir enseigner en reo

Dans un autre registre, le ministre a annoncé à la presse, jeudi matin à la présidence, qu'il souhaitait “outiller les enseignants qui veulent enseigner le reo tahiti” en rouvrant, avec la DGEE, “le pôle d'enseignement polynésien”. Dans l'après-midi à l'assemblée, il précisait son propos : “Il faut savoir que pour pouvoir enseigner la langue mā’ohi, les enseignants doivent posséder une habilitation à enseigner, c'est ce qu'on appelle le DNL (discipline non linguistique, NDLR) au niveau du secondaire. Tous les enseignants n'ont pas cette habilitation actuellement. On s'arrange avec le vice-rectorat pour les autoriser à le faire, mais il faut absolument que les enseignants se mettent à passer cet examen pour pouvoir enseigner en langue tahitienne dans le secondaire les maths, les SVT ou autres disciplines.”
 
L'idée est louable mais pas si facile à mettre en place car ils sont peu nombreux à présenter cet examen. Savoir parler anglais, espagnol ou tahitien est une chose. Enseigner une autre matière dans ces langues en est une autre et beaucoup d'enseignants ne s'en sentent pas capables ou ne veulent pas s'y risquer. À tort ou à raison d'ailleurs. Mais selon nos informations, ils ne seraient que “deux à quatre” par an à passer ce DNL qui se déroule en deux épreuves (écrit et oral).
 
C'est une habilitation qui existait déjà en Polynésie pour des enseignements en anglais ou en espagnol, mais pas en reo Tahiti. Cela a été rendu possible il y a trois ans, avec la mise en place des écoles bilingues à parité horaire par l'ancienne ministre de l'Éducation qui avait eu l'aval de l'État.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Vendredi 11 Août 2023 à 18:16 | Lu 6881 fois